Le juge espagnol Fernando Andreu vise au total 40 militaires rwandais. Dans cet organigramme, Emmanuel Karenzi Karake apparaît comme une pièce maîtresse : le chef des services secrets militaires entre juillet 1994 et mars 1997, un très proche de Paul Kagame.
L'acte d'accusation de la justice espagnole le présente comme le responsable des crimes commis par les services secrets militaires durant cette période, et notamment les assassinats de personnalités politiques de premier plan. La justice espagnole dit de lui qu'il est « le plus haut responsable des massacres et de l'élimination de la population hutu ». On retrouve son nom lié à l'opération de mise à mort de quatre observateurs des Nations unies, d'un prêtre canadien et de la mort des trois coopérants espagnols de Médecins du Monde. Ces derniers faits remontent à janvier 1997.
L'acte d'accusation cite des témoins qui précisent que le 17 janvier les trois humanitaires découvrent des fosses communes avec des centaines de cadavres d'un massacre commis quatre jours plus tôt dans la localité de Kabere. Le lendemain, des militaires de l'APR l'armée patriotique rwandaise liées au FPR de Paul Kagame arrivent à la résidence de Médecin du monde. Des coups de feu sont tirés de l'extérieur puis à l'intérieur de la maison où se trouvent les trois coopérants espagnols et un Américain. Les trois Espagnols seront mortellement blessés. L'Américain sera le seul survivant.
■ Manifestation de soutien à Kigali
Au Rwanda, dans un pays où le droit de manifester est strictement encadré, entre 200 et 300 Rwandais se sont rassemblés mercredi devant l'ambassade britannique à Kigali pour protester contre l'arrestation d’Emmanuel Karenzi Karake.
« Humilier les Africains est inacceptable. Libérez le général Karenzi Karake », peut-on lire sur une des pancartes brandies devant l'ambassade britannique. Et citant les propos de la ministre rwandaise des Affaires étrangères la veille sur Twitter, au milieu des protestataires Marie-Grace Ruzindana, une infirmière lance : « L'arrestation est purement politique. L'Espagne on sait très bien que c'est le havre de paix des génocidaires. Les accusations sont tout à fait fausses. »
A ses côtés, Joël, un ingénieur : « Nous sommes là pour manifester contre cette décision qui est tout à fait incorrecte, injuste par rapport aux pays africains, s’indigne-t-il. Il n'y a aucune raison qu'il y ait deux justices, deux poids deux mesures. » Arrestation politique, insulte au peuple rwandais, les commentaires se suivent et se ressemblent, reprenant peu ou prou l'argumentaire gouvernemental.
Parmi la foule, quelques officiels dont le maire de Kigali qui explique être venu en soutien à ce rassemblement populaire et, assure-t-il, spontané. « Regardez les fausses accusations du juge espagnol qui accuse le FPR d'être un groupe terroriste alors que le FPR c'est un libérateur de ce pays. Ça, c'est une insulte ! Souligne-t-il. Au lieu d'arrêter les génocidaires qui ont commis le génocide, c'est dommage qu'ils arrêtent un membre de l'armée qui a arrêté ce génocide. » Les protestataires promettent de continuer à manifester jusqu'à la libération du chef des renseignements rwandais.