Plusieurs anciens proches du président rwandais Paul Kagame ont été la cible de tentatives d'assassinat quelques mois seulement après leur départ en exil. Parmi eux, Seth Sendashonga, ancien ministre des Affaires étrangères exilé au Kenya. En 1996, il survit à une première tentative d'assassinat, avant d'être finalement abattu dans la capitale kenyane deux ans plus tard. Même sort pour le colonel Théoneste Lizinde, abattu quelques mois plus tôt. Il venait de déserter les rangs du Front patriotique rwandais (FPR).
Mais ces dernières années, ce sont surtout des membres du Congrès national du Rwanda (RNC), le mouvement d'opposition en exil de Patrick Karegeya, qui ont été touchés. En Ouganda notamment. C’est le cas de Joël Mutabazi. Victime d'une tentative d'assassinat en 2012, il a depuis été remis aux autorités rwandaises par l'Ouganda, pays qui lui avait pourtant accordé le statut de réfugié. Deux ans plus tôt, en 2010, le général Kayumba Nyamwasa, ancien chef d'état-major de l'armée, avait survécu à une double tentative d'assassinat en Afrique du Sud.
« Nous avons confiance dans ce qui va être réalisé comme enquête [en Afrique du Sud] concernant le cas de Karegeya, puisqu’ils ont été aussi informés de ce qui s’est passé concernant le général Nyamwasa, se rassure Faustin Twagiramungu, l'ancien Premier ministre rwandais, exilé en Belgique depuis une dizaine d'années. Il y a eu une rupture de relation diplomatique qui n’a pas duré longtemps, mais quand même ce fut une bonne réaction de la part de ce gouvernement. Ça ne peut pas continuer comme ça ! Nous en avons assez ! »
L'homme qui avait rencontré Patrick Karegeya pour la première fois en 1995 à la résidence de l'actuel président rwandais Paul Kagamé n'hésite pas à pointer la responsabilité de Kigali dans cet assassinat, un modus operandi « devenu une habitude. Le régime de Kigali et particulièrement le président, voudraient exterminer tous ceux qui s’opposent à lui. En tant que chef de l’Etat, il devrait savoir qu’accepter la critique le valorise. Mais ne pas accepter la critique et recourir à ces moyens d’extermination de ses opposants, ce n’est pas digne d’un chef d’Etat. »
Tensions entre le Rwanda et l'Afrique du Sud
A l’époque, cet attentat avait d’ailleurs considérablement refroidi les relations entre le Rwanda et l’Afrique du Sud, rappelle André Guichaoua, chercheur et spécialiste du Rwanda :
« Les relations entre les deux pays se sont dégradées en 2010. En février, Kayumba Nyamwasa, qui était une personnalité majeure au Rwanda, demande l’asile en République sud-africaine. Et au mois de juin, en pleine Coupe du Monde de football, il y a une tentative d’assassinat.
Cela s’est traduit par un rappel de l’ambassadeur d’Afrique du Sud en poste au Rwanda. Ce rappel a duré pendant deux années. Ce qui était apparu évident à cette époque est que le Rwanda ne tolérait pas [qu’une personnalité politique] puisse s’installer à l’extérieur et mener des activités hostiles à son pays sans sanction. Pour les Sud-Africains, cela a été considéré comme un affront et les relations se sont rafraîchies de manière forte. »
Kigali, dans le dossier Kayumba comme dans les autres, a toujours nié son implication. En 2011, cependant, Paul Kagame avait limogé son chef des services de renseignement et de sécurité. Plusieurs chancelleries le soupçonnaient d'avoir participé à la préparation d’une campagne d'assassinats d'opposants en exil, notamment en Afrique du Sud et en Grande-Bretagne.
L'opposition politique rwandaise des Forces démocratiques unifiées (FDU), dont la présidente Victoire Ingabiré est en prison depuis 2010 et qui n'ont pas participé aux dernières législatives faute d'être officiellement enregistré par les autorités, ont réagi par la voix de leur vice-président, Boniface Twagirimana qui s'inquiète : « la communauté internationale devrait vraiment intervenir sur cette affaire d’assassinat qui cible tous les opposants du régime du FPR. Cet assassinat nous inquiète vraiment, parce que ça montre que le pouvoir du général Kagame n’a aucune volonté d’ouvrir l’espace politique. C’est pour cette raison que je demande à la communauté internationale de réagir. S’ils continuent à fermer les yeux, vraiment c’est très inquiétant. »