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Au concours du pire président, le gagnant est…



Au concours du pire président, le gagnant est…
A chaque attaque, pilonner un peu plus fort. A chaque assaut, lacérer un peu plus l’adversaire. C’est l'indécente escalade graduée, façon APR. Dans la guerre sans merci qui l’oppose à Karim Wade, Macky Sall a mobilisé ses maquisards les plus serviles pour passer son plus dangereux challenger à la broyeuse judiciaro-politico-médiatique. En déclarant urbi et orbi que Karim Wade "ne fait peur à personne, qu'il n'y a rien dire sur un incapable, sans fait d'armes et même pas capable de gagner dans son propre bureau de vote…" Seydou Guèye, un proche du Président et non moins Secrétaire Général du gouvernement, vient de rouvrir la fenêtre de tir préférée des snipers du Palais: accabler Karim Wade. Sauf que tout ou presque dans son propos, reflète un profond mépris et symbolise une gouvernance saturée de son arrogance et de sa prétention.
La modération est un instrument de bonne gouvernance et la liberté de se taire, un droit aussi inaliénable que la liberté d'expression. Alors pour le coup, la grossièreté de l’argumentaire du Secrétaire Général du Gouvernement aurait dû le pousser au silence. Mais il est beaucoup plus facile de s'acharner sur un homme en prison et donc sans défense, que de s'attaquer aux vrais problèmes des sénégalais dont l’immense majorité ne se fait plus aucune illusion, quant aux capacités du gouvernement actuel à sortir le Sénégal du crépuscule dans lequel il l’a plongé.
 
Macky Sall fait chambre à part avec les Sénégalais
 
Il y a presque deux ans, le prénom Macky était synonyme d’espoir pour des millions de sénégalais, aujourd’hui il est devenu un qualificatif pour désigner fiasco et désespérance.
Il ne reste de l’homme du 25 mars 2012, qu’une simple illusion, plus obsédée par sa réélection que par sa gouvernance. Sa stupéfiante incapacité à incarner la fonction présidentielle l’a propulsé à un sommet d’impopularité jamais atteint par un chef d’Etat sénégalais. A une altitude si élevée qu’il n’ y a aucune lueur d’espoir qu’il en redescende de sitôt. Macky Sall et les Sénégalais font désormais chambre à part. Leur divorce est programmé et risque d’être prononcé en juin prochain (si élections il y a), aux torts exclusifs du chef de l’Etat qui a vendu aux Sénégalais un projet de gouvernance frauduleux, et qui a été sévèrement sanctionné par la dégradation de notre pays dans le rapport Doing Business, la fermeture de centaines d’entreprises, la démission fracassante de quelques proches collaborateurs et l’exaspération grandissante des populations. Et le pire est loin d’être passé. Car si 2013 a été une «annus difficilis» pour les Sénégalais, 2014 s’annonce comme une «annus horibilis.»

Le pays résonne de toutes les révoltes. Les enseignants, les étudiants, les médecins, les ferrailleurs et les marchands ambulants menacent de descendre dans la rue. Le coût de la vie n’en finit plus de monter, au moment où les Sénégalais s’appauvrissent de plus en plus. La baisse des prix des denrées de première nécessité, promesse phare du candidat Sall s'est révélée être une grosse escroquerie électorale. Pis encore, de sérieux risques de famine planent aujourd’hui sur certaines régions du pays pour cause de campagne arachidière désastreuse.

Le juste bilan d’un Président qui, en quelques mois, a réussi à transformer un triomphe électoral en victoire de l’incompétence sur l’approximation. 
Le juste bilan d’un régime qui a érigé l’improvisation en système de gouvernance.
Le juste bilan d’un homme dont l’écart entre les aptitudes personnelles et les exigences présidentielles s’est étalé au grand jour.
Le juste bilan d’un chef en perdition et dont l’autorité est en décomposition, la coalition en putréfaction et l’espérance de sa population en évaporation. Tous les signes annonciateurs d'une fin de règne avec trois ans d’avance sur le calendrier. Du jamais vu dans  l’histoire politique de notre pays.
 
On ne sait pas où il va, mais l’on sait où il nira pas
 
Macky Sall boucle dans quelques semaines deux ans de mandat ou plutôt deux ans d’errance. Il n’a toujours pas de cap encore moins une direction. Personne ne peut véritablement dire où il veut amener le Sénégal. C’est le mystère le mieux entretenu de la République. Enfin presque. Car si personne ne sait où il va, tout le monde sait au moins là où il ne risque pas d’aller.

Au moment où son homologue ivoirien Alassane Ouattara organise un pont aérien vers Abidjan pour des milliers de décideurs invités à produire plus de croissance en Côte d’Ivoire, Macky Sall et son gouvernement nous produisent un vacarme inutilement assourdissant autour d’un obscur «Plan Sénégal émergent» plagié selon certains, en tout cas concocté à coup de milliards et dans la plus absolue opacité, par une clique de potes et d’enfants de potes du Président. C’est la République des copains et des coquins, version Macky Sall, apôtre auto proclamé de l’éthique sans la transparence et l’exemplarité qui vont avec.
 
La gestion consanguine des affaires publiques
 
Pour espérer être réélu, Macky Sall a renié tous les principes de bonne gouvernance qui  l’empêchent d’entretenir sa clientèle politique et d'entraver sa grande opération de braconnage électoral. Sa promesse d’une République irréprochable a été passée par pertes et profits. Tant pis pour ceux qui y cru. Les marchés publics sont devenus un festival de gré à gré. Les montants incriminés s’élèvent à plusieurs centaines de milliards. Les chiffres sont si vertigineux que le  gouvernement ne prend même plus la délicatesse de publier les comptes et décomptes des marchés publics. Cela n’était plus arrivé depuis 2008. Mais que font les Abdoul Latif Coulibaly, Alioune Tine, Jacques Habib Sy, Abdoul Aziz Diop, Abdoul Aziz Tall, la Raddho et consort ? Que sont-ils devenus, les procureurs médiatiques et autres vociférateurs de la société «incivile», hier si prompts à pourfendre (à raison) certaines dérives du PDS et aujourd’hui étrangement muets sur les dérapages de la gouvernance Sall et «la gestion consanguine» des affaires publiques avec la présence hégémonique de la famille et de la belle famille présidentielle dans les rouages de l'Etat? La gouvernance Sall est entré en zone de déliquescence morale. Sa mandature exemplaire s’est muée en imposture exemplaire.
 
De la traque à la télé réalité judiciaire
 
La gestion désastreuse de la traque des biens supposés mal acquis a placé le chef de l’État sur une spirale descendante. Son obsession à vouloir abattre par justice interposée son principal adversaire, l’a conduit dans une impasse et creusé un large fossé entre lui et les citoyens. Les sénégalais se sont rendus à l’évidence que ce n’était plus une vérité judiciaire qui était traquée, mais bien un homme qui est harcelé. Karim Wade a été désigné coupable, en direct sur les écrans de télévision, par un magistrat qui, à vouloir trop scintiller, a oublié que la justice n’était pas un spectacle. Le Procureur près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) a transformé la traque des bien présumés mal acquis en télé réalité judiciaire où des millions de sénégalais pronostiquent quotidiennement sur le prochain épisode de la crucifixion programmée de Karim Wade. Aujourd'hui, c’est le principe même de l’existence de la CREI en tant que juridiction d’exception qui se trouve menacée. En déclarant recevable le pourvoi des avocats de l'ancien ministre d'État, la Cour Suprême du Sénégal donne au Conseil Constitutionnel, l’opportunité de se prononcer sur la légalité de la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Les Cinq Sages devront dire si notre pays reste un Etat de droit où c’est à la justice qu’il appartient de prouver la culpabilité et pas au prévenu de prouver son innocence. Ils devront dire si dans un Etat de droit, il appartient au citoyen de s’innocenter. Et c'est tout l’avenir politique du Président de la République qui reste suspendu à la décision du Conseil Constitutionnel. Des Cinq Sages, les sénégalais attendent qu’ils portent haut l’étendard d’une JUSTICE indépendante, aux antipodes de la crei.

Une chose est sûre, la prison ne semble pas avoir entamé la détermination de Karim Wade à poursuivre son combat politique. Ce qui complique encore un peu plus la tâche de Macky Sall, obligé de gouverner sous l’ombre de cet encombrant prisonnier dont l’immense popularité et le patronyme, tourmentent ses rêves de réélection.       

Il n’existe encore aucune juridiction au monde sous laquelle, être populaire et se prénommer Karim sont passibles de peine de prison. Un jugement en faveur du prisonnier Wade pourrait sonner la fin virtuelle du président Sall. Le chef de l'État aura alors trois ans pour méditer sur ces mots : «Il n’y a rien de plus puissant qu’une idée dont le temps est venu
 

 

Malick SY Journaliste

Mercredi 12 Février 2014 - 13:46


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