De nombreuses informations font état de l'intention de l'État du Sénégal de racheter la Société générale Sénégal.
Ce rachat annoncé pour 268 millions d'euro d'après le journal les échos soit environ 175 milliards de FCFA n'est pas encore officiel. Il convient de rappeler que l'annonce du retrait par la société générale de certains marchés africains ne date pas d'aujourd'hui. Le Groupe, dans le cadre d'une stratégie de cession d'actifs avec comme objectif de se recentrer sur d'autres marchés internationaux justifie dans un communiqué ces départs comme suit:
« L'Afrique est une zone géographique à potentiel de croissance où le Groupe a bâti une présence historique et entend concentrer ses ressources sur les marchés où il peut se positionner parmi les banques de tout premier plan, en synergie avec les autres métiers du Groupe et avec une taille critique permettant une contribution satisfaisante et durable à la création de valeur ».
EN RÉALITÉ LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE EST PRÉOCCUPÉE PAR LA CONCURRENCE ACERBE DE NOUVEAUX ACTEURS
Après avoir quitté le Congo, le Tchad, le Bénin, le Burkina Faso, le Mozambique et la Mauritanie, la banque a annoncé son retrait de Guinée et de Cote d'Ivoire
Ces retraits de la Société générale du Continent me rappellent un peu celui récent et sous pression de l'Union européenne du secteur de la pêche au Sénégal motivé par une volonté farouche des nouvelles autorités de contrôler les ressources halieutiques du pays.
Concernant la société générale, force est de constater que dans un contexte bancaire et financier marqué par une forte compétition avec l'arrivée de nouveaux acteurs très agressifs, la banque a perdu des parts de marchés. Le groupe a aussi enregistré beaucoup de problèmes au niveau interne et ce dans un contexte post covid et d'instabilité politique.
La Société Générale s’active au Sénégal depuis plusieurs décennies, et détient 63,31% du capital de sa filiale sénégalaise. 35,13% des parts appartiennent à des privés sénégalais et une petite portion, 1,56%, est la propriété de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire (SGBCI), première banque de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine).
La Société Générale Sénégal a affiché jusqu'à récemment un total actif de 1391 milliards FCFA, soit 10,8% des parts de marché en termes d’actifs sur le marché local. Elle occupe la seconde place après la CBAO.
La posture des nouvelles autorités sénégalaises est à saluer
La stratégie des nouvelles autorités sénégalaises consistant à vouloir renforcer le dispositif de financement national est à saluer.
On ne peut pas sur les 5 prochaines années envisager de réaliser un programme économique de plus de 18 000 milliards de FCFA et ne pas penser aux modalités de financement.
Une banque publique sénégalaise de plus est opportune dans un système bancaire sénégalais qui souffre actuellement de plusieurs contraintes liées notamment :
1 Au contrôle de la plupart des banques installées par des intérêts étrangers.
2 À la non concordance des objectifs de financement de ces banques (souvent spéculatifs et de court terme) avec nos besoins à long terme prioritaires de financement de notre développement.
3 À des conditions de financement inappropriées (volumes de financement accordés dérisoires, taux d'intérêts prohibitifs, garanties excessives, délais de traitement de dossiers longs).
4 À un dispositif monétaire (FCFA) contraignant et handicapant pour notre économie.
Le renforcement du dispositif endogène de financement permettra à l'Etat du Sénégal de renforcer ses outils d'accompagnement en faveur de la PME et du secteur informel qui représentent une part très faible des financements.
Cependant quelle que soit la banque à racheter, le Sénégal devrait faire attention à la qualité du portefeuille clientèle de celle-ci notamment son degré de sinistralité et évaluer avec précision l'impact des litiges en cours et des vices cachés.
Dans certaines opérations, mieux vaut ne pas accepter le principe du goodwill ( Survaleur spéculative considérée comme valorisant un avantage futur qui découlera du rachat). Les vendeurs occidentaux trouvent souvent au travers du goofwill un moyen de "se faire du beurre" dans les transactions
Les besoins en recapitalisation devraient être cernés avec minutie afin d'éviter de mauvaises surprises.
L'idéal serait d'aller dans une approche d'actif net (différence entre la patrimoine et les dettes)
Etudier aussi les alternatives pertinentes qui s'offrent à l'Etat du Sénégal
Par ailleurs, dans le cadre de la recherche d'une meilleure efficacité dans un contexte de volonté affichée d'inscrire l'action publique autour de valeurs souverainistes et aussi dans un environnement budgétaire tendu, trois options alternatives s'offrent aux autorités
Option 1 La création d'une nouvelle banque ( LA BANQUE DU SÉNÉGAL) pourrait être étudiée à coté d'une éventualité d'acquisition d'une banque potentiellement en difficulté et ce quelle que soient sa notoriété.
Option 2 Restructurer en profondeur la société nationale la Poste et la transformer en une banque postale
Cette institution est une propriété de l'État du Sénégal qui a certes des difficultés d'ordre organisationnel et financier mais qui a l'avantage d'avoir un réseau large d'agences au niveau national et un gros patrimoine foncier. L'État peut s'appuyer sur ce levier postal dans le cadre des politiques d'aménagement du territoire et de financement des pôles.
J'espère que son patrimoine foncier n'a pas été dilapidé par l'ancienne équipe.
Le besoin en recapitalisation est estimé à 174 milliards de FCFA presque au même niveau que le prix de vente fixé par la Société Générale. Compte tenu d'une dette du même montant que la Poste doit à l'Etat, ce dernier pourrait juste reconvertir en action sa créance et ne pas avoir à décaisser des liquidités. La vente d'une partie du patrimoine foncier pourrait normalement financer le plan de relance.
Option 3 Examiner la possibilité de renforcer financièrement la Banque nationale de Développement Économique (BNDE) après un audit approfondi qui pourrait s'étendre aussi au Fonds de garantie Fongip et au Fonds souverain d'investissement stratégique (Fonsis). La BNDE est contrôlée par l’État à hauteur de 81,8%. Si jamais l'opération de rachat de la société générale s'avérait opportune, elle pourrait se faire au travers de la BNDE.
Aussi dans la dynamique des excellentes relations de coopération entre le Sénégal et l'Arabie Saoudite, il faudrait surtout approcher les investisseurs saoudiens au potentiel financier considérable et qui cherchent à percer le marché de l'Afrique subsaharienne.
Un positionnement de la nouvelle banque comme institution islamique pourrait attirer des volumes importants de capitaux notamment arabes.
Il est utilement à rappeler qu'aucune initiative tendant à consolider le système de financement ne peut prospérer sans une réforme en profondeur de notre système monétaire actuel basé sur le FCFA. Le dispositif actuel gêne considérablement nos exportations, ne favorise pas le financement approprié de nos économies et freine l'intégration entre pays membres
Magaye GAYE
économiste international
Ancien cadre de la BOAD et du FAGACE
Ce rachat annoncé pour 268 millions d'euro d'après le journal les échos soit environ 175 milliards de FCFA n'est pas encore officiel. Il convient de rappeler que l'annonce du retrait par la société générale de certains marchés africains ne date pas d'aujourd'hui. Le Groupe, dans le cadre d'une stratégie de cession d'actifs avec comme objectif de se recentrer sur d'autres marchés internationaux justifie dans un communiqué ces départs comme suit:
« L'Afrique est une zone géographique à potentiel de croissance où le Groupe a bâti une présence historique et entend concentrer ses ressources sur les marchés où il peut se positionner parmi les banques de tout premier plan, en synergie avec les autres métiers du Groupe et avec une taille critique permettant une contribution satisfaisante et durable à la création de valeur ».
EN RÉALITÉ LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE EST PRÉOCCUPÉE PAR LA CONCURRENCE ACERBE DE NOUVEAUX ACTEURS
Après avoir quitté le Congo, le Tchad, le Bénin, le Burkina Faso, le Mozambique et la Mauritanie, la banque a annoncé son retrait de Guinée et de Cote d'Ivoire
Ces retraits de la Société générale du Continent me rappellent un peu celui récent et sous pression de l'Union européenne du secteur de la pêche au Sénégal motivé par une volonté farouche des nouvelles autorités de contrôler les ressources halieutiques du pays.
Concernant la société générale, force est de constater que dans un contexte bancaire et financier marqué par une forte compétition avec l'arrivée de nouveaux acteurs très agressifs, la banque a perdu des parts de marchés. Le groupe a aussi enregistré beaucoup de problèmes au niveau interne et ce dans un contexte post covid et d'instabilité politique.
La Société Générale s’active au Sénégal depuis plusieurs décennies, et détient 63,31% du capital de sa filiale sénégalaise. 35,13% des parts appartiennent à des privés sénégalais et une petite portion, 1,56%, est la propriété de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire (SGBCI), première banque de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine).
La Société Générale Sénégal a affiché jusqu'à récemment un total actif de 1391 milliards FCFA, soit 10,8% des parts de marché en termes d’actifs sur le marché local. Elle occupe la seconde place après la CBAO.
La posture des nouvelles autorités sénégalaises est à saluer
La stratégie des nouvelles autorités sénégalaises consistant à vouloir renforcer le dispositif de financement national est à saluer.
On ne peut pas sur les 5 prochaines années envisager de réaliser un programme économique de plus de 18 000 milliards de FCFA et ne pas penser aux modalités de financement.
Une banque publique sénégalaise de plus est opportune dans un système bancaire sénégalais qui souffre actuellement de plusieurs contraintes liées notamment :
1 Au contrôle de la plupart des banques installées par des intérêts étrangers.
2 À la non concordance des objectifs de financement de ces banques (souvent spéculatifs et de court terme) avec nos besoins à long terme prioritaires de financement de notre développement.
3 À des conditions de financement inappropriées (volumes de financement accordés dérisoires, taux d'intérêts prohibitifs, garanties excessives, délais de traitement de dossiers longs).
4 À un dispositif monétaire (FCFA) contraignant et handicapant pour notre économie.
Le renforcement du dispositif endogène de financement permettra à l'Etat du Sénégal de renforcer ses outils d'accompagnement en faveur de la PME et du secteur informel qui représentent une part très faible des financements.
Cependant quelle que soit la banque à racheter, le Sénégal devrait faire attention à la qualité du portefeuille clientèle de celle-ci notamment son degré de sinistralité et évaluer avec précision l'impact des litiges en cours et des vices cachés.
Dans certaines opérations, mieux vaut ne pas accepter le principe du goodwill ( Survaleur spéculative considérée comme valorisant un avantage futur qui découlera du rachat). Les vendeurs occidentaux trouvent souvent au travers du goofwill un moyen de "se faire du beurre" dans les transactions
Les besoins en recapitalisation devraient être cernés avec minutie afin d'éviter de mauvaises surprises.
L'idéal serait d'aller dans une approche d'actif net (différence entre la patrimoine et les dettes)
Etudier aussi les alternatives pertinentes qui s'offrent à l'Etat du Sénégal
Par ailleurs, dans le cadre de la recherche d'une meilleure efficacité dans un contexte de volonté affichée d'inscrire l'action publique autour de valeurs souverainistes et aussi dans un environnement budgétaire tendu, trois options alternatives s'offrent aux autorités
Option 1 La création d'une nouvelle banque ( LA BANQUE DU SÉNÉGAL) pourrait être étudiée à coté d'une éventualité d'acquisition d'une banque potentiellement en difficulté et ce quelle que soient sa notoriété.
Option 2 Restructurer en profondeur la société nationale la Poste et la transformer en une banque postale
Cette institution est une propriété de l'État du Sénégal qui a certes des difficultés d'ordre organisationnel et financier mais qui a l'avantage d'avoir un réseau large d'agences au niveau national et un gros patrimoine foncier. L'État peut s'appuyer sur ce levier postal dans le cadre des politiques d'aménagement du territoire et de financement des pôles.
J'espère que son patrimoine foncier n'a pas été dilapidé par l'ancienne équipe.
Le besoin en recapitalisation est estimé à 174 milliards de FCFA presque au même niveau que le prix de vente fixé par la Société Générale. Compte tenu d'une dette du même montant que la Poste doit à l'Etat, ce dernier pourrait juste reconvertir en action sa créance et ne pas avoir à décaisser des liquidités. La vente d'une partie du patrimoine foncier pourrait normalement financer le plan de relance.
Option 3 Examiner la possibilité de renforcer financièrement la Banque nationale de Développement Économique (BNDE) après un audit approfondi qui pourrait s'étendre aussi au Fonds de garantie Fongip et au Fonds souverain d'investissement stratégique (Fonsis). La BNDE est contrôlée par l’État à hauteur de 81,8%. Si jamais l'opération de rachat de la société générale s'avérait opportune, elle pourrait se faire au travers de la BNDE.
Aussi dans la dynamique des excellentes relations de coopération entre le Sénégal et l'Arabie Saoudite, il faudrait surtout approcher les investisseurs saoudiens au potentiel financier considérable et qui cherchent à percer le marché de l'Afrique subsaharienne.
Un positionnement de la nouvelle banque comme institution islamique pourrait attirer des volumes importants de capitaux notamment arabes.
Il est utilement à rappeler qu'aucune initiative tendant à consolider le système de financement ne peut prospérer sans une réforme en profondeur de notre système monétaire actuel basé sur le FCFA. Le dispositif actuel gêne considérablement nos exportations, ne favorise pas le financement approprié de nos économies et freine l'intégration entre pays membres
Magaye GAYE
économiste international
Ancien cadre de la BOAD et du FAGACE