Dans cette marée humaine, beaucoup de jeunes collégiens burundais réquisitionnés et qui semblent un peu perdus comme Ornella : « On nous a donné l’ordre de venir participer à la manifestation pour la paix. Nous avons obéi. » D’autres par contre sont enthousiastes. Ils reprennent en chœur les chansons religieuses et celles à la gloire du président burundais Pierre Nkurunziza, que déversent des haut-parleurs montés sur des camionnettes. Abraham est venu de Kanyosha, au sud de Bujumbura : « Je me suis associé aux autres pour fêter la paix retrouvée grâce au président Nkurunziza. C’est lui qui a ramené la paix dans ce pays. Moi, je veux qu’on élise Nkurunziza. »
L'opposition burundaise a quant à elle condamné l'organisation de cette contre-manifestation par le pouvoir burundais. Elle y voit « une manipulation orchestrée par le pouvoir », dans le but d'intimider toutes les forces qui s'opposent à ce que le président burundais Pierre Nkurunziza, qui n'a jamais caché son intention de briguer un troisième mandat en violation de la Constitution, ne franchisse le pas.
« Ce sont de véritables politiciens »
Charles Nditije, le président de l'aile majoritaire du parti Uprona aujourd'hui dans l'opposition au Burundi, assure qu'ils ne se laisseront pas faire. « Le pouvoir veut intimider parce qu’il a compris que de plus en plus c’est un pouvoir qui est déconfiture. Un pouvoir qui comprend que demain si d’aventure le président de la République devait se présenter à sa propre succession les gens vont aller dans la rue. C’est un signal pour dire si vous allez dans la rue nous allons amener d’autres contre-manifestants et vous allez vous rentrer dedans donc gare à vous. Donc ce n’est pas une manifestation en faveur de la paix. Et je crois que le président, le parti au pouvoir devraient comprendre que personne, ni l’armée, ni la police, ni les contre-manifestants, ni les imbonerakure ne pourront arrêter cette volonté de changement. »
Après plus d’une heure de marche à travers les rues de la capitale burundaise, les manifestants se sont rassemblés sur la plage, au bord du lac Tanganyika où ils ont écouté le maire de Bujumbura, Saïdi Juma, pointer du doigt ceux qui veulent ramener le Burundi « sur le chemin de la guerre », selon le gouvernement.
« Ce sont ces gens qui se disent de la société civile alors que ce sont de véritables politiciens, ce sont ces politiciens qui n’ont pas de membres derrière eux, qui n’ont pas d’autres moyens pour accéder au pouvoir sauf la déstabilisation, la guerre et peut-être les coups d’Etat, a-t-il déclaré.On est engagé à les combattre jusqu’à la dernière énergie, même jusqu’à périr. » Dans ce pays où l’on n’appelle jamais un chat par son nom, pas besoin de nommer ceux que l’on considère comme l’ennemi. Tout le monde a compris.