« Est-ce que vous avez compris ? » Un professeur grand et élancé parle devant une soixantaine d’élèves de tous âges. Au tableau noir, des calculs de différents niveaux sont posés. Les élèves sont calmes. Habillés d’uniformes en pagne ou de vêtements troués, les grands derrière, les plus petits devant. Ici, Monsieur Marcel fait la classe aux enfants des rues.
Alain Marcel Demassé, appelé communément « M. Marcel », a soixante ans passés. Il porte une petite croix gravée en bois autour du cou, sur une chemisette à carreaux. Mais il ne faut pas s’en laisser compter par son regard bienveillant. Il sait être strict. « Dès qu’ils arrivent de la rue, ce n’est pas facile. D’abord, on se substitue aux parents en les considérant comme nos propres enfants. La première chose à faire, c’est de chercher à corriger l’état de la rue et à intégrer l’enfant dans la discipline du centre, dans la vie en société et en communauté », explique-t-il.
« Un Monsieur qui est spécial »
C’est un long chemin qui se fait à l’arrivée des enfants des rues, appelés ici les « godobe », qui poussent la porte de la fondation. Certains viennent seulement pour se faire soigner dans le petit centre de santé de l’organisation, prendre une douche ou un repas. Sans rien forcer, la Voix du Cœur tente de les pousser vers les bancs. Alors, pendant un mois, M. Marcel les apprivoise. Il mène des activités avec eux, apprend à les connaître et à se faire respecter d’eux. Il évalue leur niveau pour pouvoir ensuite adapter son enseignement. En classe, il mélange périodes de concentration et moments de détente : chants, activités ludiques… Ce matin, après des exercices de calcul, les voici tous en train de faire la chenille, M. Marcel en tête tournant autour des tables-bancs. Il n’est pas rare que les enfants se bagarrent. Mais un regard noir du professeur suffit en général à faire rentrer les enfants dans le rang.
Dans sa classe, une soixantaine d’enfants de tous âges et de tous niveaux. « Vraiment, c’est un Monsieur qui est spécial, parce que le métier d’enseignant est un métier difficile. Marcel ici regroupe tous les enfants avec différents niveaux, et il les amène - même ceux qui n’ont jamais été à l’école - à savoir compter et écrire, explique Dieudonné Wabeti, le directeur de la Fondation Voix du Cœur. Et surtout ces enfants qui viennent des rues, ce n’est pas toujours évident. Mais il s’en sort bien. Je suis toujours étonné devant sa dextérité. »
L’enseignant, très bavard, l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de parler de lui
M. Marcel a été formé par l’Église catholique. C’est un enseignant de carrière. Il a été surveillant général dans un collège privé à Douala, au Cameroun. Quand il rentre en Centrafrique, il regagne le diocèse de Bossangoa. Là-bas, on lui confie la charge du centre des personnes handicapées. Il s’implique aussi dans l’aide aux réfugiés tchadiens de Bouca. Cela fait maintenant onze ans qu’il enseigne dans le centre de la Voix du Cœur. « Je suis à l’aise ici, parce que travailler avec les enfants, c’est ma vocation. Et je suis très fier d’être parmi les enfants », dit-il.
Des enfants à la mauvaise réputation
Emmanuel est un adolescent un peu dégingandé. Il a un léger bégaiement. Arrivé en 2015 au centre, il est passé par la classe de M. Marcel. « Il est bon, parce qu’il nous apprend à lire et à écrire. Si nous avons des problèmes de lecture, il nous aide. Parfois, il est strict avec ceux qui sont têtus », détaille le garçon. Emmanuel a retrouvé le chemin de l’école. Il vient de terminer la classe de seconde et passe au niveau supérieur. En conflit avec ses parents, il est toujours soutenu par le centre et dort à l’internat de la Voix du Cœur. Ici, il pourra passer la nuit en sécurité, se laver et avoir un repas.
De la fierté pour ses « godobe », M. Marcel en a à revendre. Cette année, plus de la moitié de ses élèves a réintégré un circuit scolaire classique. « La plupart des enfants que l’on a inscrits à l’école sont arrivés dans les classes supérieures, il y en a d’autres qui ont eu leur certificat de fondamental 1, ils ont eu leur concours d’entrée en 6e, certains ont même eu le BPC », détaille l’enseignant. L’une de ses plus grandes fiertés est cet ancien élève qui a été jusqu’à l’université et est devenu enseignant d’anglais. S’il est fier de ses élèves qui ont eu des parcours scolaires prestigieux, il ne l’est pas moins de toutes les réussites, de tous les efforts produits par ces jeunes pour sortir de la rue.
Il connaît la réputation des enfants des rues et la vision des gens sur eux. « Tous ces enfants, oui apparemment on les condamne, on les traites de tout. Mais ce sont des enfants qui sont intelligents, qui sont capables de faire quelque chose. C’est un problème d’encadrement social. Ils sont compétents, ils sont intelligents. Il nous appartient, à nous les adultes, maintenant de les accompagner, de les orienter dans le bon sens », soutient l’enseignant. Le sexagénaire est plein d’énergie. Il dit s’entretenir. Pour lui, pas question d’arrêter tant qu’il aura la capacité physique de se tenir debout devant sa classe.
Alain Marcel Demassé, appelé communément « M. Marcel », a soixante ans passés. Il porte une petite croix gravée en bois autour du cou, sur une chemisette à carreaux. Mais il ne faut pas s’en laisser compter par son regard bienveillant. Il sait être strict. « Dès qu’ils arrivent de la rue, ce n’est pas facile. D’abord, on se substitue aux parents en les considérant comme nos propres enfants. La première chose à faire, c’est de chercher à corriger l’état de la rue et à intégrer l’enfant dans la discipline du centre, dans la vie en société et en communauté », explique-t-il.
« Un Monsieur qui est spécial »
C’est un long chemin qui se fait à l’arrivée des enfants des rues, appelés ici les « godobe », qui poussent la porte de la fondation. Certains viennent seulement pour se faire soigner dans le petit centre de santé de l’organisation, prendre une douche ou un repas. Sans rien forcer, la Voix du Cœur tente de les pousser vers les bancs. Alors, pendant un mois, M. Marcel les apprivoise. Il mène des activités avec eux, apprend à les connaître et à se faire respecter d’eux. Il évalue leur niveau pour pouvoir ensuite adapter son enseignement. En classe, il mélange périodes de concentration et moments de détente : chants, activités ludiques… Ce matin, après des exercices de calcul, les voici tous en train de faire la chenille, M. Marcel en tête tournant autour des tables-bancs. Il n’est pas rare que les enfants se bagarrent. Mais un regard noir du professeur suffit en général à faire rentrer les enfants dans le rang.
Dans sa classe, une soixantaine d’enfants de tous âges et de tous niveaux. « Vraiment, c’est un Monsieur qui est spécial, parce que le métier d’enseignant est un métier difficile. Marcel ici regroupe tous les enfants avec différents niveaux, et il les amène - même ceux qui n’ont jamais été à l’école - à savoir compter et écrire, explique Dieudonné Wabeti, le directeur de la Fondation Voix du Cœur. Et surtout ces enfants qui viennent des rues, ce n’est pas toujours évident. Mais il s’en sort bien. Je suis toujours étonné devant sa dextérité. »
L’enseignant, très bavard, l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de parler de lui
M. Marcel a été formé par l’Église catholique. C’est un enseignant de carrière. Il a été surveillant général dans un collège privé à Douala, au Cameroun. Quand il rentre en Centrafrique, il regagne le diocèse de Bossangoa. Là-bas, on lui confie la charge du centre des personnes handicapées. Il s’implique aussi dans l’aide aux réfugiés tchadiens de Bouca. Cela fait maintenant onze ans qu’il enseigne dans le centre de la Voix du Cœur. « Je suis à l’aise ici, parce que travailler avec les enfants, c’est ma vocation. Et je suis très fier d’être parmi les enfants », dit-il.
Des enfants à la mauvaise réputation
Emmanuel est un adolescent un peu dégingandé. Il a un léger bégaiement. Arrivé en 2015 au centre, il est passé par la classe de M. Marcel. « Il est bon, parce qu’il nous apprend à lire et à écrire. Si nous avons des problèmes de lecture, il nous aide. Parfois, il est strict avec ceux qui sont têtus », détaille le garçon. Emmanuel a retrouvé le chemin de l’école. Il vient de terminer la classe de seconde et passe au niveau supérieur. En conflit avec ses parents, il est toujours soutenu par le centre et dort à l’internat de la Voix du Cœur. Ici, il pourra passer la nuit en sécurité, se laver et avoir un repas.
De la fierté pour ses « godobe », M. Marcel en a à revendre. Cette année, plus de la moitié de ses élèves a réintégré un circuit scolaire classique. « La plupart des enfants que l’on a inscrits à l’école sont arrivés dans les classes supérieures, il y en a d’autres qui ont eu leur certificat de fondamental 1, ils ont eu leur concours d’entrée en 6e, certains ont même eu le BPC », détaille l’enseignant. L’une de ses plus grandes fiertés est cet ancien élève qui a été jusqu’à l’université et est devenu enseignant d’anglais. S’il est fier de ses élèves qui ont eu des parcours scolaires prestigieux, il ne l’est pas moins de toutes les réussites, de tous les efforts produits par ces jeunes pour sortir de la rue.
Il connaît la réputation des enfants des rues et la vision des gens sur eux. « Tous ces enfants, oui apparemment on les condamne, on les traites de tout. Mais ce sont des enfants qui sont intelligents, qui sont capables de faire quelque chose. C’est un problème d’encadrement social. Ils sont compétents, ils sont intelligents. Il nous appartient, à nous les adultes, maintenant de les accompagner, de les orienter dans le bon sens », soutient l’enseignant. Le sexagénaire est plein d’énergie. Il dit s’entretenir. Pour lui, pas question d’arrêter tant qu’il aura la capacité physique de se tenir debout devant sa classe.