Temps suspendu à Matignon. Dans le troisième volet du documentaire consacré à Edouard Philippe (Edouard, mon pote de droite, 2021), une image avait fait sourire : en pleine crise des « gilets jaunes », la caméra du réalisateur, Laurent Cibien, s’était attardée sur les allées et venues régulières d’une tondeuse automatique : un petit robot blanc sillonnant tranquillement les jardins, comme si de rien n’était. Le contraste entre le tumulte de la rue et ce calme apparent, au cœur du pouvoir, était saisissant. Jeudi 6 avril, jour de la onzième manifestation contre la réforme des retraites, la tondeuse à gazon, que l’on aperçoit des fenêtres du premier étage de l’hôtel particulier, se trouve à l’arrêt, abandonnée dans un coin. Comme en écho à la situation bloquée, figée. Comment continuer à gouverner ?
En sursis à Matignon, Elisabeth Borne est en apesanteur. Emmanuel Macron lui a demandé de renouer le dialogue avec les syndicats et d’élargir sa majorité. « J’espère qu’elle y parviendra », avait-il ajouté, le 22 mars (sur TF1 et France 2), soudain menaçant, comme un dernier avertissement avant remaniement. Sa mission est impossible, et elle le sait. Lancée depuis plusieurs jours dans un cycle de concertations, la première ministre en connaît d’avance l’issue. Mercredi 5 avril, les organisations syndicales reçues à Matignon quittaient la table des négociations, furieuses que la cheffe du gouvernement n’ait pas esquissé le moindre geste (ni pause, ni médiation, ni retrait), lui reprochant son inflexibilité et un côté déconnecté. Quant aux chefs de groupe et de parti, qu’elle a appris à connaître, elle n’espère plus les rallier. Les députés Les Républicains (LR) sont trop divisés, tandis que les élus du Parti socialiste sont « pour les deux tiers des néodéputés », et donc « enfants de la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale] », fait-on valoir, même s’il existe des points de convergence avec certains socialistes – à l’instar du maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, avec lequel la première ministre s’est entretenue récemment.
En sursis à Matignon, Elisabeth Borne est en apesanteur. Emmanuel Macron lui a demandé de renouer le dialogue avec les syndicats et d’élargir sa majorité. « J’espère qu’elle y parviendra », avait-il ajouté, le 22 mars (sur TF1 et France 2), soudain menaçant, comme un dernier avertissement avant remaniement. Sa mission est impossible, et elle le sait. Lancée depuis plusieurs jours dans un cycle de concertations, la première ministre en connaît d’avance l’issue.