AUTONOMIE DE LA BIENNALE : UN PIEGE MORTEL POUR DAK’ART



La 11ème édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar ou Dak’Art ouverte  le vendredi 9 mai 2014 par Madame Aminata Touré, Premier Ministre du Sénégal, se poursuit jusqu’au 8 juin prochain. Du moins les expositions. Les  temps forts (cérémonie d’ouverture, vernissage, rencontres professionnelles) ont duré une semaine (9-16 mai).


  Dak’Art 2014, la présente édition a souffert vraiment de communication et de management à cause d’une équipe tatillonne coachée par le Ministre de la Culture et du Patrimoine, Monsieur Abdoul Aziz Mbaye qui a fait montre d’un manque notoire de professionnalisme et d’expérience. Du coup, les repères se perdent et Dak’Art 2014 rencontre des difficultés que les éditions précédentes avait surmontées depuis plus de dix ans. Le catalogue sorti trois jours après l’ouverture, des œuvres montées au dernier moment, des documents non finalisés,  les commissaires d’exposition non payés jusqu’à présent, des chroniqueurs du quotidien de la Biennale non payés, bref beaucoup de problèmes s’amoncèlent sur cette présente édition. Ainsi, le Président a sans doute raison de ne pas se signaler à la Biennale à cause de l’impréparation.


Lors de l’ouverture officielle de Dak’Art 2014, la Présidente du Comité d’orientation de Dak’Art 2014, Madame Marie Thérèse Turpin Diatta a développé sur l’autonomie de la Biennale en ces termes : « Des experts comme Thierry RASPAIL dans son rapport de 2001 et Sylvain SANKALE dans son rapport de 2008 s'accordent tous sur la nécessité d’une autonomisation de la Biennale de Dakar. Nous voulons l'autonomie de la Biennale avant 2016 » fait remarquer Madame Diatta. Elle poursuit «  je suis convaincue que la Biennale de Dakar ne pourra assurer sa pérennité que si elle devienne autonome ».


Mais, la Biennale de Dakar est un projet culturel du gouvernement du Sénégal. Créée par l’Etat du Sénégal depuis 1989 et réalisée en 1990, portée par le Ministère en charge de la Culture, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar a fait un bon chemin. Et pourtant, dans la démarche, l’Etat donne une place importante à l’indépendance des acteurs et autres créateurs dans l’exécution de la Biennale. Le comité d’orientation est composé d’experts et de professionnels des arts visuels indépendants. L’orientation, le contenu et même la thématique sont du ressort des membres du comité d’orientation qui sont indépendants. Les commissaires d’exposition et le comité de sélection est composé d’experts indépendants. Aucun parmi eux n’est agent du Ministère encore moins de l’Etat. Alors où est le problème ? Si c’est pour le sponsoring ou le partenariat, des sociétés, des institutions privées et publiques ont toujours répondu pour accompagner la Biennale si le management organisationnel est bien assuré.


Et cela n’a rien à voir avec une prétendue autonomie. C’est l’Union européenne qui brille par son absence depuis trois éditions et un groupuscule qui osent évoquer toujours l’autonomisation et la Déléguée l’avait fait comprendre à l’Agence de presse sénégalaise. Et portant, la Biennale se tient et attire les artistes, curateurs, galeristes, collectionneurs et autres professionnels des arts des cinq continents. Cette même Union européenne commandite d’autres experts pour autonomiser la Biennale. Et des soi-disant mécènes embouchent la même trompette pour détacher l’Etat de la Biennale et le même Etat met plus de 300 millions à chaque édition pour son bébé qu’est la Biennale. Et l’Etat met également à disposition le siège de la Biennale, des agents salariés et paie les frais courants (eau, électricité, téléphone, véhicule, fonctionnement, etc).


De qui se moque-t-on? Si on pousse l’Etat à se désengager, ce sera un grand préjudice pour la communauté artistique. Si l’Etat se détache, c’est la mort de la Biennale. Au Burkina Faso, on n’ose pas demander à l’Etat d’autonomiser le Fespaco. En Côte d’Ivoire, il n’y a jamais eu de débat sur l’autonomisation du MASA. Au Mali, il n’a jamais été question d’autonomiser la Biennale de la Photographie africaine de Bamako. Diantre pourquoi on nous tympanise chaque édition sur l’autonomie de la Biennale de Dakar par un groupuscule dont les intérêts sont ailleurs que ceux des artistes. Les précédents ministres de la Culture ont toujours rejeté cette démarche d’autonomisation-privatisation, mais l’actuel Ministre de la Culture, ayant servi l’Etat français à l’Union Européenne a commandité l’experte européenne Elizabeth Bouchman et les autres pour changer le statut de la Biennale en vue de son autonomisation. Au détriment de la communauté artistique. Dans cette même dynamique, les tenants de l’autonomie font du lobbying pour la loi sur  le mécénat d’art dont l’objectif est de payer par exemple des miettes pour les impôts  là  où ils doivent payer des dizaines de millions en tant que constructeur de routes ou de grands travaux publics. Suivez mon regard.


Le mécénat d’art, oui, mais profitable à toutes les entreprises et aux artistes sans discrimination.
Qu’on se le tienne pour dit. Les Présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade n’ont jamais accepté l’autonomisation, (une privatisation qui ne dit pas son nom) de la Biennale. Le Président Macky SALL doit faire preuve d’une extrême vigilance pour ne pas  tomber dans le piège tendu par des fossoyeurs de la Biennale. Et que les artistes préservent à côté des autorités étatiques cette belle plateforme de créations et d’expressions plurielles.

Pour  La VEILLE CULTURELLE

Amadou Daouda NDIAYE, Artiste

Lundi 19 Mai 2014 17:58


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