Egypte: le projet de constitution déjà très critiqué

Ce lundi 9 décembre, le procès de Mohamed Badie, le Guide Suprême des Frères musulmans égyptiens, doit débuter. Il comparaîtra avec quatorze co-accusés pour des violences ayant suivi la destitution du président Mohammed Morsi en juillet dernier. Dimanche, ce sont des militants non-islamistes qui étaient jugés au Caire pour des manifestations interdites. C’est dans ce contexte que se déroule le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution qui devra être soumise à référendum.



Des militantes islamistes ont été emprisonnées, accusées d'avoir bloqué le trafic routier pendant une manifestation à Alexandrie. REUTERS/Stringer

Ils sont cinquante, dont cinq femmes, à avoir travaillé ces trois derniers mois à l’élaboration d’une nouvelle Constitution pour l’Egypte. Amr El Shobaki est l’un d’entre-eux. Il énumère les avancées qui figurent selon lui dans le texte : « l’égalité entre les hommes et les femmes, l’égalité entre tous les citoyens égyptiens chrétiens et musulmans… il y a un changement radical en ce qui concerne la liberté d’expression : on ne pourra plus emprisonner un journaliste pour un article ! »
 

Brièvement élu député après la chute de Hosni Moubarak en 2011, Amr El Shobaki estime que le texte dessine « un système démocratique, quasi-présidentiel, proche du système politique français avec un président et un Premier ministre ».

 

Rôle de l’armée

Ce projet de Constitution est déjà très critiqué. Par les Frères Musulmans d’abord, qui considèrent que la destitution de Mohamed Morsi en juillet dernier était un coup d’Etat. Ils n’ont pas participé à la rédaction du texte et le rejettent vigoureusement. A l’inverse, les salafistes égyptiens du parti Al Nour, ont décidé de voter en faveur du projet de Constitution.
 

Le texte suscite aussi l’inquiétude des défenseurs des droits de l’Homme. « C’est une véritable catastrophe », lance Mona Bedeir, militante du Mouvement du 6 avril, fer de lance de la Révolution égyptienne de 2011. Comme d’autres, Mona Bedeir est en colère contre l’article qui permet la comparution de civils devant des tribunaux militaires. Et aussi contre ce paragraphe qui confère à l’armée le privilège de nommer le ministre de la Défense (qui devra être un militaire lui-même). « N’importe quelle démocratie dans le monde repose sur le contrôle complet des civils sur les militaires… Avec cette Constitution, c’est totalement l’inverse ! » affirme la militante égyptienne, jointe au Caire par RFI.
 

Les procès de civils devant des juges militaires, « cela ne concerne que les auteurs d’attaques terroristes directes », tempère Amr El Shobaki, qui a participé à la rédaction du texte et qui reconnaît « une lacune » du point de vue des démocrates, avant d’ajouter « on ne peut pas tout obtenir en une seule fois ».
 

Loi anti-manifestations
 

Le processus d’adoption de cette nouvelle Constitution égyptienne se déroule dans un contexte tendu : les autorités égyptiennes ont voté le mois dernier une loi anti-manifestations. Des militants ont été arrêtés pour l’avoir bravée.
 

Et il n’est pas sûr que la future Constitution protègera davantage les citoyens. « Les limites sont déjà apparues puisque l’assemblée constituante a prévu la liberté de manifester alors qu’au même moment le gouvernement adoptait une loi anti-manifestation très liberticide, encore plus restrictive que sous Moubarak », explique la juriste française Nathalie Bernard-Maugiron, de l’Institut d’Etudes de l’Islam et des sociétés du Monde musulman. « Les droits et libertés prévus par la Constitution devront être mis en œuvre par des lois et c’est au niveau des lois que des limites risquent d’apparaître, analyse Nathalie Bernard-Maugiron pour qui, il ressort de ce texte que l’armée est aujourd’hui la force toute puissante en Egypte. »

Source : Rfi.fr
 


Dépêche

Lundi 9 Décembre 2013 11:58


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