Au Sénégal le juridisme politique se substitue à l’application de la loi suivant l’Esprit, la lettre et la légitimité (Par Denis Ndour)



«Dura lex sed lex » La loi est dure mais c’est la loi certes mais faudrait-il l’appliquer sans analyser le contexte l’esprit, la légalité et la légitimité ? Une loi peut-elle être appliquée injustement ? Une loi c’est l ‘esprit avant la lettre. Le Cas du premier magistrat de la ville de Dakar Mr. Barthélemy Dias nous invite à réviser la relation entre la politique, la démocratie et le droit administratif.
 
Dans nos sociétés, la démocratie est devenue indissociable du respect du droit. Cependant au terme d’une évolution séculaire, l’imperium, soit le prolongement armé de la souveraineté, ne peut désormais plus s’exercer de manière légitime que dans le respect de la règle de droit, et ce, quand bien même cette souveraineté émanerait du peuple ; et, faut-il aussitôt ajouter : des mécanismes de contrôle doivent veiller à l’effectivité de ce respect.
 
C’est dès lors un angle que nous pouvons retenir pour examiner la question du rapport entre droit administratif et démocratie.
 
La politique, voilà un mot qui sent la poudre au Sénégal et lorsqu’il est attaché à celui de « justice », l’embrasement n’est jamais loin. Justice et politique : une alliance de termes détonante pour certains, dissonante pour d’autres. Les deux mots de justice et de politique semblent jurer d’être accouplés. Cependant Georges Vedel (un professeur français de droit public et Ancien Membre du Conseil constitutionnel) affirmait qu’« en pure logique, il ne peut y avoir de justice politique ; les deux mots sont contradictoires ».
 
Cette méfiance, si ce n’est cette défiance, pour cette union locutoire repose sur une construction intellectuelle qui assigne au juge un rôle restreint et au chercheur en droit une charge tout aussi limitée.
 
Le droit administratif pilier incontournable de la gestion publique a subi une évolution au fil des siècles et il est devenu un droit fortement jurisprudentiel. Ainsi les juges administratifs ont dégagé progressivement de nombreuses règles et ils leur accordent une valeur supérieure aux actes réglementaires même émanant des autorités centrales ou supérieures.
 
C’est pourquoi nous notons que cette situation, pour des raisons politiques peut entrainer des abus de pouvoir: par exemple un préfet ne peut révoquer un Maire élu au suffrage universel. Le maire est élu directement au suffrage universel direct en tête de liste majoritaire.
 
Il faut le reconnaitre la déchéance de Barthélemy à la tête de la Mairie de Dakar, le fait de l ‘empêcher par le biais des forces de défenses et de sécurité tenir une conférence de presse dans les locaux(une image qui a terni l’image de notre démocratie) sans aucune notification de la cour d’appel, ni de la cour suprême, encore moins par un décret présidentiel, soulève des interrogations majeures sur l’instrumentalisation de la justice, les vides juridiques ou encore une forfaiture qui rappelle le syndrome du non-respect de la parole donnée (La confiscation du suffrage des Sénégalais par l’incarcération de Khalifa Sall est une forfaiture qui ne se répétera plus jamais au Sénégal et certainement pas avec le nouveau maire de Dakar Barthélemy Dias", avait déclaré Ousmane SONKO à l‘époque).
 
Ainsi donc nous assistons à un double langage dans les discours et les postures des Hommes politiques. Pour ne pas dire que les principes politiques changent au gré des circonstances et des ambitions. Autrement dit, les promesses de rupture tardent à se matérialiser face aux réalités du pouvoir.
 
En effet l’article L.277 du Code électoral stipule que la décision de déclarer un conseiller municipal démissionnaire devient exécutoire, sauf recours devant la Cour d’appel dans les dix jours suivant la notification. Or, la loi ne précise pas le caractère suspensif du recours ce qui instaure un vide juridique. Un principe sacro-saint du Droit dit: «Tout ce qui n'est pas interdit en Droit est permis"
Nous constatons une violation des dispositions de l'article L29 et L30 du nouveau code électoral sur la prescription extinctive.
 
De plus, les conditions d’inéligibilité énoncées dans les articles L271 à L276 ne prévoient pas explicitement la situation de Barthélemy Dias et de toute façon le conseil constitutionnel (insusceptibles de recours, s’imposent ERGA OMNES aux pouvoirs publics.) qui est au-dessus de toutes les juridictions avait déjà validé la candidature de Barthélemy Dias.
 
Tout ceci renforce les doutes sur la légalité de la décision prise par les autorités à encontre de Mr. Barthélemy Dias et pourrait simplement rappeler le syndrome suivant déjà connu avec les régimes précédents : « l’usage de l’appareil judiciaire pour écarter des adversaires politiques. » Et ceci pourrait faire insinuer la position du maire de la ville de Dakar, capitale du Sénégal avec 50 milliards de francs CFA de budget annuel, ce qui ferait de lui un homme puissant politiquement en 2029(année électorale). En même temps, M. Maire Barthélemy prépare les Jeux olympiques de la jeunesse de 2026 avec tous les enjeux économiques et politiques qui s’y rapportent.
 
Nous disons souvent qu’il n’y a pas d’État neutre : la procédure (juridique ou administrative) n’est nullement une garantie de neutralité, plus précisément celle-ci n’est qu’une apparence derrière laquelle se dissimulent des choix orientés.
 
Une conception procédurale de la démocratie ne met pas en question l’idée que les décisions sont motivées par des doctrines substantielles, mais entend au contraire faire en sorte que celles- ci puissent s’exprimer.
 
La conception moderne de la démocratie s’organise autour de l’idée que l’application de la loi n’est pas du ressort du peuple souverain, à qui il revient seulement de décider de son contenu.
 
Nous devons à Rousseau d’avoir attiré notre attention sur cette question: la modernisation de l’idée républicaine suppose l’inaliénabilité de la souveraineté qui ne peut appartenir qu’au peuple en tant qu’il légifère. La liberté politique exige qu’on contraigne le gouvernement à n’être qu’un organe exécutif, un corps subordonné chargé d’appliquer les décisions publiques.
 
La démocratie comme méthode ne garantit pas une liberté absolue (aucune forme de démocratie, selon Schumpeter, ne le fait), mais on peut estimer que, si chacun est libre de briguer le commandement politique en faisant acte de candidature électorale, la liberté d’opinion et de discussion sera large. Pour le dire autrement, la méthode démocratique organise un espace de confrontation pacifique des valeurs substantielles, par le jeu électoral de la désignation. De ce point de vue quelle est l ‘opportunité de vouloir changer un Maire qui a un bilan sachant que es élections vont se tenir dans 24 mois ?
 
Si la légitimité d’un arrangement politique pouvait être améliorée par des arrangements constitutionnels qui créent une certaine inégalité d’impact mais ne comporte aucune nuance ni aucun danger d’indignité, il serait pervers d’exclure le fait que les décisions administratives doivent se conformer aux principes fondamentaux du droit.
On nous parle déjà de l ‘installation d’un conseiller municipal, pour aller certainement vers une délégation spéciale. Mais attention à l’abus de pouvoir en mettant la délégation spéciale à tout prix. En effet la désignation des membres d'une délégation spéciale est soumise au primat de l'exigence de neutralité politique.
 
J‘invite nos autorités à plus de lucidité pour aller vers l’essentiel en mettant en valeur:
une justice non partisane (application rapide des réformes de la justice),
en veillant à la préservation des acquis démocratiques (liberté d’expression et de manifestation) et du vivre ensemble.
La prise en charge rapide du respect des droits économiques sociaux et culturels (C’est à dire Droit à l'alimentation, Droit à un logement convenable, Droit à la santé, Droits à l'eau potable et à l'assainissement, Droit à la sécurité sociale, Droit à l'éducation et droits culturels.)
en veillant à bannir la haine et la vengeance pour mettre en mettant en pratique ceci: Quand Amour et Vérité se rencontrent alors justice et paix s’embrassent (cf.PS84) 
 
Mr.DENIS NDOUR
Consultant en Droits Humains Email: denisndour@gmail.com

Aminata Diouf

Mercredi 18 Décembre 2024 09:58


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