C’est un petit bout de femme, d’une quarantaine d’années. Les cheveux courts, le regard fatigué, elle sort enfin de la zone de quarantaine, après plusieurs semaines de combat contre le virus. MSF lui a donné des vêtements neufs. Les anciens ont été brûlés. Une dernière fois, tout ce qu’elle porte est aspergé d’eau chlorée, même son argent.
« Je me sens heureuse ! Je me sens heureuse ! Je me sens heureuse ! Je dis merci à Dieu. Il m’a aidé à survivre. Merci ! Je suis tellement heureuse ! »
Mais quand on lui demande où elle compte aller, la tragédie qu’elle vient de vivre resurgit, et elle fond en larmes.
« Je ne sais pas ce que je vais faire. Mes deux enfants sont morts ici, avec mon mari. J’ai attrapé Ebola un jour où j’allais acheter un seau d’eau chlorée. Je me suis battue avec une femme. Je suis sûre qu’elle était malade. J’ai été la première infectée. Et je l’ai transmis aux autres. Ebola est terrible. J’avais la diarrhée, je vomissais. J’avais des douleurs dans tout le corps, dans les articulations. Ça faisait très mal. »
Après un ultime test sanguin, elle devrait sortir dans la journée. Ensuite, un nouveau combat pourrait s’engager, celui des survivants d’Ebola, parfois stigmatisés et rejetés à leur retour dans leur communauté.
Hygiène et propreté
L’épidémie d’Ebola a bouleversé le comportement des Libériens, notamment leur hygiène. Désormais tout le monde se lave les mains plusieurs fois par jour. Pour renforcer l’hygiène, les fameux Ebola buckets, les seaux Ebola, dans lesquels on mélange eau et chlore sont partout. Devant les hôtels, les bâtiments publics, les boutiques, les habitations...
« Avant je vendais des chaussures, mais avec Ebola, ça ne marchait plus », raconte Buster Brown un commerçant du quartier de Water Side qui s'est reconverti dans ce marché. « Je ne pouvais pas rester sans réagir en regardant disparaître le peu que j’avais, alors je me suis tourné vers ce produit. Tout le monde peut en acheter facilement. Ça marchait bien surtout lorsqu'un Libérien est mort du virus au Nigeria fin juillet. Tout le monde s’est rué dessus. Des organisations en ont eu besoin pour distribuer aux gens et elles m’en achetaient 50 ou même 100 à la fois, à 10 ou 11 dollars l’unité. »
Mais en septembre, le gouvernement a détaxé beaucoup de produits liés à Ebola, dont le chlore. Le résultat est que Buster Brown ne vend plus ses sceaux que 6 dollars l'unité. « Maintenant le marché est figé. Le pays est saturé de seaux, donc je n’en vends plus que 5 ou 10 par jour », déplore-t-il.
Et quand on lui demande si finalement Ebola a été bon pour le commerce, Buster Brown est très clair. « Ebola a détruit notre économie, donc le virus n’a rien apporté de bon. »