Au soir du lundi 27 juillet, l’opposition était encore sous le choc alors que le gouvernement burundais était tout sourire. C’est la première véritable fissure qui apparaît au sein d’une opposition qui était d’accord depuis des mois sur ce qu’elle considère comme un dénominateur commun : le « non » au troisième mandat au président Pierre Nkurunziza et le refus de participer à un processus électoral dénoncé également par la communauté internationale.
Et le coup est d’autant plus rude qu’Agathon Rwasa est le principal opposant à Nkurunziza. Aujourd’hui, il estime que le forcing de son frère ennemi, issu comme lui de la rébellion hutu du Burundi, « a bien réussi ». Après avoir critiqué le scrutin, Agathon Rwasa a donc décidé de se rendre à l’évidence. Il est allé siéger à l’Assemblée nationale lundi lors de la première session de la législature, accompagné de 18 autres députés issus de la coalition des Indépendants de l’Espoir.
Ceci a jeté un froid entre lui et son allié, Charles Nditijé, de l'Uprona, qui a décidé de boycotter l’Assemblée nationale avec ses 10 partisans élus députés. « La rupture n’est pas encore consommée avec Rwasa » explique Nditijé, qui dit ne pas comprendre la logique politique qui l’a guidé.
« Vous pouvez changer de fusil d’épaule, de position ou profiter des situations nouvelles qui vous permettent de mieux gagner votre bataille à défaut de gagner la guerre. Or, aujourd’hui, Rwasa en entrant à l’Assemblée nationale n’a même pas la minorité de blocage pour le vote des lois. Même si on lui donnait la moitié des membres du gouvernement, le pouvoir ne se joue pas au gouvernement, il se joue dans les instances du Parlement où on vote les lois, il se joue au niveau de l’administration territoriale parce que c’est là que les intérêts de la population sont défendus ou bafoués. Donc quelque part c’est l’entrée par la petite porte. Je ne vois pas en quoi cela va changer positivement la situation politique et la situation sécuritaire. Cette machine ne va pas s’arrêter parce qu’Agathon Rwasa entre dans des institutions. Demain, à la moindre altercation avec le pouvoir, il va être chassé. Quelque part, il se met la corde autour du cou », estime le président de l'Uprona.
Dans l’opposition radicale burundaise on est plus sévère encore. On parle de trahison, même si pour le moment personne ne veut endosser publiquement une telle déclaration qui signerait la rupture avec le chef de file de l’opposition. Et on assure que cela ne vient pas changer à la volonté de combattre le pouvoir Nkurunziza, d’autant qu’ils se sentent revigorés par le soutien de la communauté internationale.