Selon l'enquête d'Afrobaromètre, plus de la moitié des victimes interrogées en Afrique ne vont pas porter plainte devant la police après avoir subi un crime. En tête de cette liste noire : le Togo et le Bénin. Les quatre cinquièmes des sondés dans ces pays disent ne pas donner de suite policière aux crimes subis.
Au Togo, face à la montée des vols à main armée et des braquages, la réponse trouvée à cette insécurité, c'est le lynchage. Le problème, c'est que beaucoup de Togolais ne veulent plus amener les voleurs au poste de police. Au quartier d'Agoè comme dans tous les quartiers périphériques de Lomé, les raisons sont les mêmes : on ne fait pas confiance aux forces de sécurité. On préfère donc s'en occuper soi-même.
Selon l'enquête d'Afrobaromètre, 79 % des Togolais affirment ne plus vouloir amener les malfaiteurs aux postes de police. Les postes de police sont trop éloignés et les patrouilles, selon les habitants de ces quartiers, sont rares. « Si on arrête un voleur et qu'on le tabasse, moi ça ne me gêne pas, assure un habitant au micro de RFI. Si on le lynche à mort, pour moi c'est lui-même qui l'a choisi ! »
Régler le fond du problème
Ce n'est pas la meilleure manière de régler le problème de l'insécurité, affirme Aimé Adi, directeur de la branche togolaise d'Amnesty International qui, avec ACAT-Togo, sensibilise sur le sujet. « Quand on tue un voleur, on est probablement en train de noyer le fond du problème, dit-il. Parce que parfois, celui qui commet le vol fait partie d'un réseau. Et quand vous le tuez, vous empêchez la justice de pouvoir aller au bout de l'enquête pour pouvoir mettre hors d'état de nuire tout l'ensemble du système ou du réseau. »
Cette attitude, ajoute Aimé ADI, est source d'insécurité. Le problème de l'insécurité est réel, reconnaît le ministère de la Sécurité. Mais que faire face au manque de moyens ? Pour y remédier, le ministère a annoncé la création d'une police de proximité dans les villes.
Défiance généralisée en Afrique
Au-delà de l'exemple du Togo, la défiance est très largement répandue. Dans les deux tiers des pays africains où l'enquête a eu lieu, une majorité des sondés ne juge pas nécessaire de se déplacer jusqu'au commissariat après avoir été victime.
Principale raison évoquée : les performances de la police. Elle n'écoute pas où ne prête pas attention, disent certains sondés. Pour d'autres, pas la peine d'aller voir les policiers, car ils demanderaient de l'argent. Enfin, d'autres sondés disent que la police ne sera pas capable d'intervenir. En Guinée, 18 % seulement des personnes interrogées estiment qu'il sera facile ou très facile d'obtenir de l'aide des policiers, 19 % au Cameroun et au Bénin.
Dernier constat : un tiers des personnes interrogées estiment que la police fait souvent, ou toujours, un traitement différencié pour les hommes et les femmes. Les pays dans lesquels les discriminations sont les plus fortes sont la Sierra Leone, le Maroc et le Soudan.
Boubacar N'Diaye est professeur d'études africaines et de science politique au Wooster college, aux Etats-Unis. Il travaille sur la réforme des secteurs de sécurité. Et pour lui, les polices africaines doivent effectuer leur « révolution culturelle » si elles veulent rétablir la confiance avec les populations.
Source : Rfi.fr