Cette annonce a débuté avec une courte prise de parole d’Isaac Zida. Le Premier ministre s’est excusé pour le retard de près de deux heures sans donner plus de précisions. Les deux hommes forts de cette transition ont décidé d’être actifs dans leurs domaines respectifs. Le président Michel Kafando, diplomate de carrière, va occuper et gérer le ministère des Affaires étrangères. Le lieutenant-colonel Zida, Premier ministre, prend aussi en charge la Défense. Une décision prise à travers deux décrets.
C’est à lui qu’incombera la tâche d’entreprendre des réformes au niveau de l’armée, et surtout au niveau du régiment de sécurité présidentielle. Un régiment créé pour assurer la sécurité de l’ancien président Blaise Compaoré et dont les noms de certains membres avaient été cités dans l’assassinat du journaliste Norbert Zongo.
Trois autres militaires - en plus d’Isaac Zida - entrent dans ce gouvernement. Le colonel Auguste Denise Barry, l'un des plus proches collaborateurs du Premier ministre a été nommé ministre de l'Administration territoriale et de la Sécurité, l'équivalent du ministère de l'Intérieur. Un poste qu’il avait déjà occupé en 2011, avant la vague de mutineries qui avaient secoué tout le pays. Il a en charge la mise en place du système de sécurisation du pays face aux nombreux cas d’attaques à mains armée et au grand banditisme.
David Kabré, qui a négocié la charte de la transition pour l'armée, s'occupera des Sports. Le secteur stratégique des mines et de l’énergie est confié au colonel Boubacar Ba. Longtemps considéré comme un pays agricole, le Burkina Faso se positionne aujourd’hui comme un pays minier. Le pays va disposer, « dès 2015, de dix mines d'or exploitées par des sociétés minières. Du coup, la production passera de 32 à 40 tonnes », avait expliqué l’ancien ministre des Mines et de l’Energie. Des organisations de la société civile avaient lancé une campagne de plaidoyer pour demander « 1% de l’argent de l’or pour sortir les communautés de la pauvreté ».
Le ministre de la Communication, le porte-parole de la transition, se nomme Frédéric Nikiema. Augustin Loada, directeur du centre pour la gouvernance démocratique, est une personnalité bien connue des Burkinabè. Il obtient le ministère du Travail. Enfin, la militante Joséphine Ouédraogo, qui était candidate à la présidence, occupera le poste de garde des Sceaux. De nombreux membres de ce gouvernement sont inconnus ou presque. Les Burkinabè découvriront sans doute dans les heures et dans la presse les ministres nommés pour gérer cette transition d’un an. La première séance du nouveau Conseil des ministres se tiendra ce lundi 24 novembre.
Réactions plutôt positives
Les réactions à la formation de ce nouveau gouvernement ne se sont pas faites attendre. Et dans l’ensemble, elles sont plutôt positives. Pour Ablassé Ouedraogo, député de l'opposition et ancien ministre des Affaires étrangères, cette composition est rassurante. La présence de technocrates de qualité est indéniable, selon lui.
« Le Premier ministre prend le portefeuille de la Défense nationale, ce qui me donne beaucoup de confort […] parce que, vous le savez, le Burkina Faso est un pays de la zone sahélienne où il y a beaucoup de difficultés en ce moment au niveau sécuritaire. La protection de notre territoire et la protection des citoyens à l’intérieur du Burkina Faso, ce sont deux choses capitales », a ainsi expliqué à RFI Ablassé Ouedraogo, qui se réjouit aussi que le portefeuille des Affaires étrangères revienne à Michel Kafando : « Cela indique que le président de la transition veut réaliser des élections très propres, transparentes. Il aura les coudées franches pour lever, en tout cas, les partenariats nécessaires pour couvrir les besoins du Burkina Faso en matière de financement des élections législatives et présidentielle. »
Du côté du mouvement Balai citoyen, on reste plus prudent, même si on reconnaît que les militaires sont à leurs bonnes places. Pour Guy Hervé Kam, son porte-parole, le gouvernement doit surtout se mettre au travail sans tarder : « C’est un gouvernement qui était fortement attendu, [désigné] pour un an [et] il est clair qu’il n’y a pas d’état de grâce. C’est dès demain que ça commence. Pour ce qui concerne la défense, il faut forcément recomposer l’armée burkinabè. Tout le monde sait aujourd’hui qu’au Burkina, on a deux armées, le régiment de sécurité présidentielle et l’armée régulière. Il fallait forcément un militaire pour régler cette question-là. »
La fausse note Sagnon
Mais Guy Hervé Kam note néanmoins un point noir : la nomination au poste de ministre de la Culture d'Adama Sagnon, ex-procureur du Faso discrédité selon lui par son rôle dans l'affaire Norbert Zongo, du nom de ce journaliste assassiné en 1998. Un mauvais signal, estime-t-il, par rapport aux promesses d'intégrité et d'impunité : « Nous ne comprenons pas sa présence dans ce gouvernement, d’autant plus que l’affaire Norbert Zongo fait partie de ces dossiers qui sont, de part l’injustice que ça a [occasionnée], l’une des causes de cette insurrection. C’est quand même un des procureurs qui a été le plus décrié au Burkina Faso dans le cadre d’un dossier qui a mis [le pays] à mal pendant de longues années. » Pour le Balai citoyen, cette seule présence peut décrédibiliser le gouvernement et le mouvement estime qu'il n'est pas trop tard pour revenir sur cette nomination.
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