Chronique: And Jouer



Le déficit de crédibilité dont fait l’objet l’activité politique est souvent imputé, à raison d’ailleurs, au président de la République. Sa posture de premier gouvernant en charge de la conduite des affaires publiques rend prédominants les actes qu’il pose. Mais ses opposants ne sont pas exempts de reproches et lui facilitent également la tâche dans leurs comportements.

Le dernier congrès de And Jëf organisé par Landing Savané et ses camarades en est un exemple patent. Il renforce la mauvaise image de ce qu’est malheureusement la politique sous nos cieux et ailleurs du reste. Trois décisions majeures en sont sorties : confirmation de l’ «exclusion» de Mamadou Diop Decroix, annulation de l’exclusion des membres de Yoonou Askanwi dirigé par Madièye Mbodj et adhésion à la coalition Benno Siggil Sénégal.

Trois mesures qui se résument à une radicalité sur le tard vis-à-vis de Wade, qui est devenu un « danger » dont il faut débarrasser le Sénégal, selon Landing et ses amis de AJ. Mieux vaut tard que jamais, diront ses partisans et nouveaux alliés. Mais un bref rappel des faits peut accroître le scepticisme quant à la crédibilité de cette nouvelle posture.

Il y a environ deux ans, Madièye Mbodji et ses partisans de Yoonou Askanwi défendaient corps et âme une certaine cohérence de leur parti envers Wade et sa gestion en refusant la capitulation et la soumission. Ils ont été sévèrement réprimés et chassés d’AJ comme des malpropres sans autre forme de procès. La démocratie interne pouvait attendre. Ses lueurs s’étaient fanées en leurres.

En 2007, le candidat à la présidence de la République Landing Savané, après 7 ans de compagnonnage avec Wade, disait selon des termes rapportés par la presse qu’on pouvait être avec des voleurs sans être un voleur. Malgré ce jugement sans concession, il est revenu réoccuper « sa » place dans l’alternance avant d’en être éjecté de nouveau.

AJ, hébergé le week-end dernier par le Ps, était connu pour sa constance et son opposition à tout entrisme compromettant pendant le régime socialiste. Il a, semble-t-il, perdu son identité après l’Alternance. Aujourd’hui, l’histoire donne raison à Madièye et compagnie qui ont compris à un moment qu’il fallait retourner aux sources qui faisaient d’AJ un parti qui compte malgré sa représentativité électorale moyenne. Leurs contradicteurs (Landing et Decroix) sont en pleine contradiction pour cet entêtement injustifié.

Ce jeu de yoyo politique ne peut que dérouter voire fourvoyer ceux qui le suivent. En fait, la politique est considérée comme un jeu, voire un jouet. Les positions changent au gré du vent. Le brillant journaliste politique, Mame Less Camara disait à peu près ceci : « en algèbre, quand on change de terme, on change de signe ; en politique aussi, les acteurs changent de discours en changeant de position (pouvoir- opposition). Belle analyse politico-mathématique !

Certes, nous ne prônons pas une rigidité dans les postures et opinions, la réalité et le contexte changent, mais ils n’autorisent pas tous les retournements de veste. Un zeste de rigueur n’y gâcherait rien.

Un Sénégal nouveau, c’est possible mais ne soyons pas dupes en pensant que le départ de Wade en est la seule condition. C’est l’erreur commise sous Diouf. Na dem : qu’il parte ! Nous devons davantage investir dans les infrastructures invisibles que sont l’éducation, les valeurs qu’on a tendance à assimiler à du détail alors qu’elles surdéterminent nos rapports avec les ressources et les urgences. La culture politique doit donc évoluer vers l’éthique et la responsabilité pour se substituer au seul intérêt immédiat, personnel, clanique et partisan qui domine présentement. Un appel à la citoyenneté vive. Du sommet à la base ! Un énorme chantier qui mérite tous les sacrifices !

Abdoulaye SYLLA

Mardi 22 Décembre 2009 12:42


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