Héritière de la force africaine Misca qui a tenté d’enrayer les violences en Centrafrique depuis décembre 2013, la Minusca vise aussi à en dépasser les limites : le doublement des effectifs doit permettre une meilleure couverture du territoire. Le cadre onusien doit permettre à cette mission de disposer des moyens de transport et de communication qui ont fait cruellement défaut aux soldats de la paix africains.
« Les premiers jours du déploiement, nous n’avions pas ne serait-ce que les quelques équipements élémentaires de protection des hommes. Nous avions des gilets pare-balles qui manquaient, nous avions certains contingents qui n’avaient même pas de casque », se souvient le général Jean-Marie Mokoko, chef de la Misca. « Je pense que du point de vue des capacités, les Nations unies ont des moyens sans commune mesure avec ce que l’Union africaine pourrait mettre en jeu. Ils vont avoir des effectifs multipliés par deux, une composante aérienne, une flotte de transport, une flotte d’hélicoptères. C’est un avantage extraordinaire », souligne le général Mokoko.
12 000 hommes à terme
Pour l'essentiel, ce sont tout d'abord les bataillons de la Misca qui vont passer sous béret bleu. Selon nos informations, seule la Guinée équatoriale pourrait quitter la Centrafrique. Mais dans le même temps, de nouveaux contributeurs de forces ont commencé à arriver. Dès le 24 août, près d'un millier de casques bleus venus du Bangladesh ont posé le pied à Bangui. Des Pakistanais doivent suivre.
La Minusca est censée se déployer dans un premier temps à Bangui, mais aussi dans trois « postes de commandement de secteur » : à Bria, dans l’est, Kaga Bandoro, au nord, et Bouar, à l’ouest. Elle doit, au fur et à mesure de l’arrivée des troupes, étendre sa présence à 45 sites en République centrafricaine.
Il faudra cependant plusieurs mois pour déployer la totalité de la force onusienne, qui comptera dans un premier temps 7 600 hommes, puis, à terme, 10 000 militaires et près de 2 000 policiers. Son premier mandat court jusqu'au 30 avril 2015. Les casques bleus auront trois missions : la protection des civils tout d’abord, mais également l’appui au processus politique qui doit conduire à un dialogue et à des élections, et enfin le rétablissement de l’autorité de l’État.
« L’une des choses que le Conseil de sécurité a données à la Minusca, ce sont des mesures d’urgence temporaires qui permettront d’arrêter un certain nombre de suspects, les détenir, et de participer à la lutte contre l’impunité en jugeant ces personnes », indique par ailleurs Hervé Lecoq, directeur Afrique de l’ONU.
Quid de Sangaris ?
Sangaris, elle, reste là en tant que force de transition. Aucune date n'est annoncée officiellement pour un allègement ou un retrait. « Nous ne sommes pas dans une course contre la montre. Maintenant, la logique est bien celle d’un retrait. Il sera lié à la montée en puissance de la Minusca. Il n’y a pas de date aujourd’hui. Ce n’est pas ça qui nous lie. Ce qui nous lie, c’est l’efficacité sur le terrain », insiste le colonel Gilles Jarron, le porte-parole de l'état-major des armées à Paris. Une fois la « soudure » effectuée, la force Sangaris devrait se contracter pour prendre la forme d'une QRF, une force de réaction rapide, à même d'intervenir au cas où les casques bleus se retrouveraient en difficulté.
Il aura fallu plus d’un an pour voir se concrétiser cette mission de casques bleus en Centrafrique, nous rappelle notre correspondant à New York, Karim Lebhour. C’est d’abord l’UA qui a été très réticente à passer la main. Les pays africains voulaient régler cette crise par eux-mêmes, avant de réaliser, nous l’avons vu, que la Misca disposait de trop peu de moyens.
Le Conseil de sécurité lui aussi a fait de la résistance, hésitant à créer une mission de plus en Afrique. La Grande-Bretagne et les États-Unis en redoutaient le coût. La France et le secrétaire général Ban Ki-moon ont finalement trouvé une oreille attentive chez la nouvelle ambassadrice américaine à l’ONU Samantha Power qui a même fait le déplacement à Bangui.