Jusqu’à une période récente, les experts du ministère de l’Economie et des Finances ont toujours réussi à tromper leurs homologues du FMI et de la Banque mondiale à propos de la dette. En quoi faisant ? Eh bien, en calculant cet endettement du Sénégal uniquement à travers la structure centrale !
Autrement dit, il ne faisait entrer en ligne de compte dans cet endettement que ce que lui-même, en tant qu’Etat, empruntait. Et passait sous silence le poids des structures autonomes comme les sociétés nationales et parapubliques (Senelec, la Poste…) et surtout les nombreuses agences.
Ces structures empruntaient de l’argent auprès des institutions financières mais toujours avec la garantie de l’Etat. Une tricherie qui faisait que, malgré les cris de l’opposition relativement au « mackillage » des chiffres de la dette, le Gouvernement parvenait à se faire attribuer de bonnes notes par les institutions de Bretton Woods. Pendant longtemps, ce « mackillage » a été opéré non seulement pour tromper l’opinion qui n’y connaît que dalle mais aussi — et là, chapeau les artistes de la voltige financière et comptable — le Fmi et la BM.
La tricherie a été éventée justement par le FMI. Ce qui s’est traduit par le fait que vendredi, le Conseil d’administration du FMI a décidé de sanctionner le Sénégal pris en flagrant délit de manipulation de chiffres. En dégradant la note de notre pays. Ou, plutôt, en changeant son statut. C’est ainsi que le Sénégal est passé du statut de pays à risque de surendettement faible à celui de pays à risque d’endettement modéré du fait. La raison en est l’élargissement du périmètre du stock de la dette qui ne prend plus seulement en compte la sphère centrale de l’Etat, mais aussi tous ses démembrements.
Le Sénégal est à 5,5% du plafond communautaire de l'Uemoa
Pour bien comprendre, avant la découverte de la triche, le risque de la dette du Sénégal n’était calculé uniquement que sur la dette centrale. Désormais, il pèse autant sur l’Etat central que sur les entreprises parapubliques. Le risque créé par la nouvelle situation marquée par le changement de statut, c’est de voir l’Etat atteindre rapidement le plafond communautaire de l’Uemoa. « L’Etat a un sérieux problème de liquidités. Nous nous situons à un taux d’endettement de 64,5% du PIB alors que la limite communautaire se situe à 70 %.
Or, pendant longtemps, les pouvoirs publics ont trompé leurs partenaires de la Banque mondiale et du FMI dans les chiffres d’endettement parce qu’ils ne communiquaient que sur l’endettement de l’Etat central en laissant de côté celui de ses démembrements comme les agences et les directions générales des sociétés nationales. Le taux de 64,5 % vient de la Banque mondiale. Il prend en compte autant l’endettement du pouvoir central que celui de ses démembrements. Donc, on n’est pas loin de la barre fatidique des 70 %. L’Etat a presque at- teint le plafond des 70 % » souligne le chercheur économiste Cheikh Ahmadou Bamba Diagne de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Pour autant, notre interlocuteur refuse de parler de « tricherie » du Sénégal. Le mot sonne un peu lourd pour lui. « Les gens oublient que le Fmi ne perd pas du temps pour contrôler le Sénégal. Le Fmi met souvent en place une stratégie de collecte d’informations orientée vers des agents de la démographie et de la statistique notamment un organe comme l’Agence Nationale de la Statistique et de Démographie qui font le job pour l’institution de Bretton Woods. Cela dit, à l’aune de la dégradation de la note du Sénégal, l’on peut se demander si l’ANSD fait le travail sérieusement ? » estime le chercheur. Qui cite l’exemple d'une agence publique comme l’Ageroute qui dépense des centaines de milliards de francs pour construire des ponts et des routes. Si elle s’endette pour réaliser ces chantiers, c’est de l’argent qu’elle prend de l’Etat. « L’endettement de l’Ageroute, c’est l’Etat. C’est le cas du PUMA, du PUDC et des nombreuses agences budgétivores. L’Etat sait très bien ce qu’il faisait. Seulement voilà, les bailleurs de fonds n’avaient jamais une idée globale du niveau d’endettement de l’Etat. Ce qui pouvait impacter sur la confiance de nos partenaires à nous prêter de l’argent. Tant que ces emprunts n’étaient pas comptabilisés dans l’endettement public, le Sénégal présentait des niveaux faibles de stock de dettes. Le changement de statut d’endettement faible à modéré induit le risque de voir notre pays crever rapidement le plafond rapidement puisqu’on est à 64,5 % du PIB par rapport aux critères de convergence de l’Uemoa arrêtés à 70 % du PIB. On va crever le plafond sous peu. A par- tir de 70 %, on ne peut plus emprunter. Le Sénégal risque alors de tomber dans les fonds bras des Vautours. Ce sont des fonds spéculatifs qui vont acheter à bas prix le crédit du Sénégal pour le revendre à un taux d’intérêt plus élevé. L’Etat est très conscient de la situation. Il est entrain de serrer la ceinture et de rétablir la vérité des prix, éliminer les subventions tout en augmentant les prix de certaines denrées alimentaires et des hydrocarbures. Cette situation explique aussi pourquoi même si les organisations syndicales vont en grève, l’Etat ne peut pas satisfaire leurs revendications du fait qu’il n’a qu’une seule préoccupation, c’est de payer sa dette » analyse le chercheur économiste Cheikh Ahmadou Bamba Diagne de l’université de Dakar.
Le directeur des Finances et du Budget Moustapha Ba rassure
La dégradation de la note du Sénégal n’ébranle pas le directeur des Finances et du Budget, Moustapha Ba. Ce dernier a évoqué le sujet avec des journalistes triés sur le volet ce dimanche. Selon Moustapha Ba, le stock de la dette publique nationale totale est arrêté à 7 339 milliards de francs CFA au 31 décembre 2019 et est projeté à 8 076,6 milliards de francs en 2020 alors qu’il est plafonné à 9 114 milliards de francs CFA, la dette contingente incluse. Un plafond que, selon le directeur des Finances et du Budget, le Sénégal ne pourra pas crever. Il a aussi donné des assurances qu’il n’y aucune inquiétude à se faire puisque tous les projets du Plan d’actions prioritaires (Pap) 2 (2019-2023) du Pse, sont déjà dans le « cadrage »,.
Mieux, soutient-il, l’Etat a une marge de manœuvre confortable et il lui faudra justifier de nouvelles ressources pour engager de nouveaux projets. « Les pays à risque de surendettement modéré (tous les pays de l’Uemoa et de la Cedeao, Kenya, etc.) ont des indicateurs en dessous des seuils, voire en léger dépassement ponctuel de ces seuils (en raison des emprunts nécessaires à contracter pour réaliser les investissements requis pour le développe- ment économique et social du pays). De plus, des tests de résistance (simulation du Fmi) indiquent qu’en cas de chocs exogènes ou de changement brusque de politique macroéconomique, les seuils pourraient être dé- passés. Dans le cas du Sénégal, ce qu’on pourrait craindre c’est une baisse drastique des exportations, une baisse des recettes fis- cales ou un repli prononcé de la crois- sance», explique-t-il.
Selon Moustapha Ba, si on évalue le cadre macro-économique actuel et futur sur la période du Pap 2, il s’avère que les projections tablent sur une croissance moyenne de 9 % (2019-2023) dont 7 % en 2020, croissance sur la base de laquelle le budget 2020 a été bâti. De plus, jure le directeur des Finances et du Budget, les recettes fiscales sont prévues largement en hausse sur toute la période considérée. Cette hypothèse est confortée, selon lui et d’une part, par les résultats de 2019 où les objectifs de recettes d’un montant de 2 561,6 milliards de francs CFA ont été atteints avec une progression de 555,98 milliards de francs CFA par rapport à 2018 (2 005,620 milliards de francs CFA) et, d’autre part, par la Stratégie de recettes à moyen terme qui permet d’élargir l’assiette. « Les exportations de biens et de services connaissent un trend haussier, ce qui s’est traduit par une baisse continue du déficit du compte courant passant de 8,6 % du Pib en 2012 à 7 % du Pib en 2019 et les perspectives sont très favorables avec des exportations qui seront multipliées par 2,5 à l’horizon 2023 » conclut-il.
Le Témoin
Autrement dit, il ne faisait entrer en ligne de compte dans cet endettement que ce que lui-même, en tant qu’Etat, empruntait. Et passait sous silence le poids des structures autonomes comme les sociétés nationales et parapubliques (Senelec, la Poste…) et surtout les nombreuses agences.
Ces structures empruntaient de l’argent auprès des institutions financières mais toujours avec la garantie de l’Etat. Une tricherie qui faisait que, malgré les cris de l’opposition relativement au « mackillage » des chiffres de la dette, le Gouvernement parvenait à se faire attribuer de bonnes notes par les institutions de Bretton Woods. Pendant longtemps, ce « mackillage » a été opéré non seulement pour tromper l’opinion qui n’y connaît que dalle mais aussi — et là, chapeau les artistes de la voltige financière et comptable — le Fmi et la BM.
La tricherie a été éventée justement par le FMI. Ce qui s’est traduit par le fait que vendredi, le Conseil d’administration du FMI a décidé de sanctionner le Sénégal pris en flagrant délit de manipulation de chiffres. En dégradant la note de notre pays. Ou, plutôt, en changeant son statut. C’est ainsi que le Sénégal est passé du statut de pays à risque de surendettement faible à celui de pays à risque d’endettement modéré du fait. La raison en est l’élargissement du périmètre du stock de la dette qui ne prend plus seulement en compte la sphère centrale de l’Etat, mais aussi tous ses démembrements.
Le Sénégal est à 5,5% du plafond communautaire de l'Uemoa
Pour bien comprendre, avant la découverte de la triche, le risque de la dette du Sénégal n’était calculé uniquement que sur la dette centrale. Désormais, il pèse autant sur l’Etat central que sur les entreprises parapubliques. Le risque créé par la nouvelle situation marquée par le changement de statut, c’est de voir l’Etat atteindre rapidement le plafond communautaire de l’Uemoa. « L’Etat a un sérieux problème de liquidités. Nous nous situons à un taux d’endettement de 64,5% du PIB alors que la limite communautaire se situe à 70 %.
Or, pendant longtemps, les pouvoirs publics ont trompé leurs partenaires de la Banque mondiale et du FMI dans les chiffres d’endettement parce qu’ils ne communiquaient que sur l’endettement de l’Etat central en laissant de côté celui de ses démembrements comme les agences et les directions générales des sociétés nationales. Le taux de 64,5 % vient de la Banque mondiale. Il prend en compte autant l’endettement du pouvoir central que celui de ses démembrements. Donc, on n’est pas loin de la barre fatidique des 70 %. L’Etat a presque at- teint le plafond des 70 % » souligne le chercheur économiste Cheikh Ahmadou Bamba Diagne de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Pour autant, notre interlocuteur refuse de parler de « tricherie » du Sénégal. Le mot sonne un peu lourd pour lui. « Les gens oublient que le Fmi ne perd pas du temps pour contrôler le Sénégal. Le Fmi met souvent en place une stratégie de collecte d’informations orientée vers des agents de la démographie et de la statistique notamment un organe comme l’Agence Nationale de la Statistique et de Démographie qui font le job pour l’institution de Bretton Woods. Cela dit, à l’aune de la dégradation de la note du Sénégal, l’on peut se demander si l’ANSD fait le travail sérieusement ? » estime le chercheur. Qui cite l’exemple d'une agence publique comme l’Ageroute qui dépense des centaines de milliards de francs pour construire des ponts et des routes. Si elle s’endette pour réaliser ces chantiers, c’est de l’argent qu’elle prend de l’Etat. « L’endettement de l’Ageroute, c’est l’Etat. C’est le cas du PUMA, du PUDC et des nombreuses agences budgétivores. L’Etat sait très bien ce qu’il faisait. Seulement voilà, les bailleurs de fonds n’avaient jamais une idée globale du niveau d’endettement de l’Etat. Ce qui pouvait impacter sur la confiance de nos partenaires à nous prêter de l’argent. Tant que ces emprunts n’étaient pas comptabilisés dans l’endettement public, le Sénégal présentait des niveaux faibles de stock de dettes. Le changement de statut d’endettement faible à modéré induit le risque de voir notre pays crever rapidement le plafond rapidement puisqu’on est à 64,5 % du PIB par rapport aux critères de convergence de l’Uemoa arrêtés à 70 % du PIB. On va crever le plafond sous peu. A par- tir de 70 %, on ne peut plus emprunter. Le Sénégal risque alors de tomber dans les fonds bras des Vautours. Ce sont des fonds spéculatifs qui vont acheter à bas prix le crédit du Sénégal pour le revendre à un taux d’intérêt plus élevé. L’Etat est très conscient de la situation. Il est entrain de serrer la ceinture et de rétablir la vérité des prix, éliminer les subventions tout en augmentant les prix de certaines denrées alimentaires et des hydrocarbures. Cette situation explique aussi pourquoi même si les organisations syndicales vont en grève, l’Etat ne peut pas satisfaire leurs revendications du fait qu’il n’a qu’une seule préoccupation, c’est de payer sa dette » analyse le chercheur économiste Cheikh Ahmadou Bamba Diagne de l’université de Dakar.
Le directeur des Finances et du Budget Moustapha Ba rassure
La dégradation de la note du Sénégal n’ébranle pas le directeur des Finances et du Budget, Moustapha Ba. Ce dernier a évoqué le sujet avec des journalistes triés sur le volet ce dimanche. Selon Moustapha Ba, le stock de la dette publique nationale totale est arrêté à 7 339 milliards de francs CFA au 31 décembre 2019 et est projeté à 8 076,6 milliards de francs en 2020 alors qu’il est plafonné à 9 114 milliards de francs CFA, la dette contingente incluse. Un plafond que, selon le directeur des Finances et du Budget, le Sénégal ne pourra pas crever. Il a aussi donné des assurances qu’il n’y aucune inquiétude à se faire puisque tous les projets du Plan d’actions prioritaires (Pap) 2 (2019-2023) du Pse, sont déjà dans le « cadrage »,.
Mieux, soutient-il, l’Etat a une marge de manœuvre confortable et il lui faudra justifier de nouvelles ressources pour engager de nouveaux projets. « Les pays à risque de surendettement modéré (tous les pays de l’Uemoa et de la Cedeao, Kenya, etc.) ont des indicateurs en dessous des seuils, voire en léger dépassement ponctuel de ces seuils (en raison des emprunts nécessaires à contracter pour réaliser les investissements requis pour le développe- ment économique et social du pays). De plus, des tests de résistance (simulation du Fmi) indiquent qu’en cas de chocs exogènes ou de changement brusque de politique macroéconomique, les seuils pourraient être dé- passés. Dans le cas du Sénégal, ce qu’on pourrait craindre c’est une baisse drastique des exportations, une baisse des recettes fis- cales ou un repli prononcé de la crois- sance», explique-t-il.
Selon Moustapha Ba, si on évalue le cadre macro-économique actuel et futur sur la période du Pap 2, il s’avère que les projections tablent sur une croissance moyenne de 9 % (2019-2023) dont 7 % en 2020, croissance sur la base de laquelle le budget 2020 a été bâti. De plus, jure le directeur des Finances et du Budget, les recettes fiscales sont prévues largement en hausse sur toute la période considérée. Cette hypothèse est confortée, selon lui et d’une part, par les résultats de 2019 où les objectifs de recettes d’un montant de 2 561,6 milliards de francs CFA ont été atteints avec une progression de 555,98 milliards de francs CFA par rapport à 2018 (2 005,620 milliards de francs CFA) et, d’autre part, par la Stratégie de recettes à moyen terme qui permet d’élargir l’assiette. « Les exportations de biens et de services connaissent un trend haussier, ce qui s’est traduit par une baisse continue du déficit du compte courant passant de 8,6 % du Pib en 2012 à 7 % du Pib en 2019 et les perspectives sont très favorables avec des exportations qui seront multipliées par 2,5 à l’horizon 2023 » conclut-il.
Le Témoin
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