"DÉGRADATION DE LA NOTE DU SENEGAL PAR MOODY'S UN MAL POUR UN BIEN" (Par l'économiste Magaye Gaye)



L’Agence Moody's a revu à la baisse ce 4 octobre, la note souveraine du Sénégal qu'elle a fait passer de Ba3 à B1.

Dans nos tribunes précédentes, nous soutenions déjà que l'exercice de transparence inédit des nouvelles autorités présentait le risque d'entraîner à court terme quelques convulsions passagères sur les marchés, mais qui seront vite rétablies par une analyse objective des perspectives du Sénégal. Cette dégradation de la note de notre pays par Moodys en est la première étape 

Cette correction que je qualifierai de mécanique et d'opportunité fait suite aux graves révélations portées par les nouvelles autorités sur la gestion du régime passé, qui a été mise à nu avec, semble-t-il, beaucoup de contre-vérités sur les chiffres. Cette dégradation de la note du Sénégal est dès lors une sanction différée des mauvaises politiques économiques du Sénégal que nous dénonçons depuis 2014

Quoi de plus normal qu'une agence de notation sérieuse, au courant de ces éléments préoccupants, dégrade la note d'un pays ?

Cela étant, la révision des notes est un exercice banal et classique. Sur les trente-deux pays africains notés par Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s, trente sont classés dans la catégorie spéculative, ce qui est le cas du Sénégal.. Seuls deux (Maurice et le Botswana) en échappent sur le Continent.

Il faut aussi rappeler que le vendredi 31 mai dernier, S&P avait dégradé la notation de la France de «AA» à «AA-». Cela n'a pas empêché ce pays de poursuivre sa cadence d'endettement.

Cette dégradation de la note du Sénégal, au-delà de son impact possible sur les taux d'intérêt du Sénégal, sanctionne une façon de faire camouflée depuis plus de deux décennies et sur laquelle, je persiste à dire que m le FMI n'a pas été vigilant. 

Aussi comment des agences de notation internationales, censées disposer d'outils pointus de gestion, n'avaient-elles pas pu  anticiper cette situation plus tôt ?

Ne devraient-elles pas réfléchir à des stratégies d'analyse et de diagnostic à mettre en œuvre afin d'être moins dépendantes des chiffres officiels fournis par le FMI? Nous assistons à un effet boomerang avec plusieurs niveaux de responsabilité aussi bien nationaux qu'internationaux

Cette dégradation de la note du Sénégal, intervenue avant l'avis définitif de la Cour des comptes et la clarification de la position officielle du FMI, donne assurément encore davantage de crédit aux déclarations des nouvelles autorités, à qui Moody's semble dire : vous avez eu raison de nous dire la vérité et nous ne doutons pas de la situation préoccupante dont vous avez hérité.

Lors de mon intervention dans l'émission "Le Point" sur la RTS le 19 septembre dernier, j'avais martelé que la dette du Sénégal n'était pas soutenable, en dépit des messages d'espoir (de complaisance?) distillés par le FMI, qui soulignent toujours un risque modéré de surendettement.

Par ailleurs, kes agences de notation fournissent certes un service précieux et important pour une bonne visibilité des marchés, mais faut-il rappeler que la précision de ces notations a été remise en question après la crise financière de 2008. 

Le Sénegal ne doit pas avoir de crainte lorsqu'on sait que tout fonds d'investissement, banque ou fonds spéculatif sérieux ne s'appuiera pas uniquement sur la notation d'une agence mais sur les atouts intrinsèques des économies concernés. Le pays dispose d'un statut international réel qu'aucun investisseur bilatéral ou multilatéral ne peux ignorer.  Les enjeux  dépassent le seul cadre strictement économique et comporte des relents diplomatico-géopolitiques.

Moody's s'est prononcée sur une situation transitoire où des autorités arrivées au pouvoir ont préféré tenir un langage de vérité, et ce, quoi que cela pourrait leur coûter et quel que soit l'impact sur l'économie du pays.

Une seule et unique question mérite d'être posée : fallait-il dire la vérité, oui ou non, à des partenaires qui nous ont fait confiance en nous prêtant de l'argent qu'ils collectent souvent auprès d'autres épargnants, ou fallait-il continuer ce jeu de dissimulation ?

La réponse est qu'il fallait tenir le langage de la vérité, et j'estime que l'attitude des gouvernants actuels a été responsable et est conforme aux fondements éthiques et religieux.

Le Coran, à la sourate 17, verset 81, nous enseigne : "Dis : La vérité est venue, et le faux a disparu. Car le faux est voué à disparaître."

Maintenant, le développement est une course de fond et non de vitesse. Il faut voir l'avenir avec sérénité.

Aujourd'hui, l'urgence est de penser aux perspectives et de situer les responsabilités, dans ce que j'appelle le "SÉNÉGAL BUDGETGATE" 

Notamment celle des partenaires financiers qui avaient un rôle important dans la surveillance multilatérale. C'est le sens du courrier que j'ai personnellement adressé récemment au Fonds Monétaire International et sur lequel je suis en droit d'attendre des éléments de réponse pertinents.

En ce qui concerne le Sénégal force est de constater les perspectives sont bonnes pour plusieurs raisons 

1  la stabilité et les atouts géopolitiques du Sénégal.

2. Une démocratie d'alternance dans laquelle le peuple joue un rôle de veille très important dans le jeu politique.

3 La découverte de gisements importants de pétrole et de gaz.

4. Le lancement du référentiel du projet en ce mois d'octobre, qui devrait enfin permettre aux partenaires du Sénégal d'avoir une bonne visibilité sur les politiques économiques à mettre en œuvre.

5 Enfin, le Sénégal a à sa tête une équipe qui s'inscrit résolument dans des valeurs de vérité et de bonne gouvernance, lesquelles sont chères aux partenaires financiers  soucieux de son développement.

Le gouvernement devrait aussi  au vu de ces perspectives avantageuses renforcer ses politiques de réformes.

Magaye GAYE 
Économiste International
Ancien Cadre de la BOAD et du FAGACE

TEL 00221772450758

Aminata Diouf

Dimanche 6 Octobre 2024 18:15


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