Celui qui s’entêtait à rester encore au pouvoir jusqu’en 2022, année de la fin de son second mandat, nonobstant les marches itératives et les appels à la démission de l’opposition malienne réunie sous la bannière du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques du Mali (M5-RFP), a été contraint, fusil sur la tempe, d’accepter ce qu’il refusait naguère. Ce coup d’Etat n’a été que la résultante d’une crise multiforme qui secoue le Mali depuis le magistère d’Amadou Toumani Touré et même bien avant. En 2012, le capitaine Amadou Haya Sanogo du camp Soundiata Keita de Kati et quelques autres sous-officiers ont arraché le pouvoir des mains du tombeur de Moussa Traoré en 1991.
Cela faisait suite à la visite effectuée le 21 mars 2012 par le ministre de la Défense de l’époque, Sadio Gassama, et le chef d’état-major Gabriel Poudiougou au camp militaire de Kati pour discuter sur la situation du Nord-Mali occupé par les rebelles du MNLA et d’Ansar Dine. Ulcérés par le dénuement de l’armée restée impuissante face à l’invasion rebelle, Sanogo et un quarteron de sous-officiers prennent à partie le ministre de la Défense et le chef d’état-major avant de s’emparer d’automitrailleuses pour se diriger vers Bamako avant d’attaquer la présidence de la République occupée par Toumani Touré. Après la transition assurée par Diocounda Traoré, Ibrahima Boubacar Keïta est élu pour la première fois le 15 août 2013 président de la République. Il avait promis de ramener la paix et la fierté. Mais la suite a montré que l’insécurité gagnait de plus en plus le Mali et les services publics étaient de moins en moins assurés : l’électricité, l’eau, la santé et l’éducation fonctionnaient de moins en moins bien. A cela s’ajoutaient la mal-gouvernance politique et économique, la corruption et les violences intercommunautaires.
Malgré ce bilan, pourtant, le 20 août 2018, il était réélu au grand désespoir d’une grande partie des Maliens. Cette victoire présidentielle contestée par les opposants a pourtant été saluée par la Cedeao et la France avant que la Cour constitutionnelle ne la validât. Ce qui a soulevé l’ire de l’opposition malienne qui flétrit une ingérence dans les affaires maliano-maliennes. Mais c’est surtout les élections législatives de mars dernier qui ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le 26 mars, le chef de l’opposition et leader de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), Soumaïla Cissé, est enlevé en pleine campagne pour les législatives. Le second tour de ce scrutin, le 19 avril s’est déroulé dans une grande insécurité marquée par des enlèvements d’agents préposés aux élections, des pillages de bureaux de vote et l’explosion d’une mine ayant fait neuf morts.
Mais le point d’orgue de la situation au politique au Mali, c’est lorsque, le 30 avril, la Cour constitutionnelle inverse une trentaine de résultats, dont une dizaine au profit du parti du président. Plusieurs de ces députés sont réputés être proches du fils d’IBK, Karim Keïta, président de la Commission Défense et sécurité de l’Assemblée nationale poste dont il n’a démissionné qu’à la suite des manifestations sanglantes du mois dernier. C’est ainsi que 31 candidats rejettent les résultats des législatives. Des candidats sont déclarés vainqueurs puis recalés par la Cour Constitutionnelle. C’est le début de la contestation populaire. Et le 30 mai, l’influent imam Mahmoud Dicko, des partis d’opposition et un mouvement de la société civile nouent une alliance inédite qui appelle à manifester pour réclamer la démission du Président. Leurs revendications dénoncent l’impuissance du pouvoir face à l’insécurité, le désastre économique, l’organisation catastrophique des législatives et la décision arbitraire de la Cour constitutionnelle d’inverser certains résultats en faveur de proches du fils d’IBK.
Le 5 juin, les Maliens descendent par milliers dans la rue pour contester les résultats et réclamer la démission du Président malien. On assiste à la naissance du M5-RFP dont la figure charismatique est l’imam Dicko. Le Premier ministre Boubou Cissé, reconduit le 12 juin, est chargé de former un nouveau gouvernement en ouvrant la porte aux opposants pour mettre sur pied un gouvernement d’union nationale. Mais le M5-RFP dit niet et exige le départ d’IBK Ainsi le 19 juin des milliers de Bamakois battent de nouveau le macadam et réclament le départ du Président. La Cedeao intervient et propose un gouvernement d’union nationale pour faire baisser la tension population. IBK, acculé, se propose de nommer au Sénat les recalés de la Cour constitutionnelle. Mais c’était compter sans la détermination des dirigeants du M5 qui restent inflexibles sur leur position.
Le 10 juillet, une manifestation de « désobéissance civile » dégénère : le Parlement et la télévision nationale sont attaqués. S’en suivent trois jours de troubles civils, les plus graves qu’ait connus Bamako depuis 2012, faisant 23 morts et plus de 150 blessés selon l’opposition. Le Premier ministre évoque onze morts et l’ONU 14 manifestants tués. Le 12 juillet, le président malien annonce la dissolution de fait de la Cour constitutionnelle dont les membres sont remplacés par d’autres, histoire d’aider à trouver des solutions aux contentieux issus des élections législatives. Inquiets de cette situation, les dirigeants de la Cedeao appellent, le 27 juillet, les Maliens à l’union sacrée et prônent le maintien du président, un gouvernement d’union et des législatives partielles qui s’organiseront après la démission des 30 députés jugés illégalement élus. Le 29 juillet, la figure de proue du M-5, Imam Dicko, et les opposants, adeptes du « dégagisme », rejettent en bloc ces propositions et exigent encore le départ du Président.
Parallèlement, les 30 députés de la majorité ciblés refusent toute idée de démission. C’est la quadrature du cercle. Après la trêve décrétée à l’occasion de la Tabaski, la contestation reprend le 12 août et les populations Bamako exigent à nouveau le départ d’IBK malgré une dernière intervention de Goodluck Jonathan, l’ancien président du Nigeria et chef de la mission de médiation de la Cedeao.
La leçon de Bamako
Le 17 août, les opposants annoncent une manifestation qui prendra place dans un lieu symbolique au cœur de Bamako. Comme pour mettre fin à cette chienlit, des officiers de Kati ont donc effectué un putsch ce mardi 18 et mus aux arrêts le Président et son Premier ministre. Ce que la raison n’a pas permis, la force l’a matérialisé. Et IBK se voit contraint de tirer sa révérence. Les hommes forts du coup d’Etat sont Cheikh Fanta Mady Dembélé, Saint-Cyrien, le colonel-major chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, Ismaël Wagué, le colonel Malick Diaw, chef de la 3e division militaire de Kati, et Sadio Camara, ancien directeur du prytanée militaire de Kati.
Dans une déclaration retransmise par l’ORTM, la télévision publique malienne, le porte-parole des militaires, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, a assuré aux populations maliennes et à la communauté internationale que l’intention des putschistes n’est point de garder le pouvoir mais d’organiser des élections générales dans des délais raisonnables pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes. Comparés aux putschistes de 2012, qui avaient pris le pouvoir de façon fortuite, les tombeurs d’IBK sont tous des officiers qui ont pris le temps de bien étudier la situation délétère au Mali.
Si le mouvement de 2012 avait été flétri par l’opposition, surtout par Soumaïla Cissé qui exigeait le rétablissement de la légalité constitutionnelle, et rejetée par une partie du peuple, celui de 2020 est soutenu par ce peuple qui voit en ses militaires des libérateurs du joug d’IBK et de son clan. Après cette prise du pouvoir, il revient aux dirigeants de la Cedeao, donneurs de leçons démocratiques, de balayer devant leur propre porte. Car il est de notoriété publique que des présidents comme Alassane Ouattara, Alpha Condé et Macky Sall envisagent de briguer un 3e mandat contre les principes constitutionnels et la volonté de leur peuple. Et le cas malien risque de servir d’exemple à ces pays de la Cedeao dont les Présidents veulent rallonger leur vie présidentielle au mépris de leur Charte fondamentale et de la volonté populaire.
Par Serigne Saliou Gueye, Le Témoin
Cela faisait suite à la visite effectuée le 21 mars 2012 par le ministre de la Défense de l’époque, Sadio Gassama, et le chef d’état-major Gabriel Poudiougou au camp militaire de Kati pour discuter sur la situation du Nord-Mali occupé par les rebelles du MNLA et d’Ansar Dine. Ulcérés par le dénuement de l’armée restée impuissante face à l’invasion rebelle, Sanogo et un quarteron de sous-officiers prennent à partie le ministre de la Défense et le chef d’état-major avant de s’emparer d’automitrailleuses pour se diriger vers Bamako avant d’attaquer la présidence de la République occupée par Toumani Touré. Après la transition assurée par Diocounda Traoré, Ibrahima Boubacar Keïta est élu pour la première fois le 15 août 2013 président de la République. Il avait promis de ramener la paix et la fierté. Mais la suite a montré que l’insécurité gagnait de plus en plus le Mali et les services publics étaient de moins en moins assurés : l’électricité, l’eau, la santé et l’éducation fonctionnaient de moins en moins bien. A cela s’ajoutaient la mal-gouvernance politique et économique, la corruption et les violences intercommunautaires.
Malgré ce bilan, pourtant, le 20 août 2018, il était réélu au grand désespoir d’une grande partie des Maliens. Cette victoire présidentielle contestée par les opposants a pourtant été saluée par la Cedeao et la France avant que la Cour constitutionnelle ne la validât. Ce qui a soulevé l’ire de l’opposition malienne qui flétrit une ingérence dans les affaires maliano-maliennes. Mais c’est surtout les élections législatives de mars dernier qui ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le 26 mars, le chef de l’opposition et leader de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), Soumaïla Cissé, est enlevé en pleine campagne pour les législatives. Le second tour de ce scrutin, le 19 avril s’est déroulé dans une grande insécurité marquée par des enlèvements d’agents préposés aux élections, des pillages de bureaux de vote et l’explosion d’une mine ayant fait neuf morts.
Mais le point d’orgue de la situation au politique au Mali, c’est lorsque, le 30 avril, la Cour constitutionnelle inverse une trentaine de résultats, dont une dizaine au profit du parti du président. Plusieurs de ces députés sont réputés être proches du fils d’IBK, Karim Keïta, président de la Commission Défense et sécurité de l’Assemblée nationale poste dont il n’a démissionné qu’à la suite des manifestations sanglantes du mois dernier. C’est ainsi que 31 candidats rejettent les résultats des législatives. Des candidats sont déclarés vainqueurs puis recalés par la Cour Constitutionnelle. C’est le début de la contestation populaire. Et le 30 mai, l’influent imam Mahmoud Dicko, des partis d’opposition et un mouvement de la société civile nouent une alliance inédite qui appelle à manifester pour réclamer la démission du Président. Leurs revendications dénoncent l’impuissance du pouvoir face à l’insécurité, le désastre économique, l’organisation catastrophique des législatives et la décision arbitraire de la Cour constitutionnelle d’inverser certains résultats en faveur de proches du fils d’IBK.
Le 5 juin, les Maliens descendent par milliers dans la rue pour contester les résultats et réclamer la démission du Président malien. On assiste à la naissance du M5-RFP dont la figure charismatique est l’imam Dicko. Le Premier ministre Boubou Cissé, reconduit le 12 juin, est chargé de former un nouveau gouvernement en ouvrant la porte aux opposants pour mettre sur pied un gouvernement d’union nationale. Mais le M5-RFP dit niet et exige le départ d’IBK Ainsi le 19 juin des milliers de Bamakois battent de nouveau le macadam et réclament le départ du Président. La Cedeao intervient et propose un gouvernement d’union nationale pour faire baisser la tension population. IBK, acculé, se propose de nommer au Sénat les recalés de la Cour constitutionnelle. Mais c’était compter sans la détermination des dirigeants du M5 qui restent inflexibles sur leur position.
Le 10 juillet, une manifestation de « désobéissance civile » dégénère : le Parlement et la télévision nationale sont attaqués. S’en suivent trois jours de troubles civils, les plus graves qu’ait connus Bamako depuis 2012, faisant 23 morts et plus de 150 blessés selon l’opposition. Le Premier ministre évoque onze morts et l’ONU 14 manifestants tués. Le 12 juillet, le président malien annonce la dissolution de fait de la Cour constitutionnelle dont les membres sont remplacés par d’autres, histoire d’aider à trouver des solutions aux contentieux issus des élections législatives. Inquiets de cette situation, les dirigeants de la Cedeao appellent, le 27 juillet, les Maliens à l’union sacrée et prônent le maintien du président, un gouvernement d’union et des législatives partielles qui s’organiseront après la démission des 30 députés jugés illégalement élus. Le 29 juillet, la figure de proue du M-5, Imam Dicko, et les opposants, adeptes du « dégagisme », rejettent en bloc ces propositions et exigent encore le départ du Président.
Parallèlement, les 30 députés de la majorité ciblés refusent toute idée de démission. C’est la quadrature du cercle. Après la trêve décrétée à l’occasion de la Tabaski, la contestation reprend le 12 août et les populations Bamako exigent à nouveau le départ d’IBK malgré une dernière intervention de Goodluck Jonathan, l’ancien président du Nigeria et chef de la mission de médiation de la Cedeao.
La leçon de Bamako
Le 17 août, les opposants annoncent une manifestation qui prendra place dans un lieu symbolique au cœur de Bamako. Comme pour mettre fin à cette chienlit, des officiers de Kati ont donc effectué un putsch ce mardi 18 et mus aux arrêts le Président et son Premier ministre. Ce que la raison n’a pas permis, la force l’a matérialisé. Et IBK se voit contraint de tirer sa révérence. Les hommes forts du coup d’Etat sont Cheikh Fanta Mady Dembélé, Saint-Cyrien, le colonel-major chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, Ismaël Wagué, le colonel Malick Diaw, chef de la 3e division militaire de Kati, et Sadio Camara, ancien directeur du prytanée militaire de Kati.
Dans une déclaration retransmise par l’ORTM, la télévision publique malienne, le porte-parole des militaires, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, a assuré aux populations maliennes et à la communauté internationale que l’intention des putschistes n’est point de garder le pouvoir mais d’organiser des élections générales dans des délais raisonnables pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes. Comparés aux putschistes de 2012, qui avaient pris le pouvoir de façon fortuite, les tombeurs d’IBK sont tous des officiers qui ont pris le temps de bien étudier la situation délétère au Mali.
Si le mouvement de 2012 avait été flétri par l’opposition, surtout par Soumaïla Cissé qui exigeait le rétablissement de la légalité constitutionnelle, et rejetée par une partie du peuple, celui de 2020 est soutenu par ce peuple qui voit en ses militaires des libérateurs du joug d’IBK et de son clan. Après cette prise du pouvoir, il revient aux dirigeants de la Cedeao, donneurs de leçons démocratiques, de balayer devant leur propre porte. Car il est de notoriété publique que des présidents comme Alassane Ouattara, Alpha Condé et Macky Sall envisagent de briguer un 3e mandat contre les principes constitutionnels et la volonté de leur peuple. Et le cas malien risque de servir d’exemple à ces pays de la Cedeao dont les Présidents veulent rallonger leur vie présidentielle au mépris de leur Charte fondamentale et de la volonté populaire.
Par Serigne Saliou Gueye, Le Témoin