Bangui (AFP) - Le Conseil de sécurité de l'ONU a donné son feu vert à l'engagement d'une force européenne en Centrafrique, pour épauler les troupes françaises et africaines qui ont mené l'évacuation de deux camps militaires stratégiques de Bangui par des combattants de l'ex-rébellion.
Dans une résolution adoptée à l'unanimité, le conseil menace de sanctions ciblées (gel des avoirs et interdiction de voyager) tous ceux "qui menacent la paix, la stabilité ou la sécurité en RCA (République centrafricaine) et qui font obstacle au processus politique de transition, violent les droits de l'Homme", au moment où l'exécutif centrafricain, au complet après la formation du gouvernement lundi, a engagé la bataille de la pacification d'un pays dévasté par les violences.
Les personnes à sanctionner seront désignées ultérieurement par un Comité dépendant du Conseil. L'ambassadeur français aux Nations unies Gérard Araud a assuré que Paris avait "des noms à présenter".
Le Conseil a décidé de mettre sous mandat de l'ONU les quelque 500 soldats européens qui doivent prêter main forte aux plus de 5.000 militaires africains de la Misca (force de l'Union africaine) et aux 1.600 soldats français de l'opération Sangaris.
A terme, l'ONU considère qu'il faudrait déployer plus de 10.000 Casques bleus pour sécuriser la RCA "car la situation est très, très grave et le pays immense", a expliqué M. Araud.
La présidente centrafricaine Catherine Samba Panza a abondé dans son sens, en indiquant sur une radio française qu'elle allait demander une opération de maintien de la paix de l'ONU, car "les exactions continuent aussi bien à Bangui qu'à l'intérieur du pays", ce qu'il signifie qu'"il n'y a pas suffisamment" de soldats.
Un seul site de cantonnement pour les Séléka
Depuis lundi, les deux principaux camps de cantonnement à Bangui d'ex-rebelles Séléka - qui avaient pris le pouvoir en mars 2013 - ont été évacués, et les combattants regroupés au camp "RDOT", situé à la sortie nord de la ville.
Ces deux camps étaient situés à des endroits stratégiques: le camp De Roux aux abords immédiats du palais présidentiel et le camp Kasaï non loin de la résidence de Mme Samba Panza, élue après la démission contrainte le 10 janvier de Michel Djotodia, le chef de la Séléka.
"Aujourd'hui, le seul site de cantonnement des ex-Séléka c'est le RDOT", a expliqué à Bangui le lieutenant-colonel français Thierry Mollard. "Il y a plein de raisons de n'avoir qu'un seul site, pour organiser la sécurité, le ravitaillement". "Et les enregistrer pour amorcer le processus de DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion)", poursuit-il.
Du seul camp Kasaï, environ 400 combattants ont été transférés mardi, munis d'armes légères, sous les cris de joie et les insultes des riverains chrétiens, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Depuis dimanche, d'autres combattants ont quitté Bangui en direction du nord du pays, dont des généraux, selon des témoignages d'habitants et Peter Bouckaert, directeur des urgences de l'ONG Human Rights Watch.
Environ 200 d'entre eux sont arrivés au Tchad par la route, a annoncé mardi N'Djamena.
Au camp RDOT, ils étaient "un peu moins d'un millier" mardi soir, a déclaré à l'AFP le porte-parole de l'état-major, le colonel Gilles Jaron.
"Effritement" du commandement des Séléka
"Ce que l'on pressent, c'est que les ex-Séléka ont vu qu'il y avait un effritement de leur structure de commandement", poursuit-il. "Ce que l'on ne veut pas, c'est qu'ils se répandent en ville et qu'ils puissent menacer la population, quelle qu'elle soit, chrétienne ou musulmane. On contrôle l'affaire".
De fait, l'évacuation des deux camps par les Séléka fragilise encore plus le rapport de force dans Bangui entre chrétiens, déjà majoritaires, et musulmans, harcelés par les milices anti-balaka.
Ce cantonnement ne va pas sans problèmes. Ainsi, selon le lieutenant-colonel Mollard, des hommes de Sangaris ont été "pris à partie" mardi matin par des individus armés non identifiés et "ont dû riposter" aux abords du camp RDOT.
Des habitants expliquent que des Séléka, sortis se ravitailler, ont d'abord été attaqués par des anti-balaka, avant l'intervention des Français.
Avec le soutien mais aussi sous la pression de la communauté internationale, une nouvelle équipe dirigeante s'est très rapidement mise en place après la démission de M. Djotodia. Le nouveau gouvernement a été formé lundi, une semaine après l'élection de Mme Samba Panza, avec l'entrée au gouvernement de trois Séléka.
La présidente et le Premier ministre ont fait du retour à la paix leur première priorité.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a également rappelé que des élections présidentielle et législatives devront être organisées "au plus tard en février 2015 et de préférence au second semestre 2014", comme le souhaite Paris.