Thiaroye-sur-mer. C’est un vieux quartier traditionnel situé dans la grande banlieue dakaroise à une vingtaine de kilomètres du centre ville. Bercé par la fraîcheur des vagues de l’océan atlantique, la localité qui compte environ 60.000 âmes est habitée aujourd’hui par des pêcheurs et des migrants venus vivre à Dakar pour fuir la pauvreté des campagnes. Thiaroye-sur-mer fait partie de ces nombreuses agglomérations sénégalaises situées sur le littoral qui ont payé un lourd tribut à l’émigration clandestine.
Ce phénomène, qui selon les aveux et témoignages poignants des candidats recalés ou rapatriés, a longtemps existé, mais n’a connu un véritable rush qu’en 2006 et actuellement en 2015. Il a, en effet, semé le cauchemar et la désolation dans ce vieux quartier lébou (ethnie des pêcheurs). De sorte qu’il est devenu un sujet tabou. Les gens évitent, instamment, d’en parler surtout avec un inconnu.
En un après-midi de mercredi, ce gros village baigne dans une pesante torpeur. Comme s’il s’était vidé de sa population, les rues sont quasiment désertes. Un calme relativement plat y règne. Au beau milieu d’une grande ruelle, un grand arbre, deux ateliers.
Des carcasses de véhicules et des pièces de tout genre jonchent par terre alors que de l’autre côté, seule une vieille table en mauvais état et quelques débris de bois renseignent sur la nature des travaux qui y sont exercés. Sans risque de se tromper, on peut dire que l’un est occupé par des mécaniciens ; l’autre par des menuisiers. Mais, ces derniers ne sont pas sur place. Une seule personne est trouvée sur les lieux en train de s’affairer sur un machin...
Répondant à peine à notre salutation, le jeune homme nous renvoie auprès d’un certain Alé Ndiaye, son mentor assis avec les autres sous une tente située à droite des ateliers. Dès que son nom est prononcé, c’est un jeune aux gros biceps qui répond. Il sert, vigoureusement, notre main l’air hébété. Cela se voit qu’il est circonspect de prime abord. «Qui vous a donné mon nom et pourquoi vous êtes venu vous adresser à moi directement», questionna-t-il. A la suite d’une discussion d’une dizaine de minutes, il s’est détendit. Lui et ses camarades sont convaincus et sont en confiance pour des confidences.
Les racines du mal
Alé Ndiaye, 1m, 90, 29 ans révolus, marié est père de trois enfants. Ce maître menuisier et pêcheur de surcroît ne veut pas entendre parler de voyage vers l’Espagne à bord d’une embarcation de fortune. «Si on peut nous aider à travailler ici, cela serait très bien. Je ne suis pas pour le voyage. Mais, il faut que l’importation des meubles cesse. A cause de cette activité, nous ne travaillons plus. Comme vous nous avez trouvé ici, on passe les journées à se tourner les pouces. Alors que jadis, c’est nous qui
fabriquions les portes, fenêtres et tout l’équipement des maisons. Hélas ! Ce n’est plus possible avec l’importation des meubles», a confessé Alé Ndiaye, pompe à la gorge.
Et pourtant, a-t-il tenu à ajouter, «j’ai beaucoup d’amis qui ont pu partir en Espagne à bord des pirogues, mais cela ne me tente pas du tout». Tout le contraire de son compère, Badara Sall qui habite sur le littoral. La fenêtre de sa chambre donne, d’ailleurs, sur la plage. «Je suis au courant de ce genre de voyage depuis le début, bien avant que les gens en parlent de cette manière. Mais ma mère a toujours refusé que je parte. Elle ne transige pas avec cela», a-t-il confié.
Ce n’est, cependant pas le refus de sa maman qui le retient encore au Sénégal. «J’ai un métier que je maîtrise très bien, mais je n’ai aucune perspective, aucun espoir sur mon avenir. Si j’avais en ce moment les moyens, j’allais partir», débite Badara Sall. Sur un ton émouvant, ce jeune homme d’une vingtaine d’années, mince et svelte de laisser entendre : «Je ne pense même pas épouser une femme. Ce n’est pas parce que je ne veux pas. Mais, si je dois mourir de faim, je préfère que cela soit moi, ma maman et mes frères mais non avec une innocente jeune fille».
Tous ces jeunes assis sous cette tente partagent les «trois normaux» (trois tasses de thé), devenus par la force de la conjoncture «deux normaux». Ils se disent découragés par la pêche qui n’apporte «plus rien» aux pêcheurs traditionnels qu’ils sont et qui n’ont que leurs filets et matériels rudimentaires à opposer aux instruments modernes des grands bateaux occidentaux et asiatiques qui «raflent tout» ; et ne laissent derrière eux que «des déchets».
Le leitmotiv de ces jeunes est qu’«il n’y a pas d’usines où l’on peut aller chercher un boulot ; notre seule solution est d’aller à l’étranger pour voir le bout du tunnel». Une odeur forte se dégage de cette tente pour se mélanger à celle des vagues dont les clapotis sont perceptibles jusque-là. Ce qui prouve que l’océan est à quelques mètres d’ici. Un soleil des tropiques règne en maître sur cette plage de Thiaroye/mer.
Ce qui ne semble préoccuper guère les jeunes qui s’amusent dans l’eau pendant que d’autres aident des pêcheurs à accoster et à décharger leurs poissons. Juste à côté, de vieilles pirogues sont bercées par les vagues. «Ce quai de pêche de fortune n’est plusfréquenté comme avant», témoigne une dame qui exerce dans le commerce de poissons séchés.
Ce phénomène, qui selon les aveux et témoignages poignants des candidats recalés ou rapatriés, a longtemps existé, mais n’a connu un véritable rush qu’en 2006 et actuellement en 2015. Il a, en effet, semé le cauchemar et la désolation dans ce vieux quartier lébou (ethnie des pêcheurs). De sorte qu’il est devenu un sujet tabou. Les gens évitent, instamment, d’en parler surtout avec un inconnu.
En un après-midi de mercredi, ce gros village baigne dans une pesante torpeur. Comme s’il s’était vidé de sa population, les rues sont quasiment désertes. Un calme relativement plat y règne. Au beau milieu d’une grande ruelle, un grand arbre, deux ateliers.
Des carcasses de véhicules et des pièces de tout genre jonchent par terre alors que de l’autre côté, seule une vieille table en mauvais état et quelques débris de bois renseignent sur la nature des travaux qui y sont exercés. Sans risque de se tromper, on peut dire que l’un est occupé par des mécaniciens ; l’autre par des menuisiers. Mais, ces derniers ne sont pas sur place. Une seule personne est trouvée sur les lieux en train de s’affairer sur un machin...
Répondant à peine à notre salutation, le jeune homme nous renvoie auprès d’un certain Alé Ndiaye, son mentor assis avec les autres sous une tente située à droite des ateliers. Dès que son nom est prononcé, c’est un jeune aux gros biceps qui répond. Il sert, vigoureusement, notre main l’air hébété. Cela se voit qu’il est circonspect de prime abord. «Qui vous a donné mon nom et pourquoi vous êtes venu vous adresser à moi directement», questionna-t-il. A la suite d’une discussion d’une dizaine de minutes, il s’est détendit. Lui et ses camarades sont convaincus et sont en confiance pour des confidences.
Les racines du mal
Alé Ndiaye, 1m, 90, 29 ans révolus, marié est père de trois enfants. Ce maître menuisier et pêcheur de surcroît ne veut pas entendre parler de voyage vers l’Espagne à bord d’une embarcation de fortune. «Si on peut nous aider à travailler ici, cela serait très bien. Je ne suis pas pour le voyage. Mais, il faut que l’importation des meubles cesse. A cause de cette activité, nous ne travaillons plus. Comme vous nous avez trouvé ici, on passe les journées à se tourner les pouces. Alors que jadis, c’est nous qui
fabriquions les portes, fenêtres et tout l’équipement des maisons. Hélas ! Ce n’est plus possible avec l’importation des meubles», a confessé Alé Ndiaye, pompe à la gorge.
Et pourtant, a-t-il tenu à ajouter, «j’ai beaucoup d’amis qui ont pu partir en Espagne à bord des pirogues, mais cela ne me tente pas du tout». Tout le contraire de son compère, Badara Sall qui habite sur le littoral. La fenêtre de sa chambre donne, d’ailleurs, sur la plage. «Je suis au courant de ce genre de voyage depuis le début, bien avant que les gens en parlent de cette manière. Mais ma mère a toujours refusé que je parte. Elle ne transige pas avec cela», a-t-il confié.
Ce n’est, cependant pas le refus de sa maman qui le retient encore au Sénégal. «J’ai un métier que je maîtrise très bien, mais je n’ai aucune perspective, aucun espoir sur mon avenir. Si j’avais en ce moment les moyens, j’allais partir», débite Badara Sall. Sur un ton émouvant, ce jeune homme d’une vingtaine d’années, mince et svelte de laisser entendre : «Je ne pense même pas épouser une femme. Ce n’est pas parce que je ne veux pas. Mais, si je dois mourir de faim, je préfère que cela soit moi, ma maman et mes frères mais non avec une innocente jeune fille».
Tous ces jeunes assis sous cette tente partagent les «trois normaux» (trois tasses de thé), devenus par la force de la conjoncture «deux normaux». Ils se disent découragés par la pêche qui n’apporte «plus rien» aux pêcheurs traditionnels qu’ils sont et qui n’ont que leurs filets et matériels rudimentaires à opposer aux instruments modernes des grands bateaux occidentaux et asiatiques qui «raflent tout» ; et ne laissent derrière eux que «des déchets».
Le leitmotiv de ces jeunes est qu’«il n’y a pas d’usines où l’on peut aller chercher un boulot ; notre seule solution est d’aller à l’étranger pour voir le bout du tunnel». Une odeur forte se dégage de cette tente pour se mélanger à celle des vagues dont les clapotis sont perceptibles jusque-là. Ce qui prouve que l’océan est à quelques mètres d’ici. Un soleil des tropiques règne en maître sur cette plage de Thiaroye/mer.
Ce qui ne semble préoccuper guère les jeunes qui s’amusent dans l’eau pendant que d’autres aident des pêcheurs à accoster et à décharger leurs poissons. Juste à côté, de vieilles pirogues sont bercées par les vagues. «Ce quai de pêche de fortune n’est plusfréquenté comme avant», témoigne une dame qui exerce dans le commerce de poissons séchés.
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