En communication, ces éléments sont capitaux pour la compréhension du discours, puisqu’ils en constituent le cadre. Ce dernier occupe une place importante dans l’exercice discursif, puisqu’il détermine fondamentalement, dans nombre de cas, l’issue du discours. Comme si l’orateur livrait un combat contre un inconnu pour convaincre son auditoire.
Rien d’étonnant, si le Président Macky Sall vacille entre trois formes de discours : argumentatif, en essayant de prouver que le FONSIS et FONGIP, « en mobilisant des ressources additionnelles, renforceront les capacités d’intervention de l’Etat dans les investissements d’intérêt public… » ; explicatif, en analysant en quoi « la gestion vertueuse des affaires publiques, tout comme la démocratie et le respect de l’Etat de droit, est plus que jamais, une exigence citoyenne » ; enfin injonctif, en « forçant » ses interlocuteurs à passer à l’action en leur demandant de « rester mobilisés, parce que nous n’avons pas encore fini de solder notre passif… »
Au plan physique, le Chef de l’Etat nous est apparu sous des traits du « cadre » avec son costume, sa cravate, sa montre et ses verres correcteurs. C’est l’image du technocrate qu’il a servi à ses compatriotes. Son pendant (de cette image) dans le texte, ce sont les données chiffrées qui viennent appuyer son argumentaire, lorsqu’il a voulu expliquer, par exemple, aux Sénégalais le passif de la dette.
Sa station debout et la montre attachée au poignet gauche, viennent renforcer cette image de technocrate qui porte l’efficacité et le dynamisme en bandoulière. Inutile de vous dire que le chef de l’Etat exhibe ainsi sa « jeunesse ». L’image du technocrate est doublée de celle du leader de charme.
Quant à son attitude face au prompteur (écran sur lequel défile le texte du discours), le souci des conseillers en communication semble être cette volonté de montrer la puissance du personnage, avec une image légèrement en contre plongée. Volonté de montrer le Président dans sa corpulence « naturelle » ? La contre-plongée renvoie à l’autorité et à la puissance. Peut-être une manière de rappeler à ceux qui se plaisaient à écorner son image, qu’il est et demeure le chef. Seulement, le problème avec cet angle de prise de vue, c’est qu’on a l’impression que le Président regarde les Sénégalais par-dessus la tête, et non droit dans l’œil. Comme si le prompteur est décalé légèrement de l’axe du regard de ses compatriotes. Peur de croiser leur regard ? Et cela atténue, malheureusement, cette impression de sincérité, cette volonté de parler franchement à son peuple.
Nous avons aussi remarqué un débit lent et un timbre de voix monocorde ; aucun souci de variation de la voix pour toucher la sensibilité de l’interlocuteur. Et pourtant les occasions n’ont pas manqué pour moduler la voix en fonction des sujets soulevés. Il n’a pas retenu la leçon d’Arthur Miller que le politique est un comédien qui doit trouver dans son discours le pôle magnétique qui unifiera un public atomisé, en suscitant l’individualisation émotive.
Pour ce qui est de la communication non verbale, l’on a noté le souci de varier les gestes. La première image qui apparaît à l’écran, c’est celle d’un chef d’Etat posant les mains (paumes cachées) sur le pupitre. Comme s’il était en train de chercher un appui. Mais, j’ai envie de savoir qu’est-ce que le chef dissimule, ce qu’il n’a pas voulu dire aux Sénégalais, en cachant ses paumes ?
Avec ses paumes en supination (tournées vers le ciel), Macky Sall a adopté une posture de prière, avec les mains en offrande, lorsqu’il évoque la mémoire de nos illustres disparus. «Puissent les valeurs élevées d’amour patriotique, de culte de la paix et de la fraternité humaine qu’ils ont incarnées… », dit-il.
Le président de la République s’est aussi adressé à ses compatriotes en soulignant son discours d’une main ouverte. Mais, je ne sais pas trop s’il a donné sa parole ou imposé son point de vue. La réponse est sûrement dans l’indexe.
Il a fait usage des mains en opposition (les paumes face à face), comme s’il voulait s’imposer une limite à ne pas franchir. D’où ce souci constant de contrôle de soi. La gestuelle est mesurée pour renvoyer l’image de l’autorité et de la sérénité. En plus, le Président Macky Sall a utilisé ce qu’on appelle les doigts en faisceau, qui renvoient à la personne méthodique, mais parlant au nom d’un groupe. Comme s’il se faisait le porte-parole de chacun d’entre nous : «nous avons montré que ce qui nous unit, est plus fort que ce qui nous divise… ».
Puis enchaîne avec le point fermé pour montrer la détermination du peuple à aller de l’avant. Dans la même veine, il utilise les inducteurs (le fait de faire travailler une main, l’autre restant scotchée sur la table) lorsqu’il demande aux Sénégalais de « rester mobilisés parce que nous n’avons encore fini de solder le passif… ». Sa main gauche est scotchée sur le pupitre et utilise la main droite comme inductrice. Nous sommes en présence d’un individu qui fait appel à sa raison sur une question qui exige une réaction logique, celle de l’épongement de la dette : « Restons mobilisés, parce que nous n’avons pas encore fini de solder notre passif de ces dernières années, avec un cumul de dettes de 3041 milliards de fcfa, dont 700 milliards au titre de la dette intérieure », dit-il.
En outre, le réalisateur nous montre le Président en plan rapproché, lorsqu’il s’est agi de parler des inondations. Il accentue son intimité, comme pour prendre la mesure de l’ampleur des dégâts de ce fléau. Le réalisateur a maintenu cette posture tout le temps que Macky Sall a soulevé les sujets relatifs à la demande sociale : l’électricité, loyer etc.
Evoquant la question du contrat de confiance : (« J’ai engagé avec vous un contrat de confiance basé sur la bonne gouvernance.. ».), je n’ai pas compris pourquoi le réalisateur est revenu au plan initial où le Président semble observer une certaine distance avec le peuple. Il y a visiblement un problème de cohérence, pour ne pas dire, de dissonance, entre la posture et le discours. A dire vrai, l’on ne sent pas le Président dans cette relation de contrat de confiance.
Or, ce dernier signifie rapprochement, mis en commun... D’où toute l’utilité du plan rapproché, comme s’il venait à la rencontre des Sénégalais. Je crains qu’il ne viole en premier les termes du contrat. En plus, je m’attendais à voir le Président se donner la main, pour prouver que nous sommes dans une relation de contrat. Certes, le président a montré, en fermant le poing, sa détermination à « remplir fidèlement ce contrat » et à ne pas se « détourner de l’objectif de la bonne gouvernance ». Mais cette dissonance, qui aurait pu être évitée, constitue une sorte de tache noire sur un dispositif communicationnel qui tient, malgré tout, la route.
Bacary Domingo Mané (Sud quotidien)
Rien d’étonnant, si le Président Macky Sall vacille entre trois formes de discours : argumentatif, en essayant de prouver que le FONSIS et FONGIP, « en mobilisant des ressources additionnelles, renforceront les capacités d’intervention de l’Etat dans les investissements d’intérêt public… » ; explicatif, en analysant en quoi « la gestion vertueuse des affaires publiques, tout comme la démocratie et le respect de l’Etat de droit, est plus que jamais, une exigence citoyenne » ; enfin injonctif, en « forçant » ses interlocuteurs à passer à l’action en leur demandant de « rester mobilisés, parce que nous n’avons pas encore fini de solder notre passif… »
Au plan physique, le Chef de l’Etat nous est apparu sous des traits du « cadre » avec son costume, sa cravate, sa montre et ses verres correcteurs. C’est l’image du technocrate qu’il a servi à ses compatriotes. Son pendant (de cette image) dans le texte, ce sont les données chiffrées qui viennent appuyer son argumentaire, lorsqu’il a voulu expliquer, par exemple, aux Sénégalais le passif de la dette.
Sa station debout et la montre attachée au poignet gauche, viennent renforcer cette image de technocrate qui porte l’efficacité et le dynamisme en bandoulière. Inutile de vous dire que le chef de l’Etat exhibe ainsi sa « jeunesse ». L’image du technocrate est doublée de celle du leader de charme.
Quant à son attitude face au prompteur (écran sur lequel défile le texte du discours), le souci des conseillers en communication semble être cette volonté de montrer la puissance du personnage, avec une image légèrement en contre plongée. Volonté de montrer le Président dans sa corpulence « naturelle » ? La contre-plongée renvoie à l’autorité et à la puissance. Peut-être une manière de rappeler à ceux qui se plaisaient à écorner son image, qu’il est et demeure le chef. Seulement, le problème avec cet angle de prise de vue, c’est qu’on a l’impression que le Président regarde les Sénégalais par-dessus la tête, et non droit dans l’œil. Comme si le prompteur est décalé légèrement de l’axe du regard de ses compatriotes. Peur de croiser leur regard ? Et cela atténue, malheureusement, cette impression de sincérité, cette volonté de parler franchement à son peuple.
Nous avons aussi remarqué un débit lent et un timbre de voix monocorde ; aucun souci de variation de la voix pour toucher la sensibilité de l’interlocuteur. Et pourtant les occasions n’ont pas manqué pour moduler la voix en fonction des sujets soulevés. Il n’a pas retenu la leçon d’Arthur Miller que le politique est un comédien qui doit trouver dans son discours le pôle magnétique qui unifiera un public atomisé, en suscitant l’individualisation émotive.
Pour ce qui est de la communication non verbale, l’on a noté le souci de varier les gestes. La première image qui apparaît à l’écran, c’est celle d’un chef d’Etat posant les mains (paumes cachées) sur le pupitre. Comme s’il était en train de chercher un appui. Mais, j’ai envie de savoir qu’est-ce que le chef dissimule, ce qu’il n’a pas voulu dire aux Sénégalais, en cachant ses paumes ?
Avec ses paumes en supination (tournées vers le ciel), Macky Sall a adopté une posture de prière, avec les mains en offrande, lorsqu’il évoque la mémoire de nos illustres disparus. «Puissent les valeurs élevées d’amour patriotique, de culte de la paix et de la fraternité humaine qu’ils ont incarnées… », dit-il.
Le président de la République s’est aussi adressé à ses compatriotes en soulignant son discours d’une main ouverte. Mais, je ne sais pas trop s’il a donné sa parole ou imposé son point de vue. La réponse est sûrement dans l’indexe.
Il a fait usage des mains en opposition (les paumes face à face), comme s’il voulait s’imposer une limite à ne pas franchir. D’où ce souci constant de contrôle de soi. La gestuelle est mesurée pour renvoyer l’image de l’autorité et de la sérénité. En plus, le Président Macky Sall a utilisé ce qu’on appelle les doigts en faisceau, qui renvoient à la personne méthodique, mais parlant au nom d’un groupe. Comme s’il se faisait le porte-parole de chacun d’entre nous : «nous avons montré que ce qui nous unit, est plus fort que ce qui nous divise… ».
Puis enchaîne avec le point fermé pour montrer la détermination du peuple à aller de l’avant. Dans la même veine, il utilise les inducteurs (le fait de faire travailler une main, l’autre restant scotchée sur la table) lorsqu’il demande aux Sénégalais de « rester mobilisés parce que nous n’avons encore fini de solder le passif… ». Sa main gauche est scotchée sur le pupitre et utilise la main droite comme inductrice. Nous sommes en présence d’un individu qui fait appel à sa raison sur une question qui exige une réaction logique, celle de l’épongement de la dette : « Restons mobilisés, parce que nous n’avons pas encore fini de solder notre passif de ces dernières années, avec un cumul de dettes de 3041 milliards de fcfa, dont 700 milliards au titre de la dette intérieure », dit-il.
En outre, le réalisateur nous montre le Président en plan rapproché, lorsqu’il s’est agi de parler des inondations. Il accentue son intimité, comme pour prendre la mesure de l’ampleur des dégâts de ce fléau. Le réalisateur a maintenu cette posture tout le temps que Macky Sall a soulevé les sujets relatifs à la demande sociale : l’électricité, loyer etc.
Evoquant la question du contrat de confiance : (« J’ai engagé avec vous un contrat de confiance basé sur la bonne gouvernance.. ».), je n’ai pas compris pourquoi le réalisateur est revenu au plan initial où le Président semble observer une certaine distance avec le peuple. Il y a visiblement un problème de cohérence, pour ne pas dire, de dissonance, entre la posture et le discours. A dire vrai, l’on ne sent pas le Président dans cette relation de contrat de confiance.
Or, ce dernier signifie rapprochement, mis en commun... D’où toute l’utilité du plan rapproché, comme s’il venait à la rencontre des Sénégalais. Je crains qu’il ne viole en premier les termes du contrat. En plus, je m’attendais à voir le Président se donner la main, pour prouver que nous sommes dans une relation de contrat. Certes, le président a montré, en fermant le poing, sa détermination à « remplir fidèlement ce contrat » et à ne pas se « détourner de l’objectif de la bonne gouvernance ». Mais cette dissonance, qui aurait pu être évitée, constitue une sorte de tache noire sur un dispositif communicationnel qui tient, malgré tout, la route.
Bacary Domingo Mané (Sud quotidien)
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