L’ouverture de l’autoroute Dakar Diam Niadio à la circulation automobile a donné lieu à des commentaires divers, d’hommes politiques, de leaders d’opinion, d’usagers, de simples citoyens mais aussi et surtout de juristes et d’économistes. Cette diversité des réactions s’explique par le caractère transversal et pluridisciplinaire du secteur des transports qui en fait un domaine où tout le monde a son mot à dire. C’est pourquoi, j’ai jugé utile de tenter d’apporter à mon tour, même tardivement (mieux vaut tard que jamais) ma modeste contribution à ce débat pour avoir eu l’occasion en son temps, de suivre l’évolution de ce dossier en tant que Directeur des Transports Terrestres du Sénégal et Conseiller Technique au Ministère chargé de l’Equipement et des Transports..
J’espère que cette contribution apportera certains éclairages complémentaires et qu’elle aidera aussi à comprendre et faire accepter le principe du péage. Elle s’articule autour de quatre points : Point n°1 la vérité sur l’historique du projet par devoir de mémoire, Point n°2 : le problème de la gratuité de l’usage de l’autoroute, de la cherté des tarifs du péage et du niveau de participation de l’opérateur privé au financement, Point n°3 : le maintien des acquis et la réorientation du projet selon une vision nouvelle, et Point n°4 l’élégance républicaine.
1. La vérité sur l’historique du projet par devoir de mémoire
En 1978 sous Senghor, une étude détaillée et complète de l’autoroute Dakar- Thiès sans péage a été réalisée par le Cabinet Electro watt (Zurich Suisse) pour le compte de la Direction des Etudes et de la Programmation du Ministère des Travaux Publics, de l’Urbanisme et des Transports.
Les dossiers d’appel d’offre correspondants à cet ambitieux projet ont été même élaborés, mais l’appel d’offre n’a pas pu être lancé à l’époque à cause d’un du contexte économique national et international particulièrement difficile. En effet, de 1960 année de l’accession du Sénégal à l’indépendance à 1970 la situation économique et sociale du pays a été relativement florissante du fait du bon comportement de ses principaux produits d’exportation que furent l’arachide et le phosphate tant du pont de vue de leurs volumes de production que des prix à l’exportation.
Ces périodes florissantes, poussèrent les pouvoirs publics, dans l’euphorie des premières heures de l’indépendance marquées par une volonté de créer la rupture grâce à une nouvelle réorientation de notre économie basée sur un développement endogène, à entreprendre tout naturellement de grands projets d’investissement (qui généraient au passage des charges récurrentes élevées) et à prendre également des mesures sociales pas toujours en adéquation avec les exigences d’efficacité et d’efficience des services publics. Il en était résulté un alourdissement considérable des charges publiques à la fin des années 70 une période par ailleurs marquée par le retour de la sécheresse et la chute des principaux produits d’exportation sur lesquels reposait essentiellement l’économie du Sénégal. Cette situation a été aggravée par les deux chocs pétroliers intervenus successivement en 1971 et en 1973 qui avaient fini par imprimer à notre économie à travers ses divers agrégats, des tendances de déséquilibre structurels.
Pour juguler ces déséquilibres macro-économiques, le Sénégal s’était engagé depuis 1979, juste un an après avoir bouclé en 1978 le dossier d’appel d’offre du projet d’autoroute, avec les Institutions de Breton Wood, dans un processus de réforme de son économie, par la mise en œuvre de programmes économiques et financiers, avec comme objectifs, de rétablir les grands équilibres, de maîtriser l’inflation et de réaliser une croissance économique saine et durable. Ces programmes étaient exécutés en deux phases :une première phase qui portait sur un Plan d’urgence (1979-1980) de stabilisation de la détérioration des agrégats macroéconomiques et un Plan de Redressement économique et financier (1980-1984), et une seconde phase qui portait sur un Programme d’Ajustement à Moyen et Long Terme (PASMLT) (1985-1991) et un Programme post d’évaluation (1994-2000) suite au changement de parité du franc CFA intervenu le 12 janvier 1994.
L’Etat ne disposant pas de ressources propres suffisantes et les prêts des partenaires au développement dénommés prêts d’ajustement structurel, ou sectoriel (y copris la phase préparatoire de stabilisation et de redressement) étant spécifiques et ciblés il était difficile voire impossible de pouvoir trouver un financement pour le projet d’autoroute, du moins dans sa conception d’alors. Ledit projet n’avait donc pas été abandonné mais différé à cause d’une conjoncture économique difficile, mais également du cadre très rigide et très contraignant à travers lequel le Sénégal avait conclu les accords avec les Institutions de Breton Wood pour la période allant de 1979 à 2000.
Le Sénégal a réussi de 1979 à 2000, à assainir ses finances publiques grâce au travail remarquable abattu par les différents Ministres qui se sont succédés à la tête du stratégique Ministère de l’Economie et des Finances, parmi lesquels le couple Sakho/Loum et aux sacrifices importants consentis par le peuple sénégalais durant cette période (réduction des salaires de la Fonction publique, ,blocage des recrutements, hausse des droits à l’import, et des prix des produits pétroliers). Considéré alors comme un bon élève, grâce à ses résultats au plan économique (tous les clignotants de notre économie étaient devenus verts) renforcés par une stabilité politique éprouvée, le Sénégal venait aussi de passer avec succès en 2000 l’épreuve de l’élection présidentielle la plus redoutée de son histoire. Aussi les partenaires au développement ont-ils décidé dés lors, de réévaluer leur cadre de partenariat avec le Sénégal et de lui accorder des facilités d’accès aux lignes de crédit.
Et c’est justement en cette période favorable de sa trajectoire économique, dans laquelle de nouvelles perspectives ont été ouvertes, que l’alternance est survenue (le 19 mars 2000) au Sénégal, et Maitre Abdoulaye Wade succéda à Monsieur Abdou Diouf. Le nouveau locataire du Palais n’a pu s’empêcher, à l’occasion d’une de ses interviews, de dire tout haut, qu’il avait trouvé beaucoup d’argent dans les caisses de l’Etat. Deux ans après, plus exactement en 2002, le nouveau pouvoir libéral sortit des tiroirs de l’administration le dossier de l’autoroute, le « dépoussiéra » et décida de rechercher le financement en vue de réaliser les travaux sur la base du tracé de 1978 mais en finançant le projet non plus par le budget de l’Etat seulement ( fonds propres ) ou à travers un appui classique des partenaires techniques et financiers, comme initialement prévu dans le schéma de 1978, mais plutôt par le mécanisme du partenariat public privé avec comme option la concession en conséquence de quoi l’usage de l’autoroute ne serait plus gratuit mais payant..
Ces changements ont nécessité évidemment des réajustements du projet et certaines adaptations des emprises pour intégrer les dispositifs spécifiques à l’aménagement d’une autoroute à péage d’autant plus qu’entre temps l’urbanisation galopante a fait qu’une bonne partie des emprises avait été occupée de façon régulière ou irrégulière. Dans cette optique un consultant ( Monsieur Hugo) avait été commis pour une mission d’assistance à la Maitrise d’ouvrage ( auprès de l’APIX ) et a produit le 30 août 2002 un rapport définitif pour l’actualisation des études du projet d’autoroute. Après actualisation des études, le tronçon Dakar (Malick Sy)-Dam Niadio long de 32 km a coûté globalement environ 380 200 000 000 FCFA comprenant les travaux de construction autoroutières, la libération des emprises, l’aménagement de la zone de recasement, la restructuration de Pikine Sud la supervision et le suivi du programme et diverses autres études.
Pour sa construction, il a été fait recours au partenariat public-privé sous le régime de la concession de type Construction Exploitation Transfert (CET) à une société dénommée SENAC sa moyennant la perception directe d'un péage auprès des usagers (système appelé communément dans notre jargon péage réel ). Cette formule de financement d’infrastructure autoroutière a été utilisée en France avec la création en 1956 de la première société autoroutière : il s'agit de la société Autoroute Esterel-Côte d'Azur (ESCOTA), chargée de la réalisation de l'autoroute A8. Cette autoroute avait inauguré le premier péage autoroutier en France et les années suivantes ont vu apparaître d'autres sociétés autoroutières.
Et depuis le début des années 90 cette formule nouvelle de financement a connu dans le monde entier un regain d’intérêt grâce aux besoins accrus de services et de biens publics face aux budgets publics très limités et la recherche de meilleure qualité de service.
2.Le problème de la gratuité de l’usage de l’autoroute , de la cherté des tarifs du péage et du niveau de participation de l’opérateur privé au financement
L’autoroute Dakar Diam Niadio a été livrée le 1er août 2013, et inaugurée par son excellence le Président Macky Sall. Mais les adeptes de la théorie des biens publics sont très vite montés au créneau à travers certains médias, après l’ouverture de l’autoroute, en se demandant à juste titre, pourquoi, l’Etat n’a pas pris en charge la part de l’opérateur privé (61 000 000 000 FCFA) et financé intégralement l’infrastructure sans recourir à un opérateur privé. Je sais qu’il ne fait aucun doute dans l’esprit de ceux-là qui se posent cette question, que l’infrastructure demeure la propriété de l’Etat et que le concessionnaire (SENAC sa) a seulement un droit de construire, d’exploiter, d’entretenir pour ensuite procéder au transfert de l’infrastructure à l’Etat au terme de la durée de la concession tout en se faisant rémunérer directement par l’usager par la collecte de péage.
Mais en posant le problème du financement de l’autoroute sous cet angle (bien public) les défenseurs de cette théorie posent moins et de bonne foi, le problème de la propriété de l’infrastructure que celui de son usage qu’ils souhaiteraient être gratuit. De telles réactions sont tout à fait normales, compréhensibles et même de la part de simples usagers dans un pays qui inaugure son premier péage autoroutier et dont les populations ont une forte culture de la gratuité. En s’acquittant du péage, ces dernières ont donc le sentiment d’avoir à payer une somme en plus des impôts normaux.
Concernant le niveau de participation de l’opérateur privé jugé très faible par certains, il y a lieu de signaler qu’en général, les formes de recours au partenariat public privé pour le financement des infrastructures concernent seulement le financement de l’infrastructure elle-même et de son entretien. La participation de l’opérateur privé à ce financement peut dans ce cas se faire selon trois formules : Financement intégral ou quasiment de la construction et de l’entretien, financement partiel de la construction et financement de l’entretien, et enfin financement de l’entretien uniquement. Le choix entre ces trois formules de participation est arrêté librement au départ par l’Etat suivant sa politique de financement des infrastructures. L’Etat pouvait cependant, s’il estime, dans le cadre de ce partenariat public privé pour la construction de l’autoroute, que l’usager ne devrait pas payer pour diverses raisons, opter pour un modèle de concession à péage fictif où il rémunérerait lui- même l’opérateur en fonction du trafic. Mais cette option beaucoup moins risquée pour l’opérateur, a été à juste titre, écartée dans les études de faisabilité au profit du péage réel.
Qu’une infrastructure offrant aux usagers une meilleure qualité de service (un temps de transport nettement réduit, une meilleure sécurité, un plus grand confort etc.) soit tarifée ne doit pas, à notre avis, gêner outre mesure. Qu’un opérateur privé finance tout ou une partie d’une infrastructure surtout en période de rareté des ressources publiques tout en garantissant son entretien pendant toute la durée du contrat, ne doit pas également poser problème, car il permet ainsi à l’Etat en plus de se départir momentanément du lourd et coûteux fardeau du financement de l’entretien, d’une part, d’orienter l’argent qu’il devrait débourser vers d’autres services et biens collectifs et d’autre part, d’élargir et de diversifier son champ de couverture des besoins en services et biens publics.
A ces facteurs, s’ajoute, et pas des moindres, la nécessité impérieuse pour le Sénégal de s’adapter à l’environnement économique international. Le Sénégal ne pouvait pas rester en marge du contexte de globalisation des économies qui dicte la nécessité de diversifier les sources de financement des infrastructures (bailleurs de fonds institutionnels classiques, nouveaux bailleurs de fonds et les financements innovants).
La problématique qui doit donc être posée une fois le principe de l’instauration du péage acquis et accepté pour les raisons citées plus haut, c’est le niveau des tarifs à adopter. Mais à en croire la réaction de la plupart des personnes interrogées, ces tarifs sont chers par rapport aux revenus des usagers mais aussi élevés par rapport aux tarifs pratiqués ailleurs en Afrique et même en France. A ce titre il y a lieu de signaler que les péages prélevés sur les usagers doivent permettre au concessionnaire, sur une période donnée, d’équilibrer les dépenses c'est-à-dire atteindre l’équilibre budgétaire et dégager un profit contrairement à l’Etat qui lui cherche à maximiser la rentabilité socio économique des investissements c'est-à-dire à faire en sorte que la société retire le maximum de bénéfice du projet par rapport à son coût
Le contrat et le cahier de charges signés entre ces deux acteurs dont je n’ai pas pu prendre connaissance constituent le cadre juridique qui permet d’atteindre ces deux objectifs.
Mais cette rentabilité financière dépend en plus de facteurs macroéconomiques, de plusieurs facteurs microéconomiques. (le coût de construction définitif de l'infrastructure, le niveau du trafic lors de la mise en service, l’évolution du trafic en cours d'exploitation, l'évolution du tarif de péage durant l'exploitation, l'évolution des coûts annuels d'exploitation de l'infrastructure). Si les coûts de construction et l’évolution des coûts d'exploitation peuvent être maîtrisés par le concessionnaire, il n’en n’est pas de même pour le trafic et dans une certaine mesure pour le tarif de péage.
En effet, les prévisions de trafic, compte tenu des caractéristiques très complexes des déplacements et des comportements des usagers, constituent, un exercice difficile et aléatoire et font donc peser à l’instar d’autres facteurs, un grand risque sur les revenus dans le cas des concessions surtout lorsqu’on n’a pas tout le recul nécessaire pour estimer la réaction des usagers à l’instauration du péage. C’est pourquoi, il est souvent conseillé aux opérateurs qui veulent s’engager dans des concessions de prendre en amont toutes les dispositions nécessaires pour la connaissance détaillée des flux existants, de leur évolution, et de la capacité à payer des usagers afin de maximiser les chances de réussite et minimiser les surprises et déceptions.
Concernant spécifiquement les tarifs de péage de l’autoroute Dakar Diam Niadio, leur fixation doit en principe avoir été la combinaison des enquêtes auprès des usagers et le fruit de discussions entre le concessionnaire et les pouvoirs publics et définis dans le cahier des charges qui complète le contrat de concession. Et c’est à ce niveau que l’Etat doit jouer un rôle capital pour préserver l’intérêt des usagers, en évitant d’une part, tout dérapage (tarification au maximum de recettes pour le concessionnaire donc des tarifs très élevés) et d’autre part, un déficit d’exploitation qui résulterait d’une tarification calée sur les plus bas revenus des clients potentiels donc des tarifs très bas. Il s’agira donc, d’opter pour un système de tarification à l’optimum socio-économique qui, par expérience, devient souvent au vu des recettes générées, une tarification à l’optimum financier ce qui revient pour l’Etat, à agir, mais de façon raisonnable, sur la marge du concessionnaire (sans compromettre la rentabilité financière de l’exploitation) d’où la nécessité de veiller à la transparence et à la sincérité des coûts proposés mais également à la couverture par les recettes générées.
Mais les tarifs actuellement appliqués sur l’autoroute Dakar Dam Niadio sont ils réellement très chers ? Par rapport aux revenus moyens de la plupart des usagers habitant la banlieue, qui peuvent être amenés à emprunter l’autoroute au moins deux fois par jour pour se rendre au travail, on est tenté de répondre à cette question par l’affirmative. Mais par rapport aux tarifs pratiqués dans les autres pays africains et européens (France) ou par rapport aux économies réalisées entre autres, sur le carburant, sur le temps de transport, en opposition à l’utilisation de la route nationale banalisée, la réponse pourrait être nuancée.
Ce qu’il faut reconnaitre somme toute, c’est que les tarifs de péage d’autoroute peuvent naturellement varier d’une autoroute à l’autre dans un même pays, et aussi d’un pays à un autre en fonction des coûts à couvrir (influencés par la nature de la desserte : zone rurale ou zone urbaine),du niveau de trafic et de la politique de financement des infrastructures (investissements et exploitation) mise en place par l’Etat.
Concernant spécifiquement les niveaux des tarifs de péage de certaines autoroutes françaises jugées nettement inférieurs à ceux de l’autoroute Dakar Diam Niadio, il faut rechercher les facteurs explicatifs non seulement dans les coûts de construction et d’exploitation qui peuvent être différents mais aussi dans :
--la mission de service public dont sont investies les concessionnaires d’autoroute (Sociétés d’économie mixtes et sociétés privées) qui transcendent l'intérêt privé ou commercial ;
- et surtout le système de financement des autoroutes (investissement et exploitation) qui est mis en place et les volumes de trafic autoroutier beaucoup plus dense.
3.Le maintien des acquis et la réorientation du projet selon une vision nouvelle.
Par ailleurs, il y a lieu de souligner les décisions importantes qui ont été prises par le Président Macky Sall comme mesures d’accompagnement de la construction et l’exploitation de l’autoroute et qui concernent les voies de contournement existantes à savoir le prolongement de la Voie de Dégagement Nord (VDN) jusqu’à Dam Niadio et la construction d’autoponts aux carrefours de la Poste de Thiaroye et de Keur Massar pour améliorer la fluidité de la circulation sur la Route nationale n°1 appelée communément la RN1. En effet, à la suite du Conseil présidentiel du 14 octobre 2002, le Président Abdoulaye Wade avait donné des directives pour que le projet de prolongement de la VDN jusqu’à Diam Niadio qui date de l’époque du pouvoir socialiste soit purement et simplement gelé parce qu’il le trouvait « gênant et concurrent de l’autoroute » (pour reprendre les termes utilisés à l’époque ). Ces directives sont tombées au moment où le rapport provisoire de l’étude de faisabilité de ce tronçon était déjà disponible depuis juillet 2001 et que le rapport final était attendu pour le mois de novembre 2002.
Notification de sursoir donc à la réalisation de ce tronçon a été faite officiellement par le Premier ministre au Ministre chargé de l’Equipement et des Transports d’alors. Il est donc heureux aujourd’hui, que le Président Macky Sall ait pris la décision de réaliser ce tronçon .Il a immédiatement matérialisé sa décision par le démarrage des travaux du tronçon Golf Guédiawaye- Tivaouane Peulh et a promis aussi de trouver le financement additionnel pour prolonger ce tronçon jusqu'à Diam Niadio tel que prévu initialement. Il a réussi également à convaincre les propriétaires des maisons qui occupent actuellement les emprises de la deuxième section (CICES-Golf Guédiawaye ) à accepter de les libérer.
Au regard de la configuration géographique de la région de Dakar (Presqu’ile), on peut affirmer que ces deux voies de contournement (prolongement de la VDN et la RN1) contribuent au désenclavement des zones urbaines périphériques, et à l’amélioration de l’accessibilité de la presqu’ île. Elles ne doivent donc pas être perçues comme concurrentes de l’autoroute mais plutôt complémentaires. Par conséquent, l’Etat ne doit prendre aucune mesure physique ou d’ordre réglementaire pour empêcher ou décourager l’utilisation de ces deux voies alternatives dont la réalisation et l’amélioration de leur fluidité ne compromettront en rien la rentabilité financière de l’autoroute.
Par ailleurs, en inaugurant l’autoroute, le Président Macky Sall a annoncé non seulement son intention de la prolonger jusqu’à Thiès et Aéroport de Diass , mais s’est aussi engagé à imprimer sa propre marque à la construction des infrastructures routières en déclinant un véritable programme autoroutier de désenclavement des différentes régions ( Liaison Thiès- Mbour, Aéroport Blaise Diagne – Mbour, Mbour –Kaolack, Thies-Tivaouone, Thies –Ndiassane, Thies-Touba etc) qui pourrait constituer l’ossature pour l’élaboration d’un schéma directeur national routier par de la Direction des Routes.
A travers cette décision, le Président Macky Sall donne à la construction de l’autoroute initiée par ses prédécesseurs, une nouvelle vision en intégrant dans l’approche développée jusqu’ici deux notions importantes : -la notion de service public en assurant une certaine égalité de traitement des individus et des zones géographiques, et l’accès aux moyens de transport à tous ;
- et la notion d’aménagement du territoire en utilisant le transport comme un moyen d’influer sur les déséquilibres géographiques du territoire national.
Cette nouvelle vision de politique autoroutière déclinée doit être intégrée dans une politique nationale de transport (services et infrastructures) très cohérente gage de son succès.
4.L’élégance républicaine
Le peuple sénégalais a également noté avec satisfaction et fierté, lors de la cérémonie d’ouverture de l’autoroute, la haute élégance républicaine dont a fait preuve le Président Macky Sall en rendant un vibrant hommage mérité à son prédécesseur Maitre Abdoulaye Wade pour avoir trouvé une partie du financement de l’autoroute et avoir démarré les travaux. Mais malheureusement, Monsieur Abdoulaye Wade lui, n’avait pas fait preuve de la même élégance pour rendre un hommage aux Présidents Senghor et Abdou Diouf lors du lancement des travaux du premier tronçon de l’autoroute, pour avoir eu l’idée de cet ambitieux projet et mené jusqu’à leur terme toutes les études qu’il n’a fait qu’actualiser tout simplement en 2002.
En lieu et place d’un hommage, le Président Abdoulaye Wade s’était au contraire approprié la paternité intégrale du projet en faisant fi du principe de la continuité de l’Etat et de ce que ses prédécesseurs ont pu accomplir. Or, reconnaitre le mérite de quelqu’un n’enlève en rien son propre mérite.
MALICK NDIAYE
Docteur-Ingénieur en Economie des Transports
Ancien Directeur des Transports Terrestres du Sénégal
Secrétaire Général de la Coordination PS de Kaolack-
Département et Membre du Bureau Politique.
J’espère que cette contribution apportera certains éclairages complémentaires et qu’elle aidera aussi à comprendre et faire accepter le principe du péage. Elle s’articule autour de quatre points : Point n°1 la vérité sur l’historique du projet par devoir de mémoire, Point n°2 : le problème de la gratuité de l’usage de l’autoroute, de la cherté des tarifs du péage et du niveau de participation de l’opérateur privé au financement, Point n°3 : le maintien des acquis et la réorientation du projet selon une vision nouvelle, et Point n°4 l’élégance républicaine.
1. La vérité sur l’historique du projet par devoir de mémoire
En 1978 sous Senghor, une étude détaillée et complète de l’autoroute Dakar- Thiès sans péage a été réalisée par le Cabinet Electro watt (Zurich Suisse) pour le compte de la Direction des Etudes et de la Programmation du Ministère des Travaux Publics, de l’Urbanisme et des Transports.
Les dossiers d’appel d’offre correspondants à cet ambitieux projet ont été même élaborés, mais l’appel d’offre n’a pas pu être lancé à l’époque à cause d’un du contexte économique national et international particulièrement difficile. En effet, de 1960 année de l’accession du Sénégal à l’indépendance à 1970 la situation économique et sociale du pays a été relativement florissante du fait du bon comportement de ses principaux produits d’exportation que furent l’arachide et le phosphate tant du pont de vue de leurs volumes de production que des prix à l’exportation.
Ces périodes florissantes, poussèrent les pouvoirs publics, dans l’euphorie des premières heures de l’indépendance marquées par une volonté de créer la rupture grâce à une nouvelle réorientation de notre économie basée sur un développement endogène, à entreprendre tout naturellement de grands projets d’investissement (qui généraient au passage des charges récurrentes élevées) et à prendre également des mesures sociales pas toujours en adéquation avec les exigences d’efficacité et d’efficience des services publics. Il en était résulté un alourdissement considérable des charges publiques à la fin des années 70 une période par ailleurs marquée par le retour de la sécheresse et la chute des principaux produits d’exportation sur lesquels reposait essentiellement l’économie du Sénégal. Cette situation a été aggravée par les deux chocs pétroliers intervenus successivement en 1971 et en 1973 qui avaient fini par imprimer à notre économie à travers ses divers agrégats, des tendances de déséquilibre structurels.
Pour juguler ces déséquilibres macro-économiques, le Sénégal s’était engagé depuis 1979, juste un an après avoir bouclé en 1978 le dossier d’appel d’offre du projet d’autoroute, avec les Institutions de Breton Wood, dans un processus de réforme de son économie, par la mise en œuvre de programmes économiques et financiers, avec comme objectifs, de rétablir les grands équilibres, de maîtriser l’inflation et de réaliser une croissance économique saine et durable. Ces programmes étaient exécutés en deux phases :une première phase qui portait sur un Plan d’urgence (1979-1980) de stabilisation de la détérioration des agrégats macroéconomiques et un Plan de Redressement économique et financier (1980-1984), et une seconde phase qui portait sur un Programme d’Ajustement à Moyen et Long Terme (PASMLT) (1985-1991) et un Programme post d’évaluation (1994-2000) suite au changement de parité du franc CFA intervenu le 12 janvier 1994.
L’Etat ne disposant pas de ressources propres suffisantes et les prêts des partenaires au développement dénommés prêts d’ajustement structurel, ou sectoriel (y copris la phase préparatoire de stabilisation et de redressement) étant spécifiques et ciblés il était difficile voire impossible de pouvoir trouver un financement pour le projet d’autoroute, du moins dans sa conception d’alors. Ledit projet n’avait donc pas été abandonné mais différé à cause d’une conjoncture économique difficile, mais également du cadre très rigide et très contraignant à travers lequel le Sénégal avait conclu les accords avec les Institutions de Breton Wood pour la période allant de 1979 à 2000.
Le Sénégal a réussi de 1979 à 2000, à assainir ses finances publiques grâce au travail remarquable abattu par les différents Ministres qui se sont succédés à la tête du stratégique Ministère de l’Economie et des Finances, parmi lesquels le couple Sakho/Loum et aux sacrifices importants consentis par le peuple sénégalais durant cette période (réduction des salaires de la Fonction publique, ,blocage des recrutements, hausse des droits à l’import, et des prix des produits pétroliers). Considéré alors comme un bon élève, grâce à ses résultats au plan économique (tous les clignotants de notre économie étaient devenus verts) renforcés par une stabilité politique éprouvée, le Sénégal venait aussi de passer avec succès en 2000 l’épreuve de l’élection présidentielle la plus redoutée de son histoire. Aussi les partenaires au développement ont-ils décidé dés lors, de réévaluer leur cadre de partenariat avec le Sénégal et de lui accorder des facilités d’accès aux lignes de crédit.
Et c’est justement en cette période favorable de sa trajectoire économique, dans laquelle de nouvelles perspectives ont été ouvertes, que l’alternance est survenue (le 19 mars 2000) au Sénégal, et Maitre Abdoulaye Wade succéda à Monsieur Abdou Diouf. Le nouveau locataire du Palais n’a pu s’empêcher, à l’occasion d’une de ses interviews, de dire tout haut, qu’il avait trouvé beaucoup d’argent dans les caisses de l’Etat. Deux ans après, plus exactement en 2002, le nouveau pouvoir libéral sortit des tiroirs de l’administration le dossier de l’autoroute, le « dépoussiéra » et décida de rechercher le financement en vue de réaliser les travaux sur la base du tracé de 1978 mais en finançant le projet non plus par le budget de l’Etat seulement ( fonds propres ) ou à travers un appui classique des partenaires techniques et financiers, comme initialement prévu dans le schéma de 1978, mais plutôt par le mécanisme du partenariat public privé avec comme option la concession en conséquence de quoi l’usage de l’autoroute ne serait plus gratuit mais payant..
Ces changements ont nécessité évidemment des réajustements du projet et certaines adaptations des emprises pour intégrer les dispositifs spécifiques à l’aménagement d’une autoroute à péage d’autant plus qu’entre temps l’urbanisation galopante a fait qu’une bonne partie des emprises avait été occupée de façon régulière ou irrégulière. Dans cette optique un consultant ( Monsieur Hugo) avait été commis pour une mission d’assistance à la Maitrise d’ouvrage ( auprès de l’APIX ) et a produit le 30 août 2002 un rapport définitif pour l’actualisation des études du projet d’autoroute. Après actualisation des études, le tronçon Dakar (Malick Sy)-Dam Niadio long de 32 km a coûté globalement environ 380 200 000 000 FCFA comprenant les travaux de construction autoroutières, la libération des emprises, l’aménagement de la zone de recasement, la restructuration de Pikine Sud la supervision et le suivi du programme et diverses autres études.
Pour sa construction, il a été fait recours au partenariat public-privé sous le régime de la concession de type Construction Exploitation Transfert (CET) à une société dénommée SENAC sa moyennant la perception directe d'un péage auprès des usagers (système appelé communément dans notre jargon péage réel ). Cette formule de financement d’infrastructure autoroutière a été utilisée en France avec la création en 1956 de la première société autoroutière : il s'agit de la société Autoroute Esterel-Côte d'Azur (ESCOTA), chargée de la réalisation de l'autoroute A8. Cette autoroute avait inauguré le premier péage autoroutier en France et les années suivantes ont vu apparaître d'autres sociétés autoroutières.
Et depuis le début des années 90 cette formule nouvelle de financement a connu dans le monde entier un regain d’intérêt grâce aux besoins accrus de services et de biens publics face aux budgets publics très limités et la recherche de meilleure qualité de service.
2.Le problème de la gratuité de l’usage de l’autoroute , de la cherté des tarifs du péage et du niveau de participation de l’opérateur privé au financement
L’autoroute Dakar Diam Niadio a été livrée le 1er août 2013, et inaugurée par son excellence le Président Macky Sall. Mais les adeptes de la théorie des biens publics sont très vite montés au créneau à travers certains médias, après l’ouverture de l’autoroute, en se demandant à juste titre, pourquoi, l’Etat n’a pas pris en charge la part de l’opérateur privé (61 000 000 000 FCFA) et financé intégralement l’infrastructure sans recourir à un opérateur privé. Je sais qu’il ne fait aucun doute dans l’esprit de ceux-là qui se posent cette question, que l’infrastructure demeure la propriété de l’Etat et que le concessionnaire (SENAC sa) a seulement un droit de construire, d’exploiter, d’entretenir pour ensuite procéder au transfert de l’infrastructure à l’Etat au terme de la durée de la concession tout en se faisant rémunérer directement par l’usager par la collecte de péage.
Mais en posant le problème du financement de l’autoroute sous cet angle (bien public) les défenseurs de cette théorie posent moins et de bonne foi, le problème de la propriété de l’infrastructure que celui de son usage qu’ils souhaiteraient être gratuit. De telles réactions sont tout à fait normales, compréhensibles et même de la part de simples usagers dans un pays qui inaugure son premier péage autoroutier et dont les populations ont une forte culture de la gratuité. En s’acquittant du péage, ces dernières ont donc le sentiment d’avoir à payer une somme en plus des impôts normaux.
Concernant le niveau de participation de l’opérateur privé jugé très faible par certains, il y a lieu de signaler qu’en général, les formes de recours au partenariat public privé pour le financement des infrastructures concernent seulement le financement de l’infrastructure elle-même et de son entretien. La participation de l’opérateur privé à ce financement peut dans ce cas se faire selon trois formules : Financement intégral ou quasiment de la construction et de l’entretien, financement partiel de la construction et financement de l’entretien, et enfin financement de l’entretien uniquement. Le choix entre ces trois formules de participation est arrêté librement au départ par l’Etat suivant sa politique de financement des infrastructures. L’Etat pouvait cependant, s’il estime, dans le cadre de ce partenariat public privé pour la construction de l’autoroute, que l’usager ne devrait pas payer pour diverses raisons, opter pour un modèle de concession à péage fictif où il rémunérerait lui- même l’opérateur en fonction du trafic. Mais cette option beaucoup moins risquée pour l’opérateur, a été à juste titre, écartée dans les études de faisabilité au profit du péage réel.
Qu’une infrastructure offrant aux usagers une meilleure qualité de service (un temps de transport nettement réduit, une meilleure sécurité, un plus grand confort etc.) soit tarifée ne doit pas, à notre avis, gêner outre mesure. Qu’un opérateur privé finance tout ou une partie d’une infrastructure surtout en période de rareté des ressources publiques tout en garantissant son entretien pendant toute la durée du contrat, ne doit pas également poser problème, car il permet ainsi à l’Etat en plus de se départir momentanément du lourd et coûteux fardeau du financement de l’entretien, d’une part, d’orienter l’argent qu’il devrait débourser vers d’autres services et biens collectifs et d’autre part, d’élargir et de diversifier son champ de couverture des besoins en services et biens publics.
A ces facteurs, s’ajoute, et pas des moindres, la nécessité impérieuse pour le Sénégal de s’adapter à l’environnement économique international. Le Sénégal ne pouvait pas rester en marge du contexte de globalisation des économies qui dicte la nécessité de diversifier les sources de financement des infrastructures (bailleurs de fonds institutionnels classiques, nouveaux bailleurs de fonds et les financements innovants).
La problématique qui doit donc être posée une fois le principe de l’instauration du péage acquis et accepté pour les raisons citées plus haut, c’est le niveau des tarifs à adopter. Mais à en croire la réaction de la plupart des personnes interrogées, ces tarifs sont chers par rapport aux revenus des usagers mais aussi élevés par rapport aux tarifs pratiqués ailleurs en Afrique et même en France. A ce titre il y a lieu de signaler que les péages prélevés sur les usagers doivent permettre au concessionnaire, sur une période donnée, d’équilibrer les dépenses c'est-à-dire atteindre l’équilibre budgétaire et dégager un profit contrairement à l’Etat qui lui cherche à maximiser la rentabilité socio économique des investissements c'est-à-dire à faire en sorte que la société retire le maximum de bénéfice du projet par rapport à son coût
Le contrat et le cahier de charges signés entre ces deux acteurs dont je n’ai pas pu prendre connaissance constituent le cadre juridique qui permet d’atteindre ces deux objectifs.
Mais cette rentabilité financière dépend en plus de facteurs macroéconomiques, de plusieurs facteurs microéconomiques. (le coût de construction définitif de l'infrastructure, le niveau du trafic lors de la mise en service, l’évolution du trafic en cours d'exploitation, l'évolution du tarif de péage durant l'exploitation, l'évolution des coûts annuels d'exploitation de l'infrastructure). Si les coûts de construction et l’évolution des coûts d'exploitation peuvent être maîtrisés par le concessionnaire, il n’en n’est pas de même pour le trafic et dans une certaine mesure pour le tarif de péage.
En effet, les prévisions de trafic, compte tenu des caractéristiques très complexes des déplacements et des comportements des usagers, constituent, un exercice difficile et aléatoire et font donc peser à l’instar d’autres facteurs, un grand risque sur les revenus dans le cas des concessions surtout lorsqu’on n’a pas tout le recul nécessaire pour estimer la réaction des usagers à l’instauration du péage. C’est pourquoi, il est souvent conseillé aux opérateurs qui veulent s’engager dans des concessions de prendre en amont toutes les dispositions nécessaires pour la connaissance détaillée des flux existants, de leur évolution, et de la capacité à payer des usagers afin de maximiser les chances de réussite et minimiser les surprises et déceptions.
Concernant spécifiquement les tarifs de péage de l’autoroute Dakar Diam Niadio, leur fixation doit en principe avoir été la combinaison des enquêtes auprès des usagers et le fruit de discussions entre le concessionnaire et les pouvoirs publics et définis dans le cahier des charges qui complète le contrat de concession. Et c’est à ce niveau que l’Etat doit jouer un rôle capital pour préserver l’intérêt des usagers, en évitant d’une part, tout dérapage (tarification au maximum de recettes pour le concessionnaire donc des tarifs très élevés) et d’autre part, un déficit d’exploitation qui résulterait d’une tarification calée sur les plus bas revenus des clients potentiels donc des tarifs très bas. Il s’agira donc, d’opter pour un système de tarification à l’optimum socio-économique qui, par expérience, devient souvent au vu des recettes générées, une tarification à l’optimum financier ce qui revient pour l’Etat, à agir, mais de façon raisonnable, sur la marge du concessionnaire (sans compromettre la rentabilité financière de l’exploitation) d’où la nécessité de veiller à la transparence et à la sincérité des coûts proposés mais également à la couverture par les recettes générées.
Mais les tarifs actuellement appliqués sur l’autoroute Dakar Dam Niadio sont ils réellement très chers ? Par rapport aux revenus moyens de la plupart des usagers habitant la banlieue, qui peuvent être amenés à emprunter l’autoroute au moins deux fois par jour pour se rendre au travail, on est tenté de répondre à cette question par l’affirmative. Mais par rapport aux tarifs pratiqués dans les autres pays africains et européens (France) ou par rapport aux économies réalisées entre autres, sur le carburant, sur le temps de transport, en opposition à l’utilisation de la route nationale banalisée, la réponse pourrait être nuancée.
Ce qu’il faut reconnaitre somme toute, c’est que les tarifs de péage d’autoroute peuvent naturellement varier d’une autoroute à l’autre dans un même pays, et aussi d’un pays à un autre en fonction des coûts à couvrir (influencés par la nature de la desserte : zone rurale ou zone urbaine),du niveau de trafic et de la politique de financement des infrastructures (investissements et exploitation) mise en place par l’Etat.
Concernant spécifiquement les niveaux des tarifs de péage de certaines autoroutes françaises jugées nettement inférieurs à ceux de l’autoroute Dakar Diam Niadio, il faut rechercher les facteurs explicatifs non seulement dans les coûts de construction et d’exploitation qui peuvent être différents mais aussi dans :
--la mission de service public dont sont investies les concessionnaires d’autoroute (Sociétés d’économie mixtes et sociétés privées) qui transcendent l'intérêt privé ou commercial ;
- et surtout le système de financement des autoroutes (investissement et exploitation) qui est mis en place et les volumes de trafic autoroutier beaucoup plus dense.
3.Le maintien des acquis et la réorientation du projet selon une vision nouvelle.
Par ailleurs, il y a lieu de souligner les décisions importantes qui ont été prises par le Président Macky Sall comme mesures d’accompagnement de la construction et l’exploitation de l’autoroute et qui concernent les voies de contournement existantes à savoir le prolongement de la Voie de Dégagement Nord (VDN) jusqu’à Dam Niadio et la construction d’autoponts aux carrefours de la Poste de Thiaroye et de Keur Massar pour améliorer la fluidité de la circulation sur la Route nationale n°1 appelée communément la RN1. En effet, à la suite du Conseil présidentiel du 14 octobre 2002, le Président Abdoulaye Wade avait donné des directives pour que le projet de prolongement de la VDN jusqu’à Diam Niadio qui date de l’époque du pouvoir socialiste soit purement et simplement gelé parce qu’il le trouvait « gênant et concurrent de l’autoroute » (pour reprendre les termes utilisés à l’époque ). Ces directives sont tombées au moment où le rapport provisoire de l’étude de faisabilité de ce tronçon était déjà disponible depuis juillet 2001 et que le rapport final était attendu pour le mois de novembre 2002.
Notification de sursoir donc à la réalisation de ce tronçon a été faite officiellement par le Premier ministre au Ministre chargé de l’Equipement et des Transports d’alors. Il est donc heureux aujourd’hui, que le Président Macky Sall ait pris la décision de réaliser ce tronçon .Il a immédiatement matérialisé sa décision par le démarrage des travaux du tronçon Golf Guédiawaye- Tivaouane Peulh et a promis aussi de trouver le financement additionnel pour prolonger ce tronçon jusqu'à Diam Niadio tel que prévu initialement. Il a réussi également à convaincre les propriétaires des maisons qui occupent actuellement les emprises de la deuxième section (CICES-Golf Guédiawaye ) à accepter de les libérer.
Au regard de la configuration géographique de la région de Dakar (Presqu’ile), on peut affirmer que ces deux voies de contournement (prolongement de la VDN et la RN1) contribuent au désenclavement des zones urbaines périphériques, et à l’amélioration de l’accessibilité de la presqu’ île. Elles ne doivent donc pas être perçues comme concurrentes de l’autoroute mais plutôt complémentaires. Par conséquent, l’Etat ne doit prendre aucune mesure physique ou d’ordre réglementaire pour empêcher ou décourager l’utilisation de ces deux voies alternatives dont la réalisation et l’amélioration de leur fluidité ne compromettront en rien la rentabilité financière de l’autoroute.
Par ailleurs, en inaugurant l’autoroute, le Président Macky Sall a annoncé non seulement son intention de la prolonger jusqu’à Thiès et Aéroport de Diass , mais s’est aussi engagé à imprimer sa propre marque à la construction des infrastructures routières en déclinant un véritable programme autoroutier de désenclavement des différentes régions ( Liaison Thiès- Mbour, Aéroport Blaise Diagne – Mbour, Mbour –Kaolack, Thies-Tivaouone, Thies –Ndiassane, Thies-Touba etc) qui pourrait constituer l’ossature pour l’élaboration d’un schéma directeur national routier par de la Direction des Routes.
A travers cette décision, le Président Macky Sall donne à la construction de l’autoroute initiée par ses prédécesseurs, une nouvelle vision en intégrant dans l’approche développée jusqu’ici deux notions importantes : -la notion de service public en assurant une certaine égalité de traitement des individus et des zones géographiques, et l’accès aux moyens de transport à tous ;
- et la notion d’aménagement du territoire en utilisant le transport comme un moyen d’influer sur les déséquilibres géographiques du territoire national.
Cette nouvelle vision de politique autoroutière déclinée doit être intégrée dans une politique nationale de transport (services et infrastructures) très cohérente gage de son succès.
4.L’élégance républicaine
Le peuple sénégalais a également noté avec satisfaction et fierté, lors de la cérémonie d’ouverture de l’autoroute, la haute élégance républicaine dont a fait preuve le Président Macky Sall en rendant un vibrant hommage mérité à son prédécesseur Maitre Abdoulaye Wade pour avoir trouvé une partie du financement de l’autoroute et avoir démarré les travaux. Mais malheureusement, Monsieur Abdoulaye Wade lui, n’avait pas fait preuve de la même élégance pour rendre un hommage aux Présidents Senghor et Abdou Diouf lors du lancement des travaux du premier tronçon de l’autoroute, pour avoir eu l’idée de cet ambitieux projet et mené jusqu’à leur terme toutes les études qu’il n’a fait qu’actualiser tout simplement en 2002.
En lieu et place d’un hommage, le Président Abdoulaye Wade s’était au contraire approprié la paternité intégrale du projet en faisant fi du principe de la continuité de l’Etat et de ce que ses prédécesseurs ont pu accomplir. Or, reconnaitre le mérite de quelqu’un n’enlève en rien son propre mérite.
MALICK NDIAYE
Docteur-Ingénieur en Economie des Transports
Ancien Directeur des Transports Terrestres du Sénégal
Secrétaire Général de la Coordination PS de Kaolack-
Département et Membre du Bureau Politique.
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