Le camp de réfugiés est situé en face d’un bras du lac qui longe le village de Ngouboua. Il faut une pirogue pour y arriver. On aperçoit, dès qu’on accoste, plusieurs rangées d’abris couverts de bâches blanches. Le camp conçu pour un millier de personnes a reçu en deux semaines 4 000 personnes qui n’hésitent pas à raconter ce qu’elles ont vécu entre le 2 et le 3 janvier :
« Ils sont arrivés et se sont mis à brûler les maisons, à tuer. C’est pour çà que j’ai fui à bord de ma pirogue en direction du Tchad, explique l’un d’eux. L’horreur était à son comble. Impossible d’enterrer les morts. Nous avons enjambé des morts jusqu’à la rive pour prendre la pirogue jusqu’ici. »
« J’ai vu mon père mourir à Baga, raconte un enfant. Tout le monde fuyait. Ce sont des voisins qui m’ont récupéré sur une moto pour m’emmener ici. »
Plusieurs barques motorisées de l’armée tchadienne ratissent le lac Tchad à la recherche de victimes. Mardi dernier, une pirogue qui transportait des personnes ayant passé plusieurs jours dans l’eau a été ramenée à terre par des militaires tchadiens. Une femme de l’équipage, exténuée, est tombée morte dès qu’elle a posé pied à terre.
La faim, principal problème
Dans le camp, les réfugiés ont reçu une première assistance, mais demeurent dans le plus grand dénuement. En ce mercredi après midi, le camp de Ngouboua est calme. A l’ombre des arbres, sortis des abris de fortune, on entend ici le cri d’un enfant, là des coups de hache pour fendre du bois mort. Plus à l’écart, l’aire de jeux des enfants est plus animée. On y joue à la balançoire ou au football.
Assis à l’ombre, un groupe de chefs de famille médite. La faim est notre principal problème, lance Hamid Wandaye, venu de Baga : « Dans ce camp, nous n’avons qu’une seule préoccupation. Que nous venions de Baga, Doro, Badrang, nous n’avons qu’un seul souci : la faim. Si nous avons à manger, nous resterons jusqu’à ce que ça s’arrange chez nous. Sinon, qu’on nous laisse aller nous débrouiller au lieu de nous enfermer dans le camp », déclare-t-il.
Une première assistance composée de vêtements, de couvertures, de savon et de jouets pour les enfants a été apportée. Mais il reste beaucoup à faire estime Jean Louboya, chef des équipes de l’Unicef à Ngouboua : « Il y a beaucoup d’enfants et de femmes qui vivent dans des conditions particulièrement précaires parce qu’ils ont fui leur maison depuis longtemps,indique-t-il. Il y a beaucoup d’enfants non accompagnés aussi. Dans cette région, il n’y a pas longtemps, il y a eu une épidémie de choléra. C’est pourquoi nous avons suffisamment prépositionné des couvertures et des médicaments essentiels pour que la situation ne puisse pas s’empirer davantage. »