Depuis près de quarante ans, Edoardo di Muro dessine l’Afrique. Du Sénégal à l'Afrique du Sud, il représente ses réalités quotidiennes et ses coutumes. Dans sa dernière BD, Noir et Blanc en couleurs, parue aux éditions Roymodus, il milite pour le retour aux valeurs traditionnelles, meilleure arme de défense face à la mondialisation.
Son histoire d’amour avec l’Afrique date de 1973. Né en Italie en 1944 et débarqué par hasard au Nigéria alors qu’il est dans la marine marchande, Edoardo di Muro s’installe en Afrique et y reste plus de vingt-cinq ans. Il y vit l’Afrique des Africains ; travaille comme garde dans une réserve en Côte d’Ivoire ; milite à l’ANC en Afrique du Sud et épouse une Zouloue ; se remarie au Sénégal avec une Bassarie – du nom de ce peuple vivant à la frontière avec la Guinée – qui lui donne trois enfants et dont il adopte la culture.
Il parcourt le continent avec pour unique boussole la mine de son crayon. Du Sénégal à l’Afrique du Sud, en passant par la Guinée, le Gabon, le Bénin ou l’Ethiopie, Edoardo croque des scènes de la vie quotidienne. Négligeant les villas bourgeoises et les femmes au port majestueux drapées de leur insolence de nouvelles riches, il préfère reproduire les milieux populaires : des fillettes jouant avec leurs couverts en plastique ou une carcasse de voiture finissant de rouiller au soleil. Edoardo dessine comme on sculpte les statues traditionnelles, en accentuant des éléments du corps qui modifient l’harmonie et l’équilibre des traits. Son goût du détail le pousse à représenter la savane jusque dans les plus petites nervures du feuillage.
Jacques Cézard, son éditeur, ne tarit pas d’éloges à son sujet : « Il ne faut pas trop le dire car c’est assez mal vu dans nos sociétés où les artistes doivent souffrir pour réaliser de belles choses, mais "Do" dessine avec une facilité extraordinaire. Il voit tout en points. Il a le dessin dans le sang et une matrice dans les yeux ». L’art est son gagne-pain. Ses dessins sont parfois publiés dans des revues. En Ethiopie, il illustre des livres de français pour enfants ; au Sénégal, il réalise des batiks et en vend même à Léopold Sédar Senghor. De ses croquis, Edoardo finit par composer des recueils, comme Afrique capitales, publiée en 1995, dans lequel il fait revivre son parcours africain.
Fin 2009, il publie Noir et Blanc en couleurs, une bande dessinée qui raconte l’histoire d’un jeune Bassari parti clandestinement en Italie, avant de revenir dans son pays où il découvre véritablement sa culture. « J’ai choisi de parler du peuple bassari car il est l’un des rares à avoir rejeté l’Islam et la religion catholique pour rester totalement animiste », explique-t-il. Car Edoardo di Muro est très attaché au maintien des traditions, qu’il considère comme le seul rempart contre la mondialisation et l’empoisonnement par l’Occident.
Rentré voici quelques années en Italie, il continue ainsi d’appeler les Etats africains à autoriser les adolescents à quitter le système scolaire pour vivre le rite d’initiation, qui marque le passage à l’âge adulte. « L’initiation concerne tout le monde, les garçons comme les filles, les bien-portants comme les handicapés. Il faudrait que cela se généralise à l’ensemble de l’Afrique, il faudrait que les Africains retrouvent leurs valeurs, pour qu’on n’ait plus toute cette corruption et toutes ces guerres ».
A ses terres adoptives, Edoardo di Muro reste attaché par un trait d’encre de Chine : il travaille actuellement sur deux nouvelles bandes dessinées qui paraîtront à la fin de l’année.
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