Je voudrais dès l’abord, et sitôt après vous avoir témoigné mon profond respect et ma haute considération, pour chacun et chacune d’entre vous, vous remercier d’avoir bien voulu mobiliser votre temps et toutes vos énergies pour entreprendre la réforme de notre Charte fondamentale. Une entreprise devenue nécessaire pour répondre aux aspirations profondes du Peuple sénégalais en ce début de troisième millénaire.
Cela dit je voudrais, très humblement, vous faire part de certaines propositions relatives au préambule, qui me sembleraient correspondre plus exactement avec la réalité vécue de notre Nation.
Je propose que la première phrase du Préambule soit formulée comme suit :
« Nous, Peuple du Sénégal, affirmons solennellement notre attachement à ce qui suit :
Le Peuple du Sénégal est un peuple de croyants où cohabitent harmonieusement, et en majorité, musulmans et catholiques. La liberté de culte est garantie pour tous les citoyens et celle des minorités confessionnelles autres est protégée. »
Je propose, en conséquence, la suppression du mot « laïcité » de notre constitution. Le Sénégal est un pays de croyants. Cela est la réalité. Il faut en tirer toutes les conséquences et bâtir notre nation sur ce socle fondateur. Le mot « laïcité », intraduisible dans nos langues maternelles, me semble bien étranger à nos réalités et serait en contradiction avec le dernier mot de notre devise : « Un Peuple- Un but-Une Foi ».
Serions-nous plus frileux que les Etats-Unis d’Amérique dont la devise est : « In God We Trust » « En Dieu nous croyons » ? Ressemblons à ce que nous sommes!
Sous ce rapport, la phrase : « la langue officielle de la République du Sénégal est le Français » ne vous gêne t-elle pas ? Cinquante quatre ans après l’indépendance ? A défaut d’avoir fourni les efforts nécessaires pour codifier nos langues maternelles et les porter à la modernité, pour rendre la science et les techniques accessibles au plus grand nombre, donnons un signal fort dans notre constitution en ramenant le français à sa place de langue d’usage dans l’administration et de langue de communication internationale à l’instar de l’Anglais et de l’allemand, du Mandarin et de l’arabe. Rien ne justifie plus la spécification du Français dans notre Charte fondamentale qui engage plus de 70% de nos compatriotes qui ne parlent ni ne lisent dans cette langue.
A contrario, la promotion de nos langues maternelles, je préfère ce mot à « nationales », devrait-être érigée en priorité constitutionnelle. Nos langues maternelles conservent et perpétuent notre patrimoine culturel et nos valeurs de civilisation. Elles sont essentielles à la survie de notre identité. Ne les laissons pas à la merci de lois qui pourraient ne jamais être prises ou alors jamais appliquées.
J’aurais, bien d’autres propositions et observations, sur le fond. Mais je sais combien de sollicitations et interpellations de ce genre vont vous parvenir dans les jours et les mois à venir. Celles-là me tiennent tout particulièrement à cœur en ce qu’elles contribueraient à décoloniser notre Constitution. Ce qui aurait dû être le chantier prioritaire aux premières heures de l’indépendance. Les sources d’inspiration ne manquaient pas, pourtant, qui auraient pu servir de levain à la restauration de nos valeurs propres dans notre architecture constitutionnelle et juridique, socle de l’unité de la Nation.Vous avez l’opportunité de faire des propositions hardies dans ce sens. L’Histoire vous en saura gré !
Avec mes sentiments de profond respect, je vous prie de croire à l’assurance de ma très haute considération.