La situation sécuritaire au Burkina Faso s’est détériorée ces derniers mois. Après le nord du pays, la région de l’Est est désormais la cible d’attaques régulières. Depuis le début de l’année, quinze assauts ont été enregistrés dans les provinces de la Kompienga et du Gourma. Mardi 28 août à Pama, l’explosion d’un engin artisanal contre un véhicule de gendarmerie a causé la mort de sept soldats. L’identité des assaillants reste inconnue, mais, au ministère de l’intérieur, on s’inquiète de la présence d’individus venus de pays voisins et dont l’objectif serait d’implanter des bases terroristes.
Mahamoudou Savadogo, ancien gendarme devenu chercheur à l’université de Ouagadougou et au Centre de recherches pour le développement international (CRDI), analyse l’émergence de ce qu’il qualifie de « nouvelle cellule terroriste ».
Mahamoudou Savadogo La situation sécuritaire se dégrade de jour en jour et devient inquiétante. Il n’y a pas encore de revendication terroriste, mais quand on analyse les incidents, il s’agirait d’un seul et même groupe. Il faut rappeler que des mouvements d’individus suspects ont été repérés près de la frontière avec le Niger il y a quelques mois. Certains militants de l’Etat islamique au Grand Sahara [EIGS], traqués par les forces maliennes et françaises au Mali, se seraient repliés dans l’est du Burkina, le maillon faible de la sous-région.
On voit que la cellule utilise la même stratégie que les djihadistes des pays voisins : elle s’est formée en s’appuyant sur des chefs influents des communautés locales. Ses leaders seraient des fils de dignitaires de la région, radicalisés après un séjour au Mali pour étudier le Coran. Le mode opératoire prouve qu’il s’agit d’individus maîtrisant parfaitement le terrain et la forêt, donc natifs de la région et expérimentés dans l’art de la guerre.
Nous assistons à la naissance d’une cellule terroriste de l’Est qui devrait se donner un nom ou s’affilier à d’autres groupes prochainement. Dans le Kompienga, des éléments préoccupants ont été rapportés. En août, des individus aux traits étrangers brandissant un drapeau frappé d’inscriptions islamiques ont été aperçus, et il y aurait eu des prêches par des hommes non identifiés dans une autre localité.
Comment ces groupes auraient-ils réussi à s’implanter dans l’Est ?
L’Est est une région forestière, frontalière et peu peuplée. Elle est difficile à couvrir pour les forces de sécurité, dont les effectifs et les moyens matériels manquent sur place. Comme dans le nord du pays, ces groupes profitent de l’absence de l’Etat pour s’implanter et infiltrer la population, qui est assez pauvre. Ces individus pointent le manque de soutien des autorités ou « l’injuste » répartition des concessions de chasse dans les années 1990, qui avait provoqué une frustration chez les habitants, traditionnellement chasseurs et pêcheurs.
Les forces de sécurité ont sous-estimé la menace dans l’Est. Jusqu’alors, elles s’appuyaient sur les groupes d’autodéfense pour lutter contre les délinquants régionaux. La collaboration avec les koglweogo, une milice locale très active qui dispose de bonnes sources de renseignement, avait d’ailleurs permis de baisser le taux de criminalité dans la région à son plus bas niveau entre 2015 et 2017. Désormais, certaines questions s’imposent : ces milices vont-elles se lancer dans la lutte contre le terrorisme ou se cantonner à leur rôle traditionnel de rempart contre le banditisme ?
Aujourd’hui, les koglweogo n’osent pas s’opposer directement à ces groupes, dont les leaders sont très influents. S’attaquer à leurs fils, ces « princes » radicalisés, signifierait perdre l’appui et le soutien des chefs traditionnels. Le tandem forces de sécurité-milices commence à s’essouffler face à l’émergence d’une nouvelle menace terroriste. L’armée va devoir revoir sa stratégie.
Quel serait l’objectif de ces groupes ?
Frontalière du Togo, du Bénin et du Niger, la région de l’Est est propice aux mouvements et activités des groupes terroristes. S’y installer permet de mettre la main sur les couloirs des trafics : braconnage, armes, ivoire et drogue. En outre, en ouvrant un nouveau front dans l’Est, ces éléments viseraient à mettre en difficulté la stratégie de la force conjointe du G5 Sahel regroupant le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Mauritanie et le Tchad. On ne s’attendait pas à des attaques dans cette partie du pays. L’absence de troupes du G5 Sahel et le manque de patrouilles côté burkinabé pourraient expliquer le repli de l’EIGS dans cette zone.
Mahamoudou Savadogo, ancien gendarme devenu chercheur à l’université de Ouagadougou et au Centre de recherches pour le développement international (CRDI), analyse l’émergence de ce qu’il qualifie de « nouvelle cellule terroriste ».
Mahamoudou Savadogo La situation sécuritaire se dégrade de jour en jour et devient inquiétante. Il n’y a pas encore de revendication terroriste, mais quand on analyse les incidents, il s’agirait d’un seul et même groupe. Il faut rappeler que des mouvements d’individus suspects ont été repérés près de la frontière avec le Niger il y a quelques mois. Certains militants de l’Etat islamique au Grand Sahara [EIGS], traqués par les forces maliennes et françaises au Mali, se seraient repliés dans l’est du Burkina, le maillon faible de la sous-région.
On voit que la cellule utilise la même stratégie que les djihadistes des pays voisins : elle s’est formée en s’appuyant sur des chefs influents des communautés locales. Ses leaders seraient des fils de dignitaires de la région, radicalisés après un séjour au Mali pour étudier le Coran. Le mode opératoire prouve qu’il s’agit d’individus maîtrisant parfaitement le terrain et la forêt, donc natifs de la région et expérimentés dans l’art de la guerre.
Nous assistons à la naissance d’une cellule terroriste de l’Est qui devrait se donner un nom ou s’affilier à d’autres groupes prochainement. Dans le Kompienga, des éléments préoccupants ont été rapportés. En août, des individus aux traits étrangers brandissant un drapeau frappé d’inscriptions islamiques ont été aperçus, et il y aurait eu des prêches par des hommes non identifiés dans une autre localité.
Comment ces groupes auraient-ils réussi à s’implanter dans l’Est ?
L’Est est une région forestière, frontalière et peu peuplée. Elle est difficile à couvrir pour les forces de sécurité, dont les effectifs et les moyens matériels manquent sur place. Comme dans le nord du pays, ces groupes profitent de l’absence de l’Etat pour s’implanter et infiltrer la population, qui est assez pauvre. Ces individus pointent le manque de soutien des autorités ou « l’injuste » répartition des concessions de chasse dans les années 1990, qui avait provoqué une frustration chez les habitants, traditionnellement chasseurs et pêcheurs.
Les forces de sécurité ont sous-estimé la menace dans l’Est. Jusqu’alors, elles s’appuyaient sur les groupes d’autodéfense pour lutter contre les délinquants régionaux. La collaboration avec les koglweogo, une milice locale très active qui dispose de bonnes sources de renseignement, avait d’ailleurs permis de baisser le taux de criminalité dans la région à son plus bas niveau entre 2015 et 2017. Désormais, certaines questions s’imposent : ces milices vont-elles se lancer dans la lutte contre le terrorisme ou se cantonner à leur rôle traditionnel de rempart contre le banditisme ?
Aujourd’hui, les koglweogo n’osent pas s’opposer directement à ces groupes, dont les leaders sont très influents. S’attaquer à leurs fils, ces « princes » radicalisés, signifierait perdre l’appui et le soutien des chefs traditionnels. Le tandem forces de sécurité-milices commence à s’essouffler face à l’émergence d’une nouvelle menace terroriste. L’armée va devoir revoir sa stratégie.
Quel serait l’objectif de ces groupes ?
Frontalière du Togo, du Bénin et du Niger, la région de l’Est est propice aux mouvements et activités des groupes terroristes. S’y installer permet de mettre la main sur les couloirs des trafics : braconnage, armes, ivoire et drogue. En outre, en ouvrant un nouveau front dans l’Est, ces éléments viseraient à mettre en difficulté la stratégie de la force conjointe du G5 Sahel regroupant le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Mauritanie et le Tchad. On ne s’attendait pas à des attaques dans cette partie du pays. L’absence de troupes du G5 Sahel et le manque de patrouilles côté burkinabé pourraient expliquer le repli de l’EIGS dans cette zone.