Etymologiquement le mot Niam diodo est composé de deux syllabes (niam : manger ; diodo ; rester). Ce phénomène de société qui consisterait à faire résider l’étranger ou l’étrangère, une mariée ou un marié contre leur gré et sans se soucier de leurs origines et de leurs parents. Selon certains, ceci est dû au manger et/ou à l’eau que la victime aurait consommés sur place. Tening, la septuagénaire, très nostalgique, déclare « il faut ignorer les réalités socioculturelles du Fouladou pour ignorer l’existence du Niam diodo ».
Elle révèle : « il fut un moment, aucun homme ne pouvait résister à mes poudres et ficelles. Une femme qui se présentait chez moi pour s’attirer l’amour d’un homme l’aura forcement. Il suffisait qu’elle connaisse le nom de la mère de son ami pour qu’il tombe sous le coup, moyennant 15 frs. » Selon toujours notre interlocutrice « après avoir fait mon travail, la femme sera chargée de faire boire ou manger tout ce mélange. Une fois fait, ce dernier ne pensera plus à retourner chez lui. Il sera exclusivement à la disposition de cette femme ». Elle s’empresse de préciser « je le faisais si c’est pour que le mec soit votre mari mais pour le maltraiter ou faire l’adultère, alors non ! ».
Ngaling lui s’empresse d’apporter ce témoignage : « je connais beaucoup de fonctionnaires à la retraite aujourd’hui à Vélingara, s’ils ne sont pas rentrés dans leurs milieux d’origine c’est parce qu’ils ont été victimes de cette pratique. Ils ne vont plus rentrer. Ils resteront toujours ici avec leurs familles ».
Pour M. Camara le Niam diodo est une croyance populaire héritée des anciens fonctionnaires qui ont eu à résider sur cette terre du Fouladou et qui étaient bien traités par leurs hôtes. Pour notre interlocuteur « en général celui qui se dit victime du Niam Diodo est un individu qui a un caractère qui plait au milieu, il a une rentabilité pour le milieu d’accueil.
Cela veut dire que la personne susceptible d’être victime du Niam Diodo est une personne qui ne souffre d’aucune restriction. Il est choyé par « ses nouveaux parents » à cause de son sens du devoir, son amour pour le milieu, son engagement. Il peut faire progresser le milieu. Ils ne veulent pas le perdre en tant que valeur. Cela peut être l’œuvre d’une femme qui pense que cet homme peut faire son affaire, bénéficier de ses largesses ; c’est pourquoi on travaille à lui donner le Niam diodo. Donc cette dernière travaille à conquérir le cœur de cette dernière.
Selon toujours M. Camara « une dame peut être victime de cette pratique et qui finira d’accepter les conditions matérielles, psychologiques, sociales et culturelles du milieu. Elle se mêle au groupe social, joue un rôle prépondérant, les gens se reconnaissent en elle. Ainsi il ou elle s’enracine. C’est cette dimension qu’il faut voir dans le Niam Diodo : son caractère rationnel ». Il signale par ailleurs que cette pratique n’est pas propre au Fouladou « il est pratiqué partout en Afrique seulement ce sont les noms qui diffèrent ; même si cela relève de l’irrationnel, l’Afrique à ses réalités.
Ailleurs au Sénégal c’est le « Noop ». De l’avis de Nioboung Baldé, animateur culturel, « c’est la facilité légendaire du Fouladou qui retenait jadis les fonctionnaires et autres saisonniers y débarquant pour la première fois ». Ou pour montrer la considération que les populations ont de l’étranger, « ils vont jusqu’à lui donner une femme afin qu’il ne sorte pas de la famille ». En fin de compte a-t-il souligné « sous l’influence du milieu il perd ses origines. Et parfois même son nom de famille pour porter celui de ses hébergeurs. Plus tard on lui trouve un carré, alors il réside définitivement ».
Pour Nioboung, cela n’est pas une explication car soutient –il « il arrive que ceux qui se disent victimes du Niam diodo aient des différents ou antécédents avec leurs familles d’origine au point d’être rejetés par celle-ci donc face à cette situation, d’aucuns ont préféré venir rester au Fouladou véritable havre de paix ou l’étranger bénéficie de beaucoup de considérations.
Khadiatou Baldé, elle n’a pas manqué de les traiter d’adeptes de la solution facile et regrette que l’image du Fouladou soit écornée à un certain moment de l’histoire par les adeptes de la solution facile qui, pendant qu’ils étaient en activité n’ont rien réalisé, sinon la belle vie. Donc après à la retraite, ils se retrouvent sans toit. Et lance-t-elle laconiquement : « diom moy touki fouleu moy gnibisi.
Source : Le matin