La première étape de ce déplacement n’a été annoncée que tardivement. Emmanuel Macron entamera sa mini-tournée le 11 mars au soir par une escale à Djibouti. Une visite express d’une quinzaine d’heures, le temps pour le chef d'Etat de rencontrer son homologue djiboutien Ismaïl Omar Guelleh et de se rendre sur la base française qui héberge le plus gros contingent de soldats français à l’étranger (1400). Un déplacement à la fois stratégique – Djibouti accueille des bases militaires des grandes puissances (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Italie et depuis peu Chine) – et très symbolique. « C’est un partenaire historique de la région, ça aurait été étrange de ne pas aller le voir », explique-t-on à l’Elysée.
Emmanuel Macron ne sera toutefois que le second président français, après Nicolas Sarkozy en 2010, à se rendre sur place depuis vingt ans. Le signe d’un réchauffement des relations entre les deux pays, après des brouilles récurrentes. La raison d’un tel déplacement ? « Soutenir un allié régional qui n’est pas dans une position favorable en ce moment », explique Sonia Le Gouriellec, docteure en sciences politiques et spécialiste de Djibouti et de la Corne de l’Afrique.
Une mauvaise passe due aux relations exécrables que le micro-Etat entretient avec les Emirats arabes unis. Malgré son rôle dans les médiations de paix régionales, Djibouti pâtit d’un certain isolement, conséquence de ses mauvaises relations avec le royaume émirati. La crainte d’une mise à l’écart expliquerait, selon Sonia Le Gouriellec, ce rapprochement avec la France, son partenaire historique.
L’autre raison de ce voyage est bien sûr d’ordre stratégique. Paris s’inquiète de l’influence grandissante de la Chine et du net recul de sa présence sur place. Un point sur lequel plusieurs députés ont tenté d’attirer l’attention au retour d’une mission à Djibouti. Ainsi, le 26 septembre dernier, Marielle de Sarnez, la présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, a tiré la sonnette d’alarme. « Je pense qu’il est absolument vital de renforcer la présence française, a souligné la députée. Stratégiquement, nous avons besoin d’une remobilisation sur les trois axes militaire, économique et culturel ».
A l’Elysée, on reconnaît la dimension stratégique de ce déplacement : « On va aussi en Afrique de l’Est parce que c’est une région assez concurrentielle, notamment avec la Chine. On arrive avec un projet différent, plus positif, peut-être un peu moins purement mercantile ».
La conservation patrimoniale au menu d'une visite en Ethiopie
Une fois l’étape djiboutienne achevée, Emmanuel Macron s’envolera pour Lalibela, haut lieu du christianisme éthiopien. Ses onze églises creusées dans la roche, classées au patrimoine mondial de l’humanité en 1978, subissent les assauts du temps. La dernière tentative de conservation – la pose de toits sur certaines de ces églises – fait polémique.
Lors de sa venue à Paris en octobre dernier, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avait demandé l’aide de France dans ce domaine. Emmanuel Macron lui avait alors fait part de son intention d’accompagner « plusieurs projets à la fois patrimoniaux, archéologiques et muséaux, avec le financement de projets, l'envoi d'experts et l'accompagnement de cette ambition ». Depuis, Paris travaille de conserve avec Addis-Abeba pour trouver des solutions de conservation plus pérennes. La restauration par la France du palais présidentiel (dit du Jubilé) et sa transformation en musée devrait également être annoncée.
Un palais dans lequel se rendra Emmanuel Macron pour un dîner officiel avec le Premier ministre Abiy Ahmed et la présidente Sahle-Work Zewde. Elue en octobre dernier, la seule femme présidente du continent est une vraie francophile. Après avoir effectué sa scolarité au lycée français Guébré-Mariam d’Addis-Abeba, elle obtient une bourse pour suivre des études en sciences naturelles à l’université de Montpellier. En 2002, elle revient en France comme ambassadrice, poste qu’elle occupera jusqu’en 2006. Un parcours qui n’a pu que favoriser le renouveau des relations entre les deux pays.
En octobre dernier, Emmanuel Macron avait d’ailleurs vu dans son élection « un signe prometteur d'une coopération renforcée entre nos deux pays ». Outre les aspects patrimoniaux et culturels, la thématique économique sera au centre des discussions. Huit grands patrons français seront du voyage. Un accord-cadre de défense sera également signé. Le président clôturera cette étape le 13 mars au matin par une rencontre avec le président de la commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat pour évoquer la situation régionale.
Probable entrevue avec Andry Rajoelina en marge du One Planet Summit
Emmanuel Macron achèvera son séjour par une visite d’Etat au Kenya. « C’est la première fois qu’un président français se rend sur place », souligne-t-on dans l’entourage du chef de l’Etat. Au menu : un déplacement dans l’après-midi du 13 mars à la gare centrale de Nairobi pour parler ville durable puis un discours le lendemain lors du One Planet Summit, évènement qu’il co-présidera avec le président kényan Uhuru Kenyatta.
Des chefs d’Etat de la région participeront à cet évènement. Parmi eux, le Malgache Andry Rajoelina, avec qui il devrait s’entretenir. Ce serait là leur première rencontre depuis l’accession au pouvoir du nouveau président malgache. Cette dernière étape se terminera l’après-midi par une séance de questions/réponses avec des étudiants à l’université de Nairobi. Une dernière séquence destinée à séduire un public qui choisit rarement la France. Une opération séduction qui s’annonce ardue à l’heure où le gouvernement entend augmenter de manière substantielle les frais d’inscription pour les étudiants non-européens.
La visite à Djibouti intervient dans un contexte particulier. Le 21 janvier dernier, l’opposant djiboutien réfugié en France Mohamed Kadamy est auditionné à Nanterre par les policiers du Bureau de l’office central pour la répression des violences aux personnes, et ce dans le cadre d’une commission rogatoire émise par une juge djiboutienne.
Le 13 février, l’opposant, président du Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie à Djibouti (Frud), est entendu par le juge français Serge Tournaire avant d’être mis en examen pour « des actes de complicité par instigation de crimes d'atteinte à l'intégrité des personnes, de séquestration, de détournement de moyens de transport, d'extorsion et de destruction par l'effet d'un incendie de biens publics et privés, entreprise dont le but était de troubler gravement l'ordre public par la terreur ». Les faits qui lui sont reprochés remontent au 30 septembre 2015 : trois voitures d'une société égyptienne sont incendiées à Djibouti par des militants du Frud suite à des accrochages avec l’armée. Un acte assumé et revendiqué par le parti.
Inquiet, Mohamed Kadamy se dit aujourd’hui étonné « que la France accepte ce genre de demandes » de la part des autorités djiboutiennes. « Il se dit que ce serait un échange de politesse entre la justice française et la justice djiboutienne, assurait le 13 février dernier à RFI son avocat Bérenger Tourné. Kadamy contre des informations dans le cadre d’un autre dossier, ou en tout cas d’une personne que la justice française voudrait interroger à Djibouti ». Cinq jours plus tard, comme l’a révélé La Lettre de l’Océan Indien, Serge Tournaire se rendait à Djibouti pour auditionner le banquier Wahib Nacer dans l’enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Un échange de bons procédés ? Paris se refuse pour l’heure à tout commentaire.
Emmanuel Macron ne sera toutefois que le second président français, après Nicolas Sarkozy en 2010, à se rendre sur place depuis vingt ans. Le signe d’un réchauffement des relations entre les deux pays, après des brouilles récurrentes. La raison d’un tel déplacement ? « Soutenir un allié régional qui n’est pas dans une position favorable en ce moment », explique Sonia Le Gouriellec, docteure en sciences politiques et spécialiste de Djibouti et de la Corne de l’Afrique.
Une mauvaise passe due aux relations exécrables que le micro-Etat entretient avec les Emirats arabes unis. Malgré son rôle dans les médiations de paix régionales, Djibouti pâtit d’un certain isolement, conséquence de ses mauvaises relations avec le royaume émirati. La crainte d’une mise à l’écart expliquerait, selon Sonia Le Gouriellec, ce rapprochement avec la France, son partenaire historique.
L’autre raison de ce voyage est bien sûr d’ordre stratégique. Paris s’inquiète de l’influence grandissante de la Chine et du net recul de sa présence sur place. Un point sur lequel plusieurs députés ont tenté d’attirer l’attention au retour d’une mission à Djibouti. Ainsi, le 26 septembre dernier, Marielle de Sarnez, la présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, a tiré la sonnette d’alarme. « Je pense qu’il est absolument vital de renforcer la présence française, a souligné la députée. Stratégiquement, nous avons besoin d’une remobilisation sur les trois axes militaire, économique et culturel ».
A l’Elysée, on reconnaît la dimension stratégique de ce déplacement : « On va aussi en Afrique de l’Est parce que c’est une région assez concurrentielle, notamment avec la Chine. On arrive avec un projet différent, plus positif, peut-être un peu moins purement mercantile ».
La conservation patrimoniale au menu d'une visite en Ethiopie
Une fois l’étape djiboutienne achevée, Emmanuel Macron s’envolera pour Lalibela, haut lieu du christianisme éthiopien. Ses onze églises creusées dans la roche, classées au patrimoine mondial de l’humanité en 1978, subissent les assauts du temps. La dernière tentative de conservation – la pose de toits sur certaines de ces églises – fait polémique.
Lors de sa venue à Paris en octobre dernier, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avait demandé l’aide de France dans ce domaine. Emmanuel Macron lui avait alors fait part de son intention d’accompagner « plusieurs projets à la fois patrimoniaux, archéologiques et muséaux, avec le financement de projets, l'envoi d'experts et l'accompagnement de cette ambition ». Depuis, Paris travaille de conserve avec Addis-Abeba pour trouver des solutions de conservation plus pérennes. La restauration par la France du palais présidentiel (dit du Jubilé) et sa transformation en musée devrait également être annoncée.
Un palais dans lequel se rendra Emmanuel Macron pour un dîner officiel avec le Premier ministre Abiy Ahmed et la présidente Sahle-Work Zewde. Elue en octobre dernier, la seule femme présidente du continent est une vraie francophile. Après avoir effectué sa scolarité au lycée français Guébré-Mariam d’Addis-Abeba, elle obtient une bourse pour suivre des études en sciences naturelles à l’université de Montpellier. En 2002, elle revient en France comme ambassadrice, poste qu’elle occupera jusqu’en 2006. Un parcours qui n’a pu que favoriser le renouveau des relations entre les deux pays.
En octobre dernier, Emmanuel Macron avait d’ailleurs vu dans son élection « un signe prometteur d'une coopération renforcée entre nos deux pays ». Outre les aspects patrimoniaux et culturels, la thématique économique sera au centre des discussions. Huit grands patrons français seront du voyage. Un accord-cadre de défense sera également signé. Le président clôturera cette étape le 13 mars au matin par une rencontre avec le président de la commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat pour évoquer la situation régionale.
Probable entrevue avec Andry Rajoelina en marge du One Planet Summit
Emmanuel Macron achèvera son séjour par une visite d’Etat au Kenya. « C’est la première fois qu’un président français se rend sur place », souligne-t-on dans l’entourage du chef de l’Etat. Au menu : un déplacement dans l’après-midi du 13 mars à la gare centrale de Nairobi pour parler ville durable puis un discours le lendemain lors du One Planet Summit, évènement qu’il co-présidera avec le président kényan Uhuru Kenyatta.
Des chefs d’Etat de la région participeront à cet évènement. Parmi eux, le Malgache Andry Rajoelina, avec qui il devrait s’entretenir. Ce serait là leur première rencontre depuis l’accession au pouvoir du nouveau président malgache. Cette dernière étape se terminera l’après-midi par une séance de questions/réponses avec des étudiants à l’université de Nairobi. Une dernière séquence destinée à séduire un public qui choisit rarement la France. Une opération séduction qui s’annonce ardue à l’heure où le gouvernement entend augmenter de manière substantielle les frais d’inscription pour les étudiants non-européens.
La visite à Djibouti intervient dans un contexte particulier. Le 21 janvier dernier, l’opposant djiboutien réfugié en France Mohamed Kadamy est auditionné à Nanterre par les policiers du Bureau de l’office central pour la répression des violences aux personnes, et ce dans le cadre d’une commission rogatoire émise par une juge djiboutienne.
Le 13 février, l’opposant, président du Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie à Djibouti (Frud), est entendu par le juge français Serge Tournaire avant d’être mis en examen pour « des actes de complicité par instigation de crimes d'atteinte à l'intégrité des personnes, de séquestration, de détournement de moyens de transport, d'extorsion et de destruction par l'effet d'un incendie de biens publics et privés, entreprise dont le but était de troubler gravement l'ordre public par la terreur ». Les faits qui lui sont reprochés remontent au 30 septembre 2015 : trois voitures d'une société égyptienne sont incendiées à Djibouti par des militants du Frud suite à des accrochages avec l’armée. Un acte assumé et revendiqué par le parti.
Inquiet, Mohamed Kadamy se dit aujourd’hui étonné « que la France accepte ce genre de demandes » de la part des autorités djiboutiennes. « Il se dit que ce serait un échange de politesse entre la justice française et la justice djiboutienne, assurait le 13 février dernier à RFI son avocat Bérenger Tourné. Kadamy contre des informations dans le cadre d’un autre dossier, ou en tout cas d’une personne que la justice française voudrait interroger à Djibouti ». Cinq jours plus tard, comme l’a révélé La Lettre de l’Océan Indien, Serge Tournaire se rendait à Djibouti pour auditionner le banquier Wahib Nacer dans l’enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Un échange de bons procédés ? Paris se refuse pour l’heure à tout commentaire.
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