Le Sénégal est un pays dont sa population est à 95% musulmane. Une tendance qui explique peut être l'existence d’écoles coraniques à tout bout de champ. Leur prolifération est tellement inquiétante qu'aussi bien l'Etat, les maîtres coraniques que les ONG n’arrivent pas à maîtriser le nombre exact de ces daaras. Les fidèles ne cessent de dénoncer cette profusion d’écoles coraniques. On en voit partout et à n’importe quelle occasion. Dans une mosquée de la Médina, située sur l’avenue Blaise Diagne près du domicile de Serigne Abdoul Aziz Sy, des musulmans ruent dans les brancards.
Dans cette résidence, c’est la piété qui fait foi. Même les dimanches, des gens s’adonnent à une lecture du saint Coran. En effet, des adolescents et une dame ne dérogent pas à la règle. Au moment où ils récitent des versets du Coran, un monsieur qui frôle la cinquantaine les supervise. Très concentré, il semble ne même pas entendre les salamalecs. Après moult questions sur l’objet de notre visite, il accepte enfin de nous parler dans l'anonymat, arguant qu’il n’est pas le maître des lieux. Il dit réprouver le nombre croissant des daaras. «Si on pouvait trouver un seul daara dans chaque quartier ce serait mieux, mais on en trouve trois à quatre dans un patelin. Tout est désordonné. Malheureusement, on y peut rien parce que c’est un problème social. Personne n’ose toucher aux daaras» se désole-t-il. La dame interrompte sa lecture et s’immisce dans le débat. Ndéye Dièye s’indigne et interpelle l’Etat.
Ces taudis qui servent de daaras
Cependant, la dame demeurant à Pikine est favorable à la mendicité. Elle estime que cela inculque les valeurs d’humilité aux enfants. Un avis que partage largement Samba, un ancien talibé. Rencontré dans le même quartier à la Rue 8 X 10 de la Médina, il crèche dans une très grande maison qui ne peut passer inaperçue. Le mur qui fait face à la rue a plusieurs mètres de hauteur et n’a aucune fenêtre. L'entrée est située à l’extrémité droite collée à un autre mur de la même hauteur. Là non plus, il n’y a pas de fenêtre. Tout laisse croire que c’est un entrepôt.
Mais cette maison sinistre et lugubre est bien compartimentée à l’intérieur. On voit plusieurs concessions faites en bois, seules quelques unes tiennent encore leurs formes initiales. Les autres sont complètement inclinées, érodées. Un coup de vent pourrait bien les mettre à terre. Les chambres visitées sont remplies de poussière et certainement de punaises. Les bagages rangés pêle-mêle, tandis que les nattes s’effilochent et sont couvertes de sable. Un piteux décor qui ne semble aucunement déranger ses occupants composés de talibés et leurs maîtres.
10 heures dans ce taudis. C'est un calme de cimetière qui y règne. Les rares personnes trouvées sur place ont l'air éberlué de voir des visiteurs. «Tous les talibés sont allés mendier, quand au maître il est sorti» confit Samba. Il soutient que cela fait partie de la formation. «Chaque matin après les séances de récital de Coran, ils vont à la recherche de leur pain quotidien parce qu’ils ne payent rien pour apprendre et leur maître coranique n’a pas d’activités génératrices de revenus» explique-t-il.
Des "loques" humaines en errance
Deux talibés âgés entre sept et neuf ans avouent qu’ils «versent 200 ou 300 francs CFA par jour selon l’âge ou du riz qu’on leur donne en aumône». Ces mômes errent à longueur de journée. Ils nagent dans l’insouciance et l’inconscience.
Au rond pont de Castors, les véhicules viennent de tous les sens. A 18h, ils se disputent la chaussée, les gens sont pressés de retrouver leur famille après une journée de dur labeur. De petits enfants se faufilent entre les voitures. Ils ne se préoccupent point du danger qui les guette. Ces talibés sont vêtus tout deux de tee-shirt et d’une culotte rafistolés. Ces habits sont tellement pâles que leurs couleurs sont devenues méconnaissables. Les chaussures sont bricolées. Comble de malheur, tous les deux leur corps sont recouverts de saletés. Ils sont peut-être restés des jours sans prendre de bain. Chacun d’eux porte à la main gauche un pot graisseux. Ce récipient contient leur «butin» ou encore leur pitance (riz, biscuits, sucre, cola, bonbon etc).
Ils semble recevoir l’ordre de ne jamais parler aux autres. Il faut insister, les supplier ou leur offrir une pièce de monnaie pour qu’ils se confient. «Après avoir versé le montant exigé au maître, nous gardons le reste pour acheter des chaussures ou pour l'offrir à nos maman une fois de retour au village", confesse enfin le plus âgé.
Le deal des parents avec les marabouts
Ce supplice des enfants est dénoncé un peu partout. Mohamed Chérif Diop ex-coordonnateur du programme talibé de l’ONG Tostan et coordonnateur du cadre d’appui à l’initiative nationale en faveur des talibés s’insurge contre cet état de fait. Il propose «l’établissement d’une structure qui veille sur la régularité des daaras dans chaque collectivité locale» tout en dénonçant la mendicité des talibés. Il soutient que «c’est souvent un deal entre le marabout et les parents du talibé qui utilisent ce dernier pour se nourrir». C’est pour cela que, poursuit-il, «les enfants ne quittent jamais les villes vers les campagnes ou vers les zones défavorisées. Ils quittent toujours les zones défavorisées vers les grandes villes. Et leurs maîtres sont des soi-disant marabouts sénégalais ou de la sous région qui n’hésitent pas à fixer des quotas quotidiens aux talibés» s’indigne-t-il. Ce flux migratoire des talibés vers les zones les plus fructueuses explique clairement, selon Mohamed Chérif Diop, la motivation de certains maîtres coraniques.
La complicité de l’Etat indexée
Comme pour confirmer les propos de Chérif Diop, Hamdy Rabi Bâ n’y va pas par quatre chemins pour expliquer comment les daaras sont utilisés par des «véreux» pour des intérêts économiques. «Dès fois, on voit une personne qui ne sait même pas réciter la Fatiha créer un daara, ou encore un chômeur endurci qui regroupe des enfants quelque part et se proclamer maître coranique. C’est parce qu’il n’y pas de moyen de contrôle de leurs aptitudes» s’insurge Hamdy Rabi Bâ maître coranique à Yeumbeul Sud.
La maîtresse coranique Ndéye Diop Sarr embouche la même trompette. Elle tient un daara, depuis plusieurs années, chez elle à la Rue 6 X 31 à quelques encablures de la maison des talibés. Elle dénonce les conditions pénibles dans lesquelles certains talibés apprennent les enseignements du Saint Coran tout en évoquant la responsabilité des autorités étatiques. Elle pense que "c’est l’Etat qui laisse faire parce qu'il doit fixer des règles pour la création des daaras".
Des daaras à califourchon entre deux ministères
Son opinion est largement partagée par le coordonnateur du cadre d’appui à l’initiative nationale en faveur des talibés. Mieux, Mohamed Chérif Diop dénonce «la fuite de responsabilité et l’indécision de l’Etat qui ne sait pas où loger les daaras». En effet, les daaras sont gérés par deux ministères. Le ministère de l’Education qui est en charge de l’aspect éducation et le ministère de la Famille pour le volet social. C’est "incompréhensible" d’autant plus que les écoles classiques "ont des problèmes sociaux mais elles sont logées uniquement au ministère de l’Education" se désole Mohamed Chérif Diop. Il suggère un engagement sincère de l’Etat et des autorités religieuses pour mettre les talibés dans de meilleures conditions d’apprentissage du Saint Coran.
Au ministère de la Famille, de l’Entreprenariat féminin et de la Microfinance on considère la mendicité des talibés comme un abus envers les enfants. Car «la place de l’enfant est dans la maison, dans sa communauté et dans le daara s’il est talibé et non pas dans la rue» s’offusque Ndéye Lissa Diop N’Diaye directrice de la Protection des droits de l’enfant. A travers son projet EVF (Education à la Vie Familiale), le ministère de la Famille veut offrir aux «apprenants des daaras de meilleures conditions de vie» poursuit-elle. Toutefois, le ministère de la Famille veut être clair à ce propos, il ne considère pas les «talibés-mendiants» comme des talibés mais comme «des enfants de la rue». Au niveau du ministère de l’Education, il n’y a pas encore de cahier de charges pour la création des daaras. Mais, l’Etat aurait nommé en 2008 un inspecteur des daaras.
Dans cette résidence, c’est la piété qui fait foi. Même les dimanches, des gens s’adonnent à une lecture du saint Coran. En effet, des adolescents et une dame ne dérogent pas à la règle. Au moment où ils récitent des versets du Coran, un monsieur qui frôle la cinquantaine les supervise. Très concentré, il semble ne même pas entendre les salamalecs. Après moult questions sur l’objet de notre visite, il accepte enfin de nous parler dans l'anonymat, arguant qu’il n’est pas le maître des lieux. Il dit réprouver le nombre croissant des daaras. «Si on pouvait trouver un seul daara dans chaque quartier ce serait mieux, mais on en trouve trois à quatre dans un patelin. Tout est désordonné. Malheureusement, on y peut rien parce que c’est un problème social. Personne n’ose toucher aux daaras» se désole-t-il. La dame interrompte sa lecture et s’immisce dans le débat. Ndéye Dièye s’indigne et interpelle l’Etat.
Ces taudis qui servent de daaras
Cependant, la dame demeurant à Pikine est favorable à la mendicité. Elle estime que cela inculque les valeurs d’humilité aux enfants. Un avis que partage largement Samba, un ancien talibé. Rencontré dans le même quartier à la Rue 8 X 10 de la Médina, il crèche dans une très grande maison qui ne peut passer inaperçue. Le mur qui fait face à la rue a plusieurs mètres de hauteur et n’a aucune fenêtre. L'entrée est située à l’extrémité droite collée à un autre mur de la même hauteur. Là non plus, il n’y a pas de fenêtre. Tout laisse croire que c’est un entrepôt.
Mais cette maison sinistre et lugubre est bien compartimentée à l’intérieur. On voit plusieurs concessions faites en bois, seules quelques unes tiennent encore leurs formes initiales. Les autres sont complètement inclinées, érodées. Un coup de vent pourrait bien les mettre à terre. Les chambres visitées sont remplies de poussière et certainement de punaises. Les bagages rangés pêle-mêle, tandis que les nattes s’effilochent et sont couvertes de sable. Un piteux décor qui ne semble aucunement déranger ses occupants composés de talibés et leurs maîtres.
10 heures dans ce taudis. C'est un calme de cimetière qui y règne. Les rares personnes trouvées sur place ont l'air éberlué de voir des visiteurs. «Tous les talibés sont allés mendier, quand au maître il est sorti» confit Samba. Il soutient que cela fait partie de la formation. «Chaque matin après les séances de récital de Coran, ils vont à la recherche de leur pain quotidien parce qu’ils ne payent rien pour apprendre et leur maître coranique n’a pas d’activités génératrices de revenus» explique-t-il.
Des "loques" humaines en errance
Deux talibés âgés entre sept et neuf ans avouent qu’ils «versent 200 ou 300 francs CFA par jour selon l’âge ou du riz qu’on leur donne en aumône». Ces mômes errent à longueur de journée. Ils nagent dans l’insouciance et l’inconscience.
Au rond pont de Castors, les véhicules viennent de tous les sens. A 18h, ils se disputent la chaussée, les gens sont pressés de retrouver leur famille après une journée de dur labeur. De petits enfants se faufilent entre les voitures. Ils ne se préoccupent point du danger qui les guette. Ces talibés sont vêtus tout deux de tee-shirt et d’une culotte rafistolés. Ces habits sont tellement pâles que leurs couleurs sont devenues méconnaissables. Les chaussures sont bricolées. Comble de malheur, tous les deux leur corps sont recouverts de saletés. Ils sont peut-être restés des jours sans prendre de bain. Chacun d’eux porte à la main gauche un pot graisseux. Ce récipient contient leur «butin» ou encore leur pitance (riz, biscuits, sucre, cola, bonbon etc).
Ils semble recevoir l’ordre de ne jamais parler aux autres. Il faut insister, les supplier ou leur offrir une pièce de monnaie pour qu’ils se confient. «Après avoir versé le montant exigé au maître, nous gardons le reste pour acheter des chaussures ou pour l'offrir à nos maman une fois de retour au village", confesse enfin le plus âgé.
Le deal des parents avec les marabouts
Ce supplice des enfants est dénoncé un peu partout. Mohamed Chérif Diop ex-coordonnateur du programme talibé de l’ONG Tostan et coordonnateur du cadre d’appui à l’initiative nationale en faveur des talibés s’insurge contre cet état de fait. Il propose «l’établissement d’une structure qui veille sur la régularité des daaras dans chaque collectivité locale» tout en dénonçant la mendicité des talibés. Il soutient que «c’est souvent un deal entre le marabout et les parents du talibé qui utilisent ce dernier pour se nourrir». C’est pour cela que, poursuit-il, «les enfants ne quittent jamais les villes vers les campagnes ou vers les zones défavorisées. Ils quittent toujours les zones défavorisées vers les grandes villes. Et leurs maîtres sont des soi-disant marabouts sénégalais ou de la sous région qui n’hésitent pas à fixer des quotas quotidiens aux talibés» s’indigne-t-il. Ce flux migratoire des talibés vers les zones les plus fructueuses explique clairement, selon Mohamed Chérif Diop, la motivation de certains maîtres coraniques.
La complicité de l’Etat indexée
Comme pour confirmer les propos de Chérif Diop, Hamdy Rabi Bâ n’y va pas par quatre chemins pour expliquer comment les daaras sont utilisés par des «véreux» pour des intérêts économiques. «Dès fois, on voit une personne qui ne sait même pas réciter la Fatiha créer un daara, ou encore un chômeur endurci qui regroupe des enfants quelque part et se proclamer maître coranique. C’est parce qu’il n’y pas de moyen de contrôle de leurs aptitudes» s’insurge Hamdy Rabi Bâ maître coranique à Yeumbeul Sud.
La maîtresse coranique Ndéye Diop Sarr embouche la même trompette. Elle tient un daara, depuis plusieurs années, chez elle à la Rue 6 X 31 à quelques encablures de la maison des talibés. Elle dénonce les conditions pénibles dans lesquelles certains talibés apprennent les enseignements du Saint Coran tout en évoquant la responsabilité des autorités étatiques. Elle pense que "c’est l’Etat qui laisse faire parce qu'il doit fixer des règles pour la création des daaras".
Des daaras à califourchon entre deux ministères
Son opinion est largement partagée par le coordonnateur du cadre d’appui à l’initiative nationale en faveur des talibés. Mieux, Mohamed Chérif Diop dénonce «la fuite de responsabilité et l’indécision de l’Etat qui ne sait pas où loger les daaras». En effet, les daaras sont gérés par deux ministères. Le ministère de l’Education qui est en charge de l’aspect éducation et le ministère de la Famille pour le volet social. C’est "incompréhensible" d’autant plus que les écoles classiques "ont des problèmes sociaux mais elles sont logées uniquement au ministère de l’Education" se désole Mohamed Chérif Diop. Il suggère un engagement sincère de l’Etat et des autorités religieuses pour mettre les talibés dans de meilleures conditions d’apprentissage du Saint Coran.
Au ministère de la Famille, de l’Entreprenariat féminin et de la Microfinance on considère la mendicité des talibés comme un abus envers les enfants. Car «la place de l’enfant est dans la maison, dans sa communauté et dans le daara s’il est talibé et non pas dans la rue» s’offusque Ndéye Lissa Diop N’Diaye directrice de la Protection des droits de l’enfant. A travers son projet EVF (Education à la Vie Familiale), le ministère de la Famille veut offrir aux «apprenants des daaras de meilleures conditions de vie» poursuit-elle. Toutefois, le ministère de la Famille veut être clair à ce propos, il ne considère pas les «talibés-mendiants» comme des talibés mais comme «des enfants de la rue». Au niveau du ministère de l’Education, il n’y a pas encore de cahier de charges pour la création des daaras. Mais, l’Etat aurait nommé en 2008 un inspecteur des daaras.
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