Chronique: Le marathon vers le Palais



La classe politique sénégalaise aime bien s’époumoner au sujet du processus électoral. Les périodes préélectorales sont souvent pour ne pas dire toujours marquées par des crises de spasmes autour de l’organisation du scrutin. La prochaine présidentielle ne déroge pas à la regrettable règle. Nous sommes encore partis pour un marathon pré et post électoral douloureux pour nos consciences citoyennes. La rencontre convoquée ce mardi par le ministère de l’intérieur sur la revue du code électoral en est l’avant-goût. Une pomme de discorde entre l’opposition qui exige une évaluation commune et la majorité présidentielle qu n’en voit pas l’intérêt. Et ce débat qui fait déployer une débauche d’énergies inestimables occulte d’autres plus essentiels dans la conduite et le contrôle des affaires publiques.

C’est comme si des candidats à une compétition sportive- disons par exemple la Coupe du monde de football- s’amusaient à discutailler plus sur les règles du jeu que sur les moyens de se qualifier et de produire un jeu susceptible de leur faire gagner le trophée. Plus sérieusement, les populations attendent davantage les présidentiables et leurs écuries sur leurs programmes, leurs projets de société pour sortir le pays du sous-développement chronique, du chômage, de la pauvreté…dans le contexte de crise généralisée. La classe politique paraît, à ce niveau en retard et en net décalage par rapport aux enjeux cruciaux de leurs concitoyens fatigués.

Les élections du 22 mars dernier ont été suffisamment pédagogiques pour tous les apprentis démocrates. Les citoyens ont exprimé leurs sentiments par rapport à la gestion des sortants en lançant un avertissement aux nouveaux et aux revenants. La coalition Benno Siggil Sénégal a remporté de nombreuses localités face à la coalition Sopi Cela a été possible grâce au code électoral décrié par cette même opposition. Ce qui fonde l’idée que la mère des batailles ne réside pas dans le fichier et les activités connexes du processus électoral mais ailleurs, comme nous l’avons dit plus haut. Certes, des risques de fraude existeront toujours mais ils ne doivent pas cristalliser l’essentiel au risque de faire perdre de vue l’essentiel : le bilan des sortants et l’alternative des contestataires. Au peuple de trancher.

La démission forcée du président de la CENA (Commission électorale nationale autonome) entre aussi dans le cadre de cette méprise sur la maturité citoyenne au Sénégal. Penser un seul instant qu’obtenir la tête de M. Moustapha Touré, accusé à tort d’être contre le pouvoir, peut changer la donne relève d’un simplisme manifeste. Le président de la CENA auquel nous tirons notre chapeau a surpris le président de la République et l’opposition par son indépendance et son intégrité. Lors de sa nomination, les opposants ruaient dans les brancards en lui reprochant l’appartenance de son épouse au Pds. Sa démarche autonome à l’image de l’institution qu’il dirigeait a démontré tout son caractère républicain. L’épreuve de Ndoulo et Ndindi en a été la meilleure illustration. Son credo rappelé dans la lettre-réponse à Wade déborde de hauteur. Il se tient sur ce trépied : ne jamais mentir, ne jamais tricher et ne jamais violer [sa] conscience. Tout le monde peut-il en dire autant ? Allez savoir !

En le chassant de la CENA, on donne l’impression de briser un miroir qui ne renvoie que l’image de la personne qui se tient devant lui. La capacité des miroirs ne dépasse pas ce stade. Pour la beauté et la toilette, c’est une autre affaire. Comme celle qui consiste à forcer le destin du peuple en lui imposant contre vents et marées des schémas de conservation ou de succession qu’il n’agrée pas. Le poste de Vice-Président de la République adopté au forceps entre visiblement dans cette « cuisine étrange du cordon-bleu Wade » que nous évoquions au mois d’octobre dernier. Il reste étonnamment vacant depuis plusieurs mois sans aucune explication. Le retour au bercail libéral d’Idrissa Seck, candidat au poste de 4ème Président, pourrait prochainement signer la fin de vacance de cette station de « second n°1 » et lui faire jouer son véritable rôle de transition en douceur, à l’antipode des motivations féministes préalablement invoquées. Wait and see !

Abdoulaye SYLLA
syllaye@gmail.com

Abdoulaye Sylla

Mercredi 2 Décembre 2009 01:01


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