Quartier Biteng, à la sortie est de Yaoundé, sur la route d’Akonolinga. Le joyau architectural dont avait rêvé le footballeur camerounais décédé accueille désormais une Eglise.
Quartier Biteng, à la sortie est de Yaoundé, sur la route d’Akonolinga. Ce dimanche 17 décembre 2006, il est 10h 30. Le reporter de Mutations qui s’était rendu aux obsèques de Marc Vivien Foe, un lundi 7 juillet 2003, ne se souvient plus très bien de la route qui mène au complexe multisport M.V.F. Car, le quartier a grandi et de très jolies maisons ont poussé de terre. D’autres sont encore en chantier. Elles sont par ailleurs entourées de très hauts murs, empêchant de regarder un peu plus loin dans l’espoir de reconnaître un repère, lorsque ce ne sont pas de hautes herbes qui créent le même obstacle. Juste le temps d’emprunter la première allée bitumée au hasard et à quelque 100 m de la destination supposée, des cantiques religieux se font entendre. Une confirmation de la nouvelle que, depuis quelque temps, des messes sont célébrées au complexe sportif de Marc Vivien Foe. Après avoir franchi l’entrée du centre, qui n’a pas de barrière, le premier regard se dirige vers la source de la musique religieuse, à l’extrême gauche du bâtiment de deux niveaux qui surplombe un vaste domaine. Dans l’une des grandes salles aérées par la lumière du jour, un prêtre, arborant une soutane blanche et des parures violettes, dit la messe, devant une table en plastique très basse, qui tient lieu d’autel. Derrière lui, une grande croix en bois. Et devant, une centaine d’ouailles, des deux sexes et de tous les âges, écoutent religieusement, assis sur des bancs de fortune, faits de longs morceaux de bois bien taillés. La tenue de l’officiant du jour, l’abbé Gaspard, et la phase de l’eucharistie, moment pendant lequel Jésus offre son corps et son sang aux hommes, renvoient aux accoutrements et rituels de l’Eglise catholique romaine.
" Il s’agit de la paroisse Saint Marc d’Okoui, paroisse de l’Eglise catholique ", confirme l’abbé Gaspard, à la fin de l’adoration. Pendant que la messe se déroule, des paroissiens, vêtus d’un uniforme de couleur kaki, semblable à celui des douaniers, mais sans épaulettes, tiennent une réunion en prélude aux fêtes de fin d’année. En même temps, deux enfants, âgés d’une dizaine d’années chacun, vendent des beignets à l’extérieur. D’ailleurs, ils vont quitter les lieux après tous les chrétiens venus à la messe.
Le prêtre est à la tête de cette paroisse depuis le mois de juin dernier et il explique pourquoi sa paroisse célèbre la messe à cet endroit le dimanche : " Nous n’avons pas de chapelle. Comme toutes les nouvelles chapelles, la nôtre est encore en construction ". La paroisse d’Okoui, située à un jet de pierre du complexe, a été créée il y a trois ans. Faute d’infrastructures, Dieu a pu leur trouver un site. " Après la mort de Marco, mon cousin, Mgr Jean Mbarga, Evêque du Diocèse Ebolowa-Kribi, avait estimé qu’on ne pouvait pas laisser cet endroit ainsi, qu’il fallait y prier. C’est pourquoi je l’ai gracieusement offert à la chapelle Saint Marc, juste après le décès de Marco, il y a trois ans ", révèle Foe Amougou, le père du footballeur, initiateur du projet, décédé le 26 juin 2003 au stade Gerland à Lyon en France, lors de la demi-finale de la coupe des Confédérations ayant opposé le Cameroun à la Colombie.
L’abbé Gaspard félicite cette magnanimité du père de Marc Vivien Foe, tout en soulignant que ses fidèles et lui associent à leurs prières, tous les dimanches, le fondateur du complexe et sa famille. Il dit trouver le lieu accueillant et confie que les chrétiens assistent toujours les gardiens pour l’entretien du complexe multisport Marc Vivien Foe, qui accueille la paroisse Saint Marc. "Nous prions également pour que ce complexe trouve un bienfaiteur qui puisse achever les travaux ", ajoute-t-il. Les chorales de la paroisse viennent y chanter tous les mercredi et vendredi.
Abandon
Selon certains témoignages, cette paroisse accueille souvent de très hautes personnalités de la République. En fonction au Cameroun ou à l’extérieur, encore en service ou en retraite, habitants de ce quartier aux luxueuses villas ou venant de très loin. Ce sont, entre autres noms cités, un directeur général d’une grande entreprise parapublique, un ancien recteur d’université et ancien ministre, un diplomate, un maire d’une petite ville de la province du Centre ou un ancien ministre des Forêts, etc. "Venez ici lors des fêtes, vous les verrez tous ", conseille un gardien, très heureux de les admirer, grâce à cette chapelle de circonstance.
" Marc Vivien Foe avait rêvé d’un complexe multisports, pour venir en aide aux enfants démunis ", se rappelle Foe Amougou, le père du défunt. "Un petit était venu me voir pour se plaindre du fait qu’on lui avait demandé 50.000 Fcfa pour intégrer une école de football bien connue de la place, alors que la mère du petit ne pouvait même pas lui payer sa pension, qui coûtait 25.000 Cfa ", raconte Foe Amougou. Il poursuit : " Marco étant dans sa chambre. Je l’ai appelé. Il a été très écœuré par cette situation et a décidé de construire un complexe où les enfants viendraient s’entraîner pour rien".
Un complexe constitué d’un bâtiment principal composé de plusieurs bureaux, une grande salle de jacuzzi, une salle de gymnastique au sous-sol et deux piscines, dont une avec des vagues similaires à celles de la mer, un hôtel, une grande piscine à ciel ouvert, trois courts de tennis et un grand terrain de football doté de gradins. "Tous les appareils sont sur place à Yaoundé, bien avant la mort de Marco. Ce sont les constructions qu’il fallait achever ", indique le père, la gorge serrée de regrets à peine voilés.
Sur le site du Complexe, les travaux n’ont pas avancé d’un pouce. Sauf peut-être cette barrière en parpaings que Foe Amougou a tenté de monter, partiellement, pour limiter l’accès aux voleurs. " Ils ont commencé à tout prendre : Wc, vitres, et même les deux batteries du moteur flambant neuf ", se plaint-il. Deux gardiens, Pierre Assiga et Paul Ndongo veillent au grain. Ils occupent quelques-unes des "chambres ". La plupart des pièces du bâtiment principal n’ont pas de portes. Ce bâtiment, qui reste la seule infrastructure prévue, est une bâtisse en ruine.
Les murs extérieurs, peints en blanc, ont jauni à cause de la poussière ; ceux de l’intérieur laissent apparaître, en plus du blanc, le vert et noir, à cause de l’eau qui coule souvent du toit partiellement couvert, lors de la saison pluvieuse ; des herbes ont même poussé sur ces murs, tout à côté de la toiture qui couvre la grande piscine intérieure. Cette piscine n’a jamais accueilli une seule goutte d’eau. Le balcon sert de séchoir de vêtements aux cinq habitants des lieux. Les fils électriques traînent et pendent dans tous les sens. La salle devant abriter le jacuzzi, poussiéreuse comme toutes les autres, possède pour seul meuble un pupitre sur lequel est placé le 17, le numéro qu’arborait Foé à l’équipe nationale.
Herbes
A l’extérieur, le tableau est resté le même, depuis la découverte des lieux, après la mort de M.V. Foe. Presque tout le domaine est couvert d’herbes folles. Excepté la bananeraie au fond du domaine et quelques champs de maïs créés par les habitants du complexe. La grande statue de Foe, à l’entrée du complexe, a pris un coup de vieux. A mi-chemin, un terrain de football a vite fait de prendre la place réservée aux courts de tennis. " Les jeunes du quartier y viennent jouer tous les après-midi et le dimanche matin ", confie Paul Ndongo, l’un des deux gardiens. C’est à cet endroit précisément qu’a été organisée le 7 juillet 2003 la dernière partie des obsèques officielles du Grand Commandeur de l’ordre de la valeur qu’était devenu Marc Vivien Foe, à titre posthume. Ce, en présence du Premier ministre Peter Mafany Musonge et du président de la Fédération internationale de football association, Joseph Sepp Blatter.
La dernière demeure de Marc Vivien Foe apparaît ici comme un bouquet de fleurs dans un champ de ruines. Un joyau architectural tout en marbre. Un caveau cerné par une barrière en fils barbelés. Des fleurs artificielles sont posées ou simplement accrochées autour du sépulcre. " Il y a toute une chambre abritant ces fleurs artificielles. Ce qui nous permet de les changer régulièrement ", confie l’un des gardiens des lieux.
Sur la tombe en marbre noir, tout à côté de la petite statue de Jésus accroché sur sa croix couchée, sont inscrites les paroles suivantes : " Marc Vivien Foe : ‘‘ Parvenu à la perfection en peu de temps, il a atteint la plénitude d’une longue vie’’ Sagesse 4, 13." La petite construction est ornée des quatre côtés par des fleurs naturelles bien vertes. Selon les gardiens, elles sont régulièrement arrosées grâce à l’eau de la rivière. Le père Foé indique qu’il y a un forage de 60 m, qui lui a coûté 13.millions Fcfa et qui permet de se mettre à l’abri du besoin en eau.
Mausolée
Pour les habitués des lieux, le mausolée est l’objet de beaucoup de curiosité. Les visiteurs, pour la plupart des expatriés, viennent souvent pendant les vacances. Dimanche 17 décembre dernier, un chrétien ayant pris part à la messe était prêt à payer tout l’or du monde pour se faire photographier devant le mausolée de Marc Vivien Foe. Pour lui, " l’on devrait valoriser un tel endroit, qui est un véritable lieu touristique ". Hélas, il a été obligé de remettre la réalisation de son rêve à un peu plus tard, soucieux de rentrer dans le véhicule familial. Ce mausolée des toutes les envies est placé au milieu d’une étoile. " Il s’agit de l’étoile de David que je porte sur ma chaîne, tout comme les autres membres de la famille", indique Foe Amougou, le père du défunt. Selon lui, il a été inspiré par ses multiples voyages (avec son épouse) en terre sainte (Ndlr : Israël). " Pour les croyants, c’est cette étoile qui guida les mages lors de la naissance de Jésus Christ ", rappelle le croyant. La beauté du mausolée tranche net avec l’environnement pâle du complexe. Cependant, les travaux ne sont pas encore terminés.
Il a été prévu des vitres, une fontaine, etc. Malheureusement, le point d’achèvement des travaux, aussi bien ceux du mausolée que ceux du complexe en général, n’est pas pour demain. " Un de ces quatre matins, les travaux vont s’achever. Même si ce n’est pas moi, les enfants vont le faire ", indique Foe Amougou, qui dit avoir beaucoup de problèmes de santé. Il dit ne plus vouloir parler des promesses faites et jamais tenues. La fondation Marc Vivien Foe qu’il a créée et dont l’un des objectifs était de réunir des fonds pour pouvoir achever les travaux, attend toujours les premières contributions financières.
Selon les prévisions, le complexe devait coûter 3 milliards Fcfa. " Il faut encore 1.800.000.000 Fcfa pour achever les travaux ", renseigne Foe Amougou. Les travaux, jusqu’ici, ont été exécutés par l’entrepreneur belge Donald Bloemen, qui vit à Douala et que les habitants du complexe aperçoivent souvent sur les lieux. L’architecte, Belge aussi, Nicodème, est décédé des suites d’un cancer du sang, selon Foe Amougou. A cette allure où tous les virages sont incertains, la fin des travaux de la paroisse d’Okoui pourrait sonner le début du grand silence du Complexe multisport Marc Vivien Foe.
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