Selon des témoins et des membres de sa famille, le colonel à la retraite a été assassiné devant chez lui. Alors qu'il sortait de sa voiture, des individus à moto ont ouvert le feu sur lui avant de prendre la fuite. Jean Bikomagu a été mortellement touché et sa fille, qui l'accompagnait, a été blessée. Ses jours ne sont pas en danger.
Le colonel Jean Bikomagu symbolisait les ex-FAB, les forces armées burundaises, dominées par la minorité tutsie, qui se sont battues contre les anciens mouvements rebelles hutus, essentiellement les ex-rebelles du CNDD-FDD, dans les années 90. Le chef d'état-major de ces rebelles sera, quelques temps plus tard, Adolphe Nshimirimana, un proche du président Nkurunziza.
Une risposte proportionnée
Le général Nshimirimana a, lui aussi, été assassiné il y a deux semaines, presque jour pour jour, à Bujumbura. Une rumeur persistante dans la capitale burundaise disait que le général ne serait pas enterré avant la mort de quelqu'un de son rang, dans l'autre camp. Le colonel Bikomagu pourrait incarner ce symbole. « On peut imaginer qu'il s'agit là, [avec cet assassinat] de ce que, au sein du CNDD-FDD, beaucoup ont déjà appelé une riposte proportionnée, un terme qui renvoie à des attaques qui ont été commises en réponse d’autres, avec des profils [de victimes] un peu similaire en terme de réputation et une importance symbolique très grande », commente André Gichaoua, universitaire spécialiste des Grands Lacs.
En 1993, le premier président burundais démocratiquement élu, Melchior Ndadaye, nomme le colonel Bikomagu chef d'état-major de l'armée. Quelques mois plus tard, le président Ndadaye est assassiné lors d'un coup d'Etat. Certains soupçonnent le colonel Bikomagu d'avoir été mêlé à ce meurtre. Une thèse qui ne fait pas l'unanimité et qu'il a toujours niée. Et comme le rapelle l'universitaire André Gichaoua, « aucun tribunal n’avait statué sur sa responsabilité dans l’assassinat du président Ndadaye, malgré bien des soupçons et il aurait fallu que la commission Vérité, justice, réconciliation statue mais ce n’était pas encore le cas. »
Réactions
La présidence burundaise n'a pas tardé à condamner cet assassinat. « Pierre Nkurunziza condamne avec la plus grande énergie cet acte ignoble perpétré à l’encontre du colonel Bikomagu », a fait savoir Gervais Abayeho, porte-parole de la présidence. Le chef de l’Etat a « présenté ses condoléances à la famille » et a « demandé aux services de sécurité et aux services judiciaires de faire en sorte que les auteurs de cet assassinat soient arrêtés et traduits devant la justice. »
La présidence burundaise estime qu’il n’est pas possible, « à ce stade », de faire de rapprochement entre cet assassinat et celui du général Nshimirimana. « C’est pour ça que le chef de l’Etat demande aux services compétents de faire des enquêtes. Les résultats des enquêtes, une fois publiés, pourront nous en dire davantage », rapporte Gervais Abayeho.
En revanche, Jérémy Minani, porte-parole du « mouvement Arusha » qui milite contre un troisième mandat du président Nkurunziza, estime, lui, que les deux affaires sont liées. Et que les conséquences pourraient être dramatiques. « Ça risque de provoquer une implosion de notre armée parce que cet homme symbolisait beaucoup de choses pour les ex-forces armées burundaises », commente-t-il. Il craint que les ex-FAB et que les forces de sécurité issues de la rébellion CNDD-FDD en viennent à « s’affronter ».
Mais au sommet de l’Etat, on se dit serein. « Nous pensons que la situation ne va pas dégénérer », assure le porte-parole de la présidence. Gerbais Abayeho considère que « cet assassinat ou l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana ne fera pas du tout retourner le Burundi en arrière en terme de paix, de réconciliation, que ce soit au niveau de l’armée ou de la population ». Il rappelle que le chef de l’Etat a lancé « un appel à l’apaisement ».