A Bambey, ville habituée à ce phénomène dérivant de la forte tombée de l’eau venant du ciel, les populations le lient à la qualité argileuse du sol et au mauvais assainissement. Dans cette partie du centre-ouest du pays, à Kaolack aussi comme dans les villes du sud à Kolda, Sédhiou… les raisons sont à trouver ailleurs que dans les fortes pluies qui tombent à chaque saison hivernale.
On connaissait le casse-tête chinois au chinois dans le film. Il y a maintenant un casse-tête bien sénégalais : la pluie et les inondations. Eternelle rengaine, l’imaginaire voudrait croire que les Dakarois n’aiment pas la pluie. Mais sont-ils assez dupes pour comprendre que sans la pluie, pas de riz, pas de mil, pas de manioc, encore moins de navet et des carottes dans le bol du déjeuner et du dîner ? Pas de mangue, encore moins d’oranges et de ces bananes que l’on aime bien consommer chaque fois que les poches ne sont pas trouées ? On n’aime pas la pluie. Une rengaine de nuls, à mon avis. Et quand on pense aux ravages de la dernière tempête Isaac sur une ville meurtrie comme Port aux Princes (Haïti) et qui menace aujourd’hui et demain, le Golfe du Mexique et la Floride, on peut en conclure que les pluies banales de 100 mm en cas d’exception, sont plutôt les bienvenues malgré le mal qu’elles peuvent causer. Les agriculteurs en vivent pour l’essentiel.
Les maraichers qui opèrent pendant la saison morte profitent aussi de ses effets en puisant sur les réserves de la nappe phréatique. L’économie sénégalaise, essentiellement basée sur l’agriculture, la pêche et l’élevage en est fortement dépendante.
La pluie est un mal nécessaire pour ne pas dire vital. Et au bord de l’Atlantique, certains pays ont eu le privilège d’avoir été bien situés sur les cartes.
Le Sénégal comme l’Afrique de l’Ouest ne connaissent ni typhon, ni ouragan encore moins des cyclones et tsunamis. Mais simplement, des pluies diluviennes que le mauvais assainissement de nos villes a le don d’aggraver et parfois d’exagérer. Les commentaires qui s’ensuivent sont malheureusement parfois mal venus parce que ne correspondant pas toujours à la réalité. Des mots comme catastrophe et cauchemar sont fréquemment utilisés, mais la faute à qui finalement ?
Pays pauvre, le Sénégal qu’on définissait - à tort, dans une forme étincelante d’émergence il n’y a guère - l’est assurément. Incapable de faire un assainissement correct dans les villes, c’est plutôt rêver que penser qu’un jour les inondations ne seront plus qu’un mauvais souvenir à Dakar, Thiès, Podor, Matam, Saint-Louis et encore. De 600 dollars par tête d’habitant au milieu des années 1990, pour faire un assainissement correct dans les pays en voie de développement, on devrait avoir aujourd’hui dépassé ce chiffre. Même si les études sorties de la réunion organisée à Dakar en mars 1995, sur la stratégie environnementale des villes africaines semblent aujourd’hui bien loin, la nature qui a horreur du vide semble nous renvoyer chaque fois à cette rengaine quasi éternelle de la pluie synonyme d’inondation ici au Sénégal.
L’explication est simple : nos villes sont incapables de faire une modernité durable. Quand, au mépris des sciences d’urbanisme, l’Etat, ses représentants, les élus et les citoyens optent pour des raccourcis politiciens et parfois mesquins pour « aménager », (le mot n’est même pas le bon pour la circonstance), une autoroute, une route, une piste, un marché, un projet d’immeubles pour des logements dans un quartier… Les discours ne suffisent plus pour cela. Il faut inventer autre chose. Mal le mal est que nous ne savons pas faire de la stratégie pour le futur. On pense pour le ventre, pour le présent et l’instantané.
Où est le génie urbain ?
Des débats sur les changements du climat aux inondations, tout semble avoir été dit ici et là au Sénégal. Mais, il n’y a pas encore d’esquisse de solution et d’adaptation. Pour dire que l’autre raison est encore à lier à l’assassinat du génie urbain sénégalais, depuis la mort programmée des écoles d’ingénierie comme Polytechnique et encore l’absence de grands laboratoires dans nos universités, d’ateliers de recherche sur la science des villes comme il en existe à l’Université de Paris I, Paris VIII Saint-Denis et nombre d’autres universités canadiennes et américaines. De quels moyens disposent aujourd’hui la Direction de l’Architecture et de l’Urbanisme, la Fondation Droit à la ville, et même le ministère de l’Habitat, de l’urbanisme, l’Office national d’Assainissement pour penser la prochaine ville sénégalaise ? La réponse est aussi simple pour un élève de sixième. De rien ou de peu de moyens.
Alors, au cauchemar des gens qui ont eu le mauvais reflexe d’aller s’installer sur des sites fragiles comme les abords des Niayes, les anciennes rivières du Cap vert, les terres boueuses et le poto-poto de Rufisque, il n’y a pas encore de solution. Ni aujourd’hui, ni demain. A beau crier, à beau pleurer, la solution n’existe pas. Ni les sacs de sable pour bloquer les eaux, ni les engins envoyés dans le cadre du Plan d’organisation des secours (Orsec) n’y pourront quelque chose. L’année prochaine, à pareille époque, les agriculteurs et les paysans qui le sont restés encore un peu partout dans la région de Dakar et ailleurs, souhaiteront qu’ils tombent autant de pluies. Pour le grand bonheur des campagnes sénégalaises.
On a beau crier, on aura beau continuer à mobiliser la presse en quête de sensation… Rien n’y fera. L’eau sera de retour sur son chemin. Pour vaincre les inondations - une rengaine éternelle à laquelle les Sénégalais sont désormais confrontés dans les grandes villes, si on peut les appeler ainsi - aucun assainissement sommaire ne pourra grand-chose. Et pour vaincre cette équation, le pays cherchera encore le ou les spécialistes.
Mame Aly Konté (Sud quotidien)
On connaissait le casse-tête chinois au chinois dans le film. Il y a maintenant un casse-tête bien sénégalais : la pluie et les inondations. Eternelle rengaine, l’imaginaire voudrait croire que les Dakarois n’aiment pas la pluie. Mais sont-ils assez dupes pour comprendre que sans la pluie, pas de riz, pas de mil, pas de manioc, encore moins de navet et des carottes dans le bol du déjeuner et du dîner ? Pas de mangue, encore moins d’oranges et de ces bananes que l’on aime bien consommer chaque fois que les poches ne sont pas trouées ? On n’aime pas la pluie. Une rengaine de nuls, à mon avis. Et quand on pense aux ravages de la dernière tempête Isaac sur une ville meurtrie comme Port aux Princes (Haïti) et qui menace aujourd’hui et demain, le Golfe du Mexique et la Floride, on peut en conclure que les pluies banales de 100 mm en cas d’exception, sont plutôt les bienvenues malgré le mal qu’elles peuvent causer. Les agriculteurs en vivent pour l’essentiel.
Les maraichers qui opèrent pendant la saison morte profitent aussi de ses effets en puisant sur les réserves de la nappe phréatique. L’économie sénégalaise, essentiellement basée sur l’agriculture, la pêche et l’élevage en est fortement dépendante.
La pluie est un mal nécessaire pour ne pas dire vital. Et au bord de l’Atlantique, certains pays ont eu le privilège d’avoir été bien situés sur les cartes.
Le Sénégal comme l’Afrique de l’Ouest ne connaissent ni typhon, ni ouragan encore moins des cyclones et tsunamis. Mais simplement, des pluies diluviennes que le mauvais assainissement de nos villes a le don d’aggraver et parfois d’exagérer. Les commentaires qui s’ensuivent sont malheureusement parfois mal venus parce que ne correspondant pas toujours à la réalité. Des mots comme catastrophe et cauchemar sont fréquemment utilisés, mais la faute à qui finalement ?
Pays pauvre, le Sénégal qu’on définissait - à tort, dans une forme étincelante d’émergence il n’y a guère - l’est assurément. Incapable de faire un assainissement correct dans les villes, c’est plutôt rêver que penser qu’un jour les inondations ne seront plus qu’un mauvais souvenir à Dakar, Thiès, Podor, Matam, Saint-Louis et encore. De 600 dollars par tête d’habitant au milieu des années 1990, pour faire un assainissement correct dans les pays en voie de développement, on devrait avoir aujourd’hui dépassé ce chiffre. Même si les études sorties de la réunion organisée à Dakar en mars 1995, sur la stratégie environnementale des villes africaines semblent aujourd’hui bien loin, la nature qui a horreur du vide semble nous renvoyer chaque fois à cette rengaine quasi éternelle de la pluie synonyme d’inondation ici au Sénégal.
L’explication est simple : nos villes sont incapables de faire une modernité durable. Quand, au mépris des sciences d’urbanisme, l’Etat, ses représentants, les élus et les citoyens optent pour des raccourcis politiciens et parfois mesquins pour « aménager », (le mot n’est même pas le bon pour la circonstance), une autoroute, une route, une piste, un marché, un projet d’immeubles pour des logements dans un quartier… Les discours ne suffisent plus pour cela. Il faut inventer autre chose. Mal le mal est que nous ne savons pas faire de la stratégie pour le futur. On pense pour le ventre, pour le présent et l’instantané.
Où est le génie urbain ?
Des débats sur les changements du climat aux inondations, tout semble avoir été dit ici et là au Sénégal. Mais, il n’y a pas encore d’esquisse de solution et d’adaptation. Pour dire que l’autre raison est encore à lier à l’assassinat du génie urbain sénégalais, depuis la mort programmée des écoles d’ingénierie comme Polytechnique et encore l’absence de grands laboratoires dans nos universités, d’ateliers de recherche sur la science des villes comme il en existe à l’Université de Paris I, Paris VIII Saint-Denis et nombre d’autres universités canadiennes et américaines. De quels moyens disposent aujourd’hui la Direction de l’Architecture et de l’Urbanisme, la Fondation Droit à la ville, et même le ministère de l’Habitat, de l’urbanisme, l’Office national d’Assainissement pour penser la prochaine ville sénégalaise ? La réponse est aussi simple pour un élève de sixième. De rien ou de peu de moyens.
Alors, au cauchemar des gens qui ont eu le mauvais reflexe d’aller s’installer sur des sites fragiles comme les abords des Niayes, les anciennes rivières du Cap vert, les terres boueuses et le poto-poto de Rufisque, il n’y a pas encore de solution. Ni aujourd’hui, ni demain. A beau crier, à beau pleurer, la solution n’existe pas. Ni les sacs de sable pour bloquer les eaux, ni les engins envoyés dans le cadre du Plan d’organisation des secours (Orsec) n’y pourront quelque chose. L’année prochaine, à pareille époque, les agriculteurs et les paysans qui le sont restés encore un peu partout dans la région de Dakar et ailleurs, souhaiteront qu’ils tombent autant de pluies. Pour le grand bonheur des campagnes sénégalaises.
On a beau crier, on aura beau continuer à mobiliser la presse en quête de sensation… Rien n’y fera. L’eau sera de retour sur son chemin. Pour vaincre les inondations - une rengaine éternelle à laquelle les Sénégalais sont désormais confrontés dans les grandes villes, si on peut les appeler ainsi - aucun assainissement sommaire ne pourra grand-chose. Et pour vaincre cette équation, le pays cherchera encore le ou les spécialistes.
Mame Aly Konté (Sud quotidien)