Ramatou Solli est la coordinatrice du Groupe de réflexion et d'action sur les industries extractrices du Niger. Elle regrette que la société civile ne soit considérée que comme « un trouble-fête » par les autorités sur le dossier et que ses recommandations n'aient pas été défendues lors des négociations entre les ministres en charge du dossier et la société française.
Une chance historique et … « l’occasion d’échouer »
Selon Ramatou Solli, ces négociations offraient une chance historique de faire entendre les attentes des Nigériens sur le dossier des industries d’extraction de l’uranium, mais « c’est également historique, parce qu’on s’est offert l’occasion d’échouer. Le ministre d’Etat, ministre des Mines et les autorités en charge de cette question ont toujours fait croire aux Nigériens qu’ils négociaient dans le sens des intérêts du Niger, mais vus les résultats obtenus, je pense que c’est un accord sur lequel le Niger a été grugé plus que d’habitude ; on n'a rien gagné du tout, on a fait semblant de conduire des négociations pendant près de dix-huit mois pour aboutir à rien, en fait ».
Le Groupe de réflexion et d'action sur les industries extractrices du Niger entend les arguments de l’entreprise française sur les conditions du marché qui se sont détériorées mais se dit tout de même lésé par l’accord en termes de perspectives sociales pour les employés.
Un marché de l’uranium morose
« On nous parle des coûts très bas de la livre d’uranium sur le marché et du coup élevé de la production de l’uranium nigérien et que pour cela il fallait réduire les coûts de production, ajoute Ramatou Solli. Pour réduire les coûts de production, il faut réduire les charges et réduire les charges reviendrait à faire des licenciements ou des réductions sur les salaires des travailleurs, ce que les directeurs généraux nigériens vont devoir supporter ».
L’accord cadre prévoit en effet que l’Etat du Niger propose deux directeurs généraux à nominer à la tête des deux sociétés d’exploitation de l’uranium nigérien, la Somaïr (la Société des mines de l’Aïr) et la Cominak (la Compagnie minière d’Akouta), ce que l’accord de partenariat stratégique nomme la « nigérisation » de ces postes, sur la base « d’un commun accord ». La désignation par les deux parties du DG de Cominak doit, selon l’accord, intervenir avant le 30 juin 2016, celle de Somaïr avant le 30 juin… 2014.
Cette nomination n’est pas encore effective à ce jour, mais pour Ramatou Solli ces nominations risquent de conduire les directeurs nigériens à annoncer eux-mêmes les plus mauvaises nouvelles à leurs concitoyens. « Nous constatons qu’avec cet accord la loi de 2006 n’est pas appliquée entièrement et que cela nous laisse sur notre faim pour tout le combat que nous avons mené sur le plan social », explique-t-elle. « La première conséquence directe que j’entrevois sera le problème de la reconstruction de la route de l’uranium, en mauvais état, pour laquelle Areva propose 90 milliards de francs CFA sur quatre ans, or cela ne suffit pas, il faut quatre fois plus pour reconstruire cette route. Le Niger va devoir s’endetter pour finir les travaux et permettre à Areva de continuer à exploiter et transporter son uranium jusqu’au port de Cotonou. La deuxième conséquence correspondant à une fausse promesse, non tenue depuis 2007, sur l’exploitation des mines de la région d’Agadez ». A cela s’ajoutent les menaces de licenciements et de baisse des salaires, selon elle, ainsi que l’absence de prise en charge des questions de l’environnement, de la pollution des sites et de la santé des travailleurs.
Conséquences sociales peu prometteuses
Les syndicats dénoncent aussi les conséquences sociales des arrangements imposés par l’accord, notamment les pressions sur les travailleurs qui vont devoir travailler plus, selon Moussa Ibrahim, syndicaliste à la Synamin. Il rapporte les premiers licenciements dans les sociétés travaillant en sous-traitance avec Areva, surtout avec l’arrêt des activités du site d’Imouraren : 552 employés ont déjà été licenciés dans la société Sinohydro, rapporte-t-il. « Une fois les accords définitivement signés, explique-t-il, il ne nous restera que les notes et les dernières dispositions prises dans le cadre de la mise en application de l’accord pour agir ; et nous estimons que si la situation continue à nuire à nos intérêts, il nous faudra sortir les gants et s’il faut aller dans la rue, on ira dans la rue. S’il faut que l’Etat s’implique davantage dans la préservation des intérêts des Nigériens, on sollicitera sa contribution. Et les syndicats des mines et les centrales syndicales ont intérêt aujourd’hui à réfléchir sur ces sujets ».
Le gouvernement n’a pas encore souhaité réagir à ces inquiétudes. Le ministre des Mines, Omar Hamidou Tchiana, doit s’exprimer devant les membres de l’Assemblée nationale la semaine prochaine pour présenter les résultats de cet accord, lors d’une session extraordinaire.
Source : Rfi.fr
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