Monsieur le président, pour les cinq années à venir, le Bénin vient d’obtenir 12 milliards de dollars d’engagement de la part de ces partenaires internationaux. C’est considérable, quelle sera votre priorité en terme de croissance ?
Vous me donnez l’occasion de remercier cette communauté internationale. Le Bénin a renoué avec la croissance. Nous sommes partis [avec une croissance] de l’ordre de 3,4% en 2011 et, cette année, on se prépare à une croissance de 6,5%. Naturellement, à comparer avec une croissance démographique de 3,7%. Nous estimons que le minimum est de booster cette relance économique que nous avons commencé à enregistrer. Et alors que je cherche un cadre de financement de l’ordre de 6 milliards de dollars, eh bien à ma grande surprise, j’ai appris là-bas la qualité des réformes que mon gouvernement a présenté et la même communauté s’est engagée pour 12 milliards de dollars, le double !
Vous voulez donner une « épine dorsale » au Bénin, qu’est-ce que ça veut dire ?
C’est de nouvelles infrastructures ! Nous y mettons, par exemple, la boucle ferroviaire et nous voulons donner à cette épine dorsale un caractère régional. Alors nous y joignons Abidjan, Ouagadougou, Niamey, Parakou, Cotonou, Lomé. A cela, à cette boucle ferroviaire, il faut ajouter le port et, avec les richesses de la sous-région, en commençant par le Niger : environ 40% des transactions internationales du Niger passent par le port de Cotonou, donc il nous faudra un second port en eau profonde, un port minéralier. Ce projet rentre dans ce qu’on appelle aujourd’hui « l’épine dorsale ». Son impact nous permettra certainement de tripler le revenu par tête d’habitant au cours des cinq années à venir.
Au Bénin, la corruption est un fléau. La preuve, c’est que, il y a six mois, les USA vous ont retiré le bénéfice du MCA, le Millenium Challenge Account, précisément à cause de l’indicateur de corruption. Au-delà des nouvelles lois que vous avez promises, qu’est-ce que vous faites concrètement contre ce fléau ?
Je dois rectifier : le MCA ne nous a pas été retiré. Notre éligibilité a peut-être été suspendue, si je peux m’exprimer ainsi. Depuis lors, nous avons pris beaucoup de mesures, à commencer par le vote de cette loi, pourtant mise en place par l’autorité de lutte contre la corruption. En dehors de cela, je dois vous dire, en ce qui me concerne, lorsque je constate qu’un ministre a posé un acte qui frôle la corruption, je dis : allez vous expliquer devant la Haute Cour de justice ! J’en ai donc envoyé cinq qui étaient mes collaborateurs, j’ai même demandé qu’on lève leur immunité parlementaire. C’est aujourd’hui introduit au niveau de la justice : plus de 200 dossiers de l’œuvre du comportement qui frise la corruption des agents de l’état. Pour réussir, il faut que la justice soit au rendez-vous.
Ces deux dernières années, le climat politique a été perturbé par l’affaire Patrice Talon, du nom de cet homme d’affaires qui a été accusé d’avoir voulu vous empoisonner. Le 14 mai vous lui avez accordé votre pardon. Est-ce que ce n’était pas, notamment, pour vous préparer cette table ronde de la Banque mondiale et pour faire revenir les investisseurs au Bénin ?
Je ne pense pas. Je crois beaucoup à la cohésion nationale. Il s’est passé quelque chose. Sur cette base, je me suis dit : il suffit que j’obtienne un geste, un geste de reconnaissance, et de dire : voilà, monsieur le Président, je vous présente mes regrets… Dès lors que je reçois un message de ce genre, d’une grande personnalité, de bonne foi, eh bien, je crois que ce pardon procède de cela. Et la question de la table ronde, c’est une coïncidence. Dès lors que je reçois cette excuse, j’estime que cette affaire je la relègue, je la conjugue au passé. Mon cher compatriote, Patrice Talon est libre de ces mouvements, il peut venir en tant que pair de la nation et je suis prêt à lui accorder une audience s’il la demande, comme cette audience est réservée à tout citoyen de mon pays.
En 2016, selon la constitution en vigueur vous ne pourrez pas vous représenter pour un 3ème mandat. Que répondez-vous aux observateurs qui disent que vous allez modifier la constitution pour vous représenter en 2016 ?
Ils sont libres de le dire, j’ai une conscience, je me suis exprimé à maintes reprises sur cette question. Je sais lire la constitution, je suis allé à l’école, si on veut m’aider c’est (en faisant en sorte) que je puisse absolument achever mes responsabilités dans le délai imparti. Et ce délai, tous les Béninois, la communauté internationale, le connaissent.
Source : Rfi.fr
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