Chronique de DIASECK: Misère de l’écriture



Du fait de l’extrême diversité et de l`infinité des défis qu’ils sont censés relever, certains combats sont perdus d’avance. Il en est ainsi de celui que nous avons entamé en vue de l`éradication totale et définitive des fautes dans les écrits des journalistes. Nous menons cette lutte en sachant que, dans l`absolu, elle n`aboutira point. Nous nous y lançons tout de même en ayant en vue que chaque erreur débusquée et rectifiée est un pas vers la perfection. Ce pas effectué constitue sûrement un moment de joie pour quiconque est un tant soit peu soucieux du progrès de la presse dans le pays de SENGHOR et de Bachir DIAGNE, mais aussi de Cherif Evalide SEYE et de Moussa PAYE.

Poursuivons donc notre chasse aux fautes, ces véritables entraves à une saine et instructive lecture des journaux et ouvrons la page 2 du Quotidien du mercredi 21 juin 2012.

1) Comparer le comparable

Dans billet (dont je douterais volontiers de la dignité théorique) intitulé ``Froid comme un Etat``, Monsieur (ou madame ? J`opte pour Monsieur !) Sucré –Salé, parlant du caractère impersonnel de l`Etat, a écrit ceci : «Et surtout que l`Etat est impersonnel et aussi froid qu’un cadavre dans un tiroir d’une morgue». Outre l`insuffisance syntaxique de cette phrase (une phrase ne commence pas par des expressions du genre `` Et surtout``), il convient de noter une insuffisance sémantique liée à la comparaison à laquelle notre ami Tout- Sucre - Tout - Sel se hasarde entre la froideur de l’Etat et celle d’un cadavre congelé. Comparaison d’autant plus malheureuse que, si la froideur d’un cadavre (qui plus est se trouve enfermé dans un congélateur !) renvoie à la fixité éternelle et, par conséquent, à l`incapacité définitive d’agir, la froideur de l’Etat, elle, signifie plutôt capacité de mensonge et de mouvement. Il s’agit ici d’un mensonge et d’un mouvement faits d`insensibilité et qui, dans leur sillage, portent l’Etat à tromper et à écraser l’individu sans état d’âme aucun. C’est le philosophe Nietzsche, suivi en cela par les anarchistes, qui a vulgarisé la conception de l’Etat - monstre – froid : «L'Etat, c'est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : «Moi l'Etat, je suis le peuple» (CF. Ainsi parlait Zarathoustra).

La froideur cadavérique se situant aux antipodes de la froideur étatique, Monsieur Sucre et Sel aurait mieux fait de trouver une comparaison plus heureuse pour parvenir à son objectif qui était simplement de montrer que les mêmes forces de l’ordre utilisées, il n’y a guère par l’ancien Ministre d’Etat Ousmane NGOM, pour réprimer les manifestations contre le régime de WADE, se sont aujourd’hui retournées contre lui.

2) La ponctuation tue

Sans prétention aucune, je voudrais également conseiller à notre ami d’entrecouper ses idées de pauses, ou, plus simplement de mettre un point à la fin de l`exposé d’une idée et ensuite de commencer une nouvelle phrase. Cela repose le lecteur et rend le discours plus comestible. C’est parce qu’il n’a pas fait sienne cette préoccupation que notre cher Monsieur Sucré – Salé s’est lancé dans des phrases kilométriques (10 lignes !) qui ont rendu encore plus nébuleux son billet. La ponctuation constitue d’ailleurs l’un des plus grands problèmes rencontrés par nos journalistes dans leur exercice d’écriture. Ceux qui la négligent gagneraient à savoir qu’une erreur de ponctuation peut être mortelle ! J`ai encore en mémoire l’histoire de ce Roi de France qui, souhaitant au dernier moment épargner un prisonnier sur le point d’être décapité, donna l’ordre à son coursier de se rendre de toute urgence auprès du bourreau afin de lui remettre un papier sur lequel il avait, à la hâte et sans souci de la ponctuation, écrit l`ordre suivant : «tuez pas gracié !» Chemin faisant, le coursier, qui détestait le prisonnier et voulait sa mort, lut l’ordre du Roi. Il sortit alors sa plume et son encre et, d’une simple ponctuation, scella définitivement le sort de ce dernier. Car, voici le texte que le bourreau, impatient d’accomplir sa basse œuvre put lire : «tuez ! pas gracié !»

A bon entendeur, salut !

La suite prochainement.

Charles Thialice SENGHOR

Vendredi 22 Juin 2012 11:31


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