Plan Sénégal Emergent (PSE), dit-on. Le Sénégal ne peut émerger tant que l’environnement des affaires sera morose. L’investissement privé national et étranger ne peut prospérer avec un cadre juridique, fiscal et administratif teinté de lugubrité, d’opacité, et surtout d’incertitudes repoussantes. Les initiatives au sommet pour l’assainissement et la perfection de cet environnement ne seront que d’un impact négligeable dans la multiplicité, la cacophonie, l’incohérence et la singularisation des entités et acteurs. L’efficacité et l’efficience requises pour encourager les initiatives privées et renforcer l’attractivité des territoires ne pourront être au rendez-vous dans le confort suffisant, insoucieux et condescendant de nombreux agents des services publics. L’initiative par l’activité économique, vecteur d’émergence, ne peut se développer avec des banques et des institutions financières voraces, rapaces et usuraires traitant les créateurs de richesses du haut de leur formalisme désuet et de leur frilosité coupable.
Les réformes entreprises n’apporteront que de piètres résultats sans effort d’information des publics, de communication au niveau institutionnel, d’éducation des agents, de sensibilisation et d’incitation des acteurs économiques, de contrôle et de suivi dans la mise en œuvre des mesures. Les meilleures réformes n’ont que peu d’impacts si les réels concernés n’en savent rien ou éprouvent les pires difficultés s’ils essayent de s’informer afin de se les approprier. Toutes ces considérations, de toute évidence, sont un secret de polichinelle. Elles postulent une seule exigence, l’urgence d’agir pour la mise en œuvre de réformes vigoureuses pour un environnement des affaires saint, lisible et favorable à la prise de risques. L’imprévisibilité économique fait que la gestion du risque d’entreprendre est tellement précaire au Sénégal que la conséquence dans nos tribunaux est que, nombreux sont les entrepreneurs victimes des effets pervers de ce risque. Ils passent pour des escrocs ou des délinquants économiques alors qu’en vérité, ils auraient dû être célébrés, magnifiés et auréolés tels des héros créateurs d’emplois, et de la même manière accompagnés, soutenus et encouragés tels des soldats de l’émergence.
Le comble de tout est que des affaires civiles et commerciales les concernant sont souvent traitées en correctionnel décourageant ainsi bon nombres de créateurs de richesses. A l’évidence, notre justice n’est pas suffisamment préparée pour traiter les affaires commerciales. Sans protection, sans accompagnement, l’image parfois ternie à jamais, l’entrepreneur-créateur est livré à lui-même, à son drame personnel et parfois familial. D’où une exigence de réforme ne devant exclure une orientation vers des tribunaux commerciaux dédiés. Autant la question de la prévisibilité du risque pour la sécurité de l’investisseur est un défi, autant celle de l’emploi est un défi majeur pour le gouvernement actuel. L’Etat, ne pouvant isolément en offrir en quantité suffisante, doit davantage promouvoir des initiatives pour construire la confiance qui développe l’initiatique économique génératrice d’emplois et de richesses. Des réformes sont en cours, en l’occurrence le Programme de Réforme pour l’Amélioration de l’Environnement des Affaires (PREAC) adopté lors de la 11ème session du Conseil présidentiel tenu le 14 décembre 2012.
Les axes stratégiques et les mesures prioritaires desdites réformes sont, entres autres, l’automatisation des procédures administratives, la simplification du dispositif fiscal et juridique, l’amélioration de la compétitivité des facteurs de production ainsi que la promotion de l’investissement à fort impact dans les pôles de développement. Elles paraissent abonder dans le bon sens et vont sans doute devoir s’accélérer et se renforcer pour favoriser l’assainissement de l’environnement des affaires à l’horizon 2015. Mais au-delà, il convient d’identifier les perspectives, sans lesquelles, celles-ci resteront lettres mortes ou serviront uniquement de faire valoir pour appâter les partenaires extérieurs au développement tout en laissant en rade les partenaires stratégiques à proximité. Il s’agit de : Promouvoir la logique d’actions transversales Le dédoublement ainsi que la singularisation dominant chez les différents acteurs du public traduisent une logique de gestion sectorielle. C’est la confusion entre l’être et la raison d’être. Une telle confusion crée une vaine résistance obstruant les efforts de mutualisation au niveau des doublons impertinents. Il est nécessaire de sortir chaque acteur important du confort de sa singularisation et de le mettre dans une logique et une perspective d’actions transversales sans lesquelles il sera difficile de produire des résultats avec efficience et efficacité. Le questionnement pourrait être simplement le suivant :
• Qui fait quoi ? Le lieu de la recherche de complémentarité, de carence, et d’intelligence territoriale et économique. • Avec qui et au service de qui ? Le lieu de la mutualisation des moyens au service de l’usager • Quoi et comment répondre à l’investisseur (ou à l’entrepreneur) dans les trois phases suivantes concernant le processus de maturation de l’acte d’entreprendre : l’hésitation (réflexion sur l’opportunité de se lancer), la décision (engagement d’entreprendre), l’action (mise en œuvre et consolidation) ? • Quelle interaction et à quelle échelle entre l’investisseur-entrepreneur et le service public ? Promouvoir cette logique permet d’assurer la convergence des actions pour un partenariat stratégique renforcé entre acteurs au bénéfice de tous. Cependant, certaines décisions semblent être de nature à compromettre cette nécessité de transversalité. En effet, la mise en place à côté de l’APIX qui est rattachée au MPIP sous le régime actuel (initialement rattachée au cabinet du Président de la République sous l’ancien pouvoir) et qui remplit sa mission de manière très appréciable depuis sa création, de deux entités supplémentaires, à savoir le Ministère de la Promotion des Investissements et des Partenariats (MPIP) ainsi que du Bureau opérationnel de Suivi du Plan Sénégal Emergent (BOSSE) avec nomination d’un coordinateur ayant rang de Ministre Conseiller auprès du Président de la République, nous parait superflu et improductif ce, en dépit d’une pertinence apparente prise chacune isolément.
Dès lors et à défaut d’une remise en question, l’exigence de cohérence voudrait résolument une institutionnalisation de leur collaboration avec une claire définition d’un cadre d’impulsion et de coordination. Autrement, le risque suivant pourrait en découler : un ministère de trop à la limite d’un acte de recasement politique suçant davantage le contribuable, une agence qualifiée se retrouvant affaiblie avec possibilité de démotivation de ses cadres les plus compétents et un bureau opérationnel qui peinera à l’être, plombant du coup le projet « PSE ». Il est souvent plus utile de réunir et d’étudier les conditions de rendre plus opératoires les structures existantes que d’en créer d’autres. Notre problème n’est pas forcément un problème de compétence, mais plutôt d’organisation et de mutualisation des compétences existantes. D’où l’enjeu de la transversalité. Fixer le cadre d’impulsion et de coordination La transversalité et la complémentarité des actions requièrent la définition d’un échelon pertinent pour réussir les dynamiques d’unité au service de l’initiative économique, de l’emploi et du développement territoriale. Pour ce faire, il faudrait évidemment œuvrer en vue de casser les logiques de pouvoirs parcellaires pour une logique de fédération des énergies. Un seul impératif, co-construire des réponses adaptées en vue de produire les résultats désirés. Le questionnement pourrait être le suivant :
• Quels acteurs et quelles échelles ? Le lieu de l’identification des acteurs et de la définition du cadre pertinent de réflexion stratégique selon les domaines. • Quel leadership pour quelles compétences ? Le lieu de la fixation du cadre de portage de l’impulsion et de la coordination. Un leadership doit être défini pour chaque compétence et pour chaque mission, à l’image du guichet unique de l’APIX pour la facilitation des procédures administratives. Une innovation majeure qui n’est pas suffisamment vulgarisée comme il en est de même des autres formes d’assistance que l’APIX apporte aux investisseurs et créateurs. Sans leadership il sera difficile d’impulser les initiatives nécessaires à l’implication des différents acteurs, à l’échange d’information rendant plus efficace l’allocation des ressources, à la collaboration à travers des mécanismes pérennes et au renforcement de la coordination. C’est ce leadership acté qui permet d’institutionnaliser l’action collective et de rendre lisibles les stratégies et mesures de gouvernance. A chaque mission et compétence correspond une entité qui peut porter avec pertinence l’impulsion et la coordination. S’orienter vers un guichet unique « Les composantes de la société ne sont pas les êtres humains, mais les relations qui existent entre eux. » dit l’historien Arnold Toynbee.
Dans un monde de réseaux et en réseau, l’essentiel est dans l’économie relationnelle. La dynamisation du flux d’échanges permet de rendre les initiatives interopérables et de susciter, à travers le réseau, des alliances entrepreneuriales au service de l’initiative. C’est donc à partir d’un point de repère, qu’il convient d’organiser le flux d’échanges par la mise en réseau et la mutualisation des énergies rendant possible la convergence des actions vers les résultats souhaités. Le questionnement suivant ne serait pas sans intérêt: • Y-a-t-il des domaines partagés ? lieu d’identification des doublons, des points de chevauchement, de coordination ou de complémentarité pour des entités comme l’APIX, la CCIA, l’ADPME, les ARD, etc. • Quels sont les domaines réservés à la stratégie, à la politique de proximité, à l’appui aux entreprises? Lieu d’identification des différents segments pour la réflexion et l’action. • Quel est le positionnement de l’entité de service public dans la chaine de valeur ? Le guichet unique offre un repère et un interlocuteur à l’investisseur-entrepreneur. Mutualisant les ressources, c’est le point de convergence des actions pour un service public apportant des résultats plus satisfaisants. Promouvoir le volontariat, la capacitation et l’insertion à l’échelle locale Le territoire est de plus en plus le lieu de définition des problèmes publics, partant ceux concernant l’emploi.
Partir des initiatives locales nous parait une échelle pertinente dans la recherche de solutions. A ce niveau, la valorisation des compétences acquises dans un cadre non-formel et associatif est une étape pour l’intégration à la vie socio-économique donc de réduction du chômage et de participation à la dynamique de développement du territoire. Une bonne perspective serait de restructurer et de redynamiser les associations sportives et cultures (ASC) vidées aujourd’hui de leurs substances et d’en faire des espaces d’accueil pour l’éducation à l’engagement citoyen, la culture de l’autonomie, l’initiation à l’initiative, la cooptation, la capacitation et l’insertion des jeunes. L’enjeu est double, en ce sens qu’il permet, au-delà du sport, de prendre en charge deux questions : l’emploi et la culture. En impliquant les ministères de la jeunesse, de la formation professionnelle et des collectivités locales, il ne serait pas incongru de susciter et de favoriser l’engagement des jeunes non diplômés vers l’insertion professionnelle à travers des actes de volontariat pour l’insertion partant de la valorisation de l’acquis non-formel et de la définition d’un parcours de formation et d’insertion. Joignant donc le ‘’futile’’ à l’utile, l’ASC servira de prétexte à accompagner les publics de jeunes en rupture vers des parcours de réussite socio-professionnelle.
Les ASC deviendront de moins en moins le lieu où la jeunesse perd son temps et son âme. Elles seront plutôt des lieux pour susciter des vocations, détecter des talents et développer de nouvelles pratiques dans le sens d’accompagner, d’émanciper et d’insérer. Plus globalement, les associations sont des relais formidables pour engager et promouvoir l’initiative par l’activité économique et culturelle. Une telle initiative décentralisée croisant l’adhésion centrale pourrait requérir le soutien de privés pour construire une chaine de valeurs d’utilité et d’impact socio-professionnels : « valorisation-capacitation-insertion ». Ainsi, à travers des projets individuels ou collectifs simples et innovants orientés vers les emplois sur la matière (agriculture, pêche, élevage, etc.) ou sur la culture, ces jeunes peuvent bénéficier d’un accueil et d’une orientation menant au succès. Un axe à méditer : fixer le cap de ‘’l’exode urbain’’ à travers des contrats de ‘’volontariats collectifs’’ autour de projets agricoles. Attaquer la problématique du chômage et de l’oisiveté autour de ‘’la tasse de thé’’ en incitant vers des projets collectifs structurants donnant vie à des territoires isolés et victimes de l’exode rural. Donc renverser la tendance de la surpopulation et de l’errance dans les villes qui sont sources de désœuvrement et de criminalité vers une politique volontariste d’accompagnement vers la ruralité. Une perspective qui pourrait intéresser les ministères de l’agriculture, de la jeunesse, des collectivités locales et éventuellement des forces armées.
Tout est dans le volontariat et la transversalité. En résumé, savoir partir de la proximité des activités de quartier pour mettre en place des dispositifs de soutien à l’entreprenariat et aux métiers du terroir. Appuyer l’artisanat local Notre génie local, l’artisanat, est laissé à lui-même, parfois méprisé. Or, c’est un moteur fécond de créativité, générateur d’emploi et porteur d’images, un passage obligé pour notre émergence. Organiser, former et faire confiance est le triptyque autour duquel il est impérieux d’engager l’appui à ce secteur. La plupart de nos artisans et ouvriers se sont formés dans l’informel. Dès lors, il est d’intérêt public de les organiser en valorisant leurs acquis non-formel, les former à un certain niveau de standard afin de les rendre plus compétitifs et surtout de leur faire confiance dans la commande publique. Prenons l’exemple de la filière de la menuiserie et du bois. Il est inconcevable de constater les énormes fonds publics engagés dans l’importation de mobiliers destinés à l’administration alors que l’orientation de la commande publique aurait permis de créer des emplois, de relever le niveau de qualité et de qualification des artisans, et surtout de renforcer un secteur d’activité avec possibilité d’ouvrir de sérieuses perspectives vers l’exportation. En lieu et place de nous engager dans cette voie de valorisation de nos talents, nous gaspillons nos fonds publics à recevoir du matériel de moins bonne qualité, en l’occurrence ‘’la poubelle’’ de Chine ou d’Europe faisant le bonheur de quelques ‘’malheureux’’ cadres de la fonction publique et surtout de l’industrie des pays d’importation.
L’appui à l’artisanat local peut se fonder autour de spécificités territoriales. Car chaque territoire a une âme et regorge de talents et de compétences qui fondent sa spécificité. Le projet d’industrialisation, un impératif pour notre émergence, passe par notre savoir-faire qui ne peut pas être déconnecté de notre artisanat. Le secteur de l’artisanat a besoin d’une rupture sérieuse dans les politiques publiques afin de mieux contribuer à la création d’emploi, de richesses et à l’émergence de notre industrie. Donner un sens et une puissance à la coopération locale La coopération au niveau local n’est pas suffisamment utilisée dans la recherche des solutions à l’emploi et à la création d’activités. Nos territoires ne sont pas suffisamment dotés de ressources financières, donc ce n’est pas avec les budgets actuels et les dotations financières qu’il faut espérer les transformer. Tout est donc dans le génie du management territorial. Avoir la capacité d’impliquer et de faire concourir l’ensemble des acteurs économiques, culturels et scientifiques locaux à la vie du territoire. C’est là une nouvelle vision de la gouvernance territoriale permettant de renforcer les liens entre entités locales (collectivités, services déconcentrés, entreprises, universités, associations, etc.) pour co-produire des solutions répondant aux problèmes du territoire.
Cette vision permettrait aussi de rompre avec l’attitude attentiste notée chez la plupart des acteurs locaux : attendre énormément du pouvoir central ou désespérément de la coopération décentralisée entre collectivités du nord et du sud. Les énergies et ressources pour développer le territoire sont au sein du territoire et pas ailleurs. Ce mode de coopération a le mérite de partir des ressources et compétences endogènes pour envisager le développement. Etat, collectivités locales, entreprises privés, fondations, ENSEMBLE, pour co-investir dans des projets structurants, y’a-t-il une meilleure perspective pour l’emploi et l’émergence ? Les écoles et les universités sont dans le confort de l’élitisme, souvent déconnectées de la recherche de solutions opérationnelles pour le développement. Pourtant, les collectivités locales gagneraient, à les tirer de ce confort en initiant avec elles des relations de partenariat stimulant la recherche-action. C’est le parfait cadre pour promouvoir l’initiative et l’innovation à travers la mise en place d’incubateurs ou de pépinières d’entreprises, ou encore d’orienter certains projets de recherches et de stage au service des besoins du territoire. Les entreprises sont dans un isolement non-citoyen ou improductif pour le territoire.
Les collectivités et les services déconcentrés ont une relation à la fois vicieuse et exécrable avec les entreprises, en ce sens qu’ils mettent en avant la dimension ‘’vache à lait’’ en les suçant fiscalement. Les services municipaux ou des impôts ont le beau rôle, attendre les entreprises visibles ou les têtes qui émergent et dérouler un chapelet de mesures de ponction financière au lieu de penser d’abord à leur offrir des services de localisation physique et de les accompagner vers la consolidation de leurs activités. Pour conclure, nous estimons qu’une bonne prise en compte de la question de l’emploi et de la création à partir de nos territoires peut constituer un important facteur de dynamisme et d’émergence. Les réformes en vue d’un environnement saint des affaires au Sénégal ne doivent pas constituer une affaire d’élites et de technocrates ayant une bonne maîtrise de leur dossier. Elles n’auront de sens que dans la mesure où elles seront perceptibles auprès des acteurs et des cibles, impacteront dans leur quotidien et favoriseront très sensiblement l’initiative par l’activité économique. L’enjeu est donc dans l’effort de communication, de partage, de démocratisation de l’information, de participation, de transversalité et d’institutionnalisation des actions collectives afin de produire des résultats rendant plus attractifs nos territoires et donc notre pays. Engager la bataille de l’émergence sur le front de l’emploi, une condition majeure pour le succès du projet.
Les réformes entreprises n’apporteront que de piètres résultats sans effort d’information des publics, de communication au niveau institutionnel, d’éducation des agents, de sensibilisation et d’incitation des acteurs économiques, de contrôle et de suivi dans la mise en œuvre des mesures. Les meilleures réformes n’ont que peu d’impacts si les réels concernés n’en savent rien ou éprouvent les pires difficultés s’ils essayent de s’informer afin de se les approprier. Toutes ces considérations, de toute évidence, sont un secret de polichinelle. Elles postulent une seule exigence, l’urgence d’agir pour la mise en œuvre de réformes vigoureuses pour un environnement des affaires saint, lisible et favorable à la prise de risques. L’imprévisibilité économique fait que la gestion du risque d’entreprendre est tellement précaire au Sénégal que la conséquence dans nos tribunaux est que, nombreux sont les entrepreneurs victimes des effets pervers de ce risque. Ils passent pour des escrocs ou des délinquants économiques alors qu’en vérité, ils auraient dû être célébrés, magnifiés et auréolés tels des héros créateurs d’emplois, et de la même manière accompagnés, soutenus et encouragés tels des soldats de l’émergence.
Le comble de tout est que des affaires civiles et commerciales les concernant sont souvent traitées en correctionnel décourageant ainsi bon nombres de créateurs de richesses. A l’évidence, notre justice n’est pas suffisamment préparée pour traiter les affaires commerciales. Sans protection, sans accompagnement, l’image parfois ternie à jamais, l’entrepreneur-créateur est livré à lui-même, à son drame personnel et parfois familial. D’où une exigence de réforme ne devant exclure une orientation vers des tribunaux commerciaux dédiés. Autant la question de la prévisibilité du risque pour la sécurité de l’investisseur est un défi, autant celle de l’emploi est un défi majeur pour le gouvernement actuel. L’Etat, ne pouvant isolément en offrir en quantité suffisante, doit davantage promouvoir des initiatives pour construire la confiance qui développe l’initiatique économique génératrice d’emplois et de richesses. Des réformes sont en cours, en l’occurrence le Programme de Réforme pour l’Amélioration de l’Environnement des Affaires (PREAC) adopté lors de la 11ème session du Conseil présidentiel tenu le 14 décembre 2012.
Les axes stratégiques et les mesures prioritaires desdites réformes sont, entres autres, l’automatisation des procédures administratives, la simplification du dispositif fiscal et juridique, l’amélioration de la compétitivité des facteurs de production ainsi que la promotion de l’investissement à fort impact dans les pôles de développement. Elles paraissent abonder dans le bon sens et vont sans doute devoir s’accélérer et se renforcer pour favoriser l’assainissement de l’environnement des affaires à l’horizon 2015. Mais au-delà, il convient d’identifier les perspectives, sans lesquelles, celles-ci resteront lettres mortes ou serviront uniquement de faire valoir pour appâter les partenaires extérieurs au développement tout en laissant en rade les partenaires stratégiques à proximité. Il s’agit de : Promouvoir la logique d’actions transversales Le dédoublement ainsi que la singularisation dominant chez les différents acteurs du public traduisent une logique de gestion sectorielle. C’est la confusion entre l’être et la raison d’être. Une telle confusion crée une vaine résistance obstruant les efforts de mutualisation au niveau des doublons impertinents. Il est nécessaire de sortir chaque acteur important du confort de sa singularisation et de le mettre dans une logique et une perspective d’actions transversales sans lesquelles il sera difficile de produire des résultats avec efficience et efficacité. Le questionnement pourrait être simplement le suivant :
• Qui fait quoi ? Le lieu de la recherche de complémentarité, de carence, et d’intelligence territoriale et économique. • Avec qui et au service de qui ? Le lieu de la mutualisation des moyens au service de l’usager • Quoi et comment répondre à l’investisseur (ou à l’entrepreneur) dans les trois phases suivantes concernant le processus de maturation de l’acte d’entreprendre : l’hésitation (réflexion sur l’opportunité de se lancer), la décision (engagement d’entreprendre), l’action (mise en œuvre et consolidation) ? • Quelle interaction et à quelle échelle entre l’investisseur-entrepreneur et le service public ? Promouvoir cette logique permet d’assurer la convergence des actions pour un partenariat stratégique renforcé entre acteurs au bénéfice de tous. Cependant, certaines décisions semblent être de nature à compromettre cette nécessité de transversalité. En effet, la mise en place à côté de l’APIX qui est rattachée au MPIP sous le régime actuel (initialement rattachée au cabinet du Président de la République sous l’ancien pouvoir) et qui remplit sa mission de manière très appréciable depuis sa création, de deux entités supplémentaires, à savoir le Ministère de la Promotion des Investissements et des Partenariats (MPIP) ainsi que du Bureau opérationnel de Suivi du Plan Sénégal Emergent (BOSSE) avec nomination d’un coordinateur ayant rang de Ministre Conseiller auprès du Président de la République, nous parait superflu et improductif ce, en dépit d’une pertinence apparente prise chacune isolément.
Dès lors et à défaut d’une remise en question, l’exigence de cohérence voudrait résolument une institutionnalisation de leur collaboration avec une claire définition d’un cadre d’impulsion et de coordination. Autrement, le risque suivant pourrait en découler : un ministère de trop à la limite d’un acte de recasement politique suçant davantage le contribuable, une agence qualifiée se retrouvant affaiblie avec possibilité de démotivation de ses cadres les plus compétents et un bureau opérationnel qui peinera à l’être, plombant du coup le projet « PSE ». Il est souvent plus utile de réunir et d’étudier les conditions de rendre plus opératoires les structures existantes que d’en créer d’autres. Notre problème n’est pas forcément un problème de compétence, mais plutôt d’organisation et de mutualisation des compétences existantes. D’où l’enjeu de la transversalité. Fixer le cadre d’impulsion et de coordination La transversalité et la complémentarité des actions requièrent la définition d’un échelon pertinent pour réussir les dynamiques d’unité au service de l’initiative économique, de l’emploi et du développement territoriale. Pour ce faire, il faudrait évidemment œuvrer en vue de casser les logiques de pouvoirs parcellaires pour une logique de fédération des énergies. Un seul impératif, co-construire des réponses adaptées en vue de produire les résultats désirés. Le questionnement pourrait être le suivant :
• Quels acteurs et quelles échelles ? Le lieu de l’identification des acteurs et de la définition du cadre pertinent de réflexion stratégique selon les domaines. • Quel leadership pour quelles compétences ? Le lieu de la fixation du cadre de portage de l’impulsion et de la coordination. Un leadership doit être défini pour chaque compétence et pour chaque mission, à l’image du guichet unique de l’APIX pour la facilitation des procédures administratives. Une innovation majeure qui n’est pas suffisamment vulgarisée comme il en est de même des autres formes d’assistance que l’APIX apporte aux investisseurs et créateurs. Sans leadership il sera difficile d’impulser les initiatives nécessaires à l’implication des différents acteurs, à l’échange d’information rendant plus efficace l’allocation des ressources, à la collaboration à travers des mécanismes pérennes et au renforcement de la coordination. C’est ce leadership acté qui permet d’institutionnaliser l’action collective et de rendre lisibles les stratégies et mesures de gouvernance. A chaque mission et compétence correspond une entité qui peut porter avec pertinence l’impulsion et la coordination. S’orienter vers un guichet unique « Les composantes de la société ne sont pas les êtres humains, mais les relations qui existent entre eux. » dit l’historien Arnold Toynbee.
Dans un monde de réseaux et en réseau, l’essentiel est dans l’économie relationnelle. La dynamisation du flux d’échanges permet de rendre les initiatives interopérables et de susciter, à travers le réseau, des alliances entrepreneuriales au service de l’initiative. C’est donc à partir d’un point de repère, qu’il convient d’organiser le flux d’échanges par la mise en réseau et la mutualisation des énergies rendant possible la convergence des actions vers les résultats souhaités. Le questionnement suivant ne serait pas sans intérêt: • Y-a-t-il des domaines partagés ? lieu d’identification des doublons, des points de chevauchement, de coordination ou de complémentarité pour des entités comme l’APIX, la CCIA, l’ADPME, les ARD, etc. • Quels sont les domaines réservés à la stratégie, à la politique de proximité, à l’appui aux entreprises? Lieu d’identification des différents segments pour la réflexion et l’action. • Quel est le positionnement de l’entité de service public dans la chaine de valeur ? Le guichet unique offre un repère et un interlocuteur à l’investisseur-entrepreneur. Mutualisant les ressources, c’est le point de convergence des actions pour un service public apportant des résultats plus satisfaisants. Promouvoir le volontariat, la capacitation et l’insertion à l’échelle locale Le territoire est de plus en plus le lieu de définition des problèmes publics, partant ceux concernant l’emploi.
Partir des initiatives locales nous parait une échelle pertinente dans la recherche de solutions. A ce niveau, la valorisation des compétences acquises dans un cadre non-formel et associatif est une étape pour l’intégration à la vie socio-économique donc de réduction du chômage et de participation à la dynamique de développement du territoire. Une bonne perspective serait de restructurer et de redynamiser les associations sportives et cultures (ASC) vidées aujourd’hui de leurs substances et d’en faire des espaces d’accueil pour l’éducation à l’engagement citoyen, la culture de l’autonomie, l’initiation à l’initiative, la cooptation, la capacitation et l’insertion des jeunes. L’enjeu est double, en ce sens qu’il permet, au-delà du sport, de prendre en charge deux questions : l’emploi et la culture. En impliquant les ministères de la jeunesse, de la formation professionnelle et des collectivités locales, il ne serait pas incongru de susciter et de favoriser l’engagement des jeunes non diplômés vers l’insertion professionnelle à travers des actes de volontariat pour l’insertion partant de la valorisation de l’acquis non-formel et de la définition d’un parcours de formation et d’insertion. Joignant donc le ‘’futile’’ à l’utile, l’ASC servira de prétexte à accompagner les publics de jeunes en rupture vers des parcours de réussite socio-professionnelle.
Les ASC deviendront de moins en moins le lieu où la jeunesse perd son temps et son âme. Elles seront plutôt des lieux pour susciter des vocations, détecter des talents et développer de nouvelles pratiques dans le sens d’accompagner, d’émanciper et d’insérer. Plus globalement, les associations sont des relais formidables pour engager et promouvoir l’initiative par l’activité économique et culturelle. Une telle initiative décentralisée croisant l’adhésion centrale pourrait requérir le soutien de privés pour construire une chaine de valeurs d’utilité et d’impact socio-professionnels : « valorisation-capacitation-insertion ». Ainsi, à travers des projets individuels ou collectifs simples et innovants orientés vers les emplois sur la matière (agriculture, pêche, élevage, etc.) ou sur la culture, ces jeunes peuvent bénéficier d’un accueil et d’une orientation menant au succès. Un axe à méditer : fixer le cap de ‘’l’exode urbain’’ à travers des contrats de ‘’volontariats collectifs’’ autour de projets agricoles. Attaquer la problématique du chômage et de l’oisiveté autour de ‘’la tasse de thé’’ en incitant vers des projets collectifs structurants donnant vie à des territoires isolés et victimes de l’exode rural. Donc renverser la tendance de la surpopulation et de l’errance dans les villes qui sont sources de désœuvrement et de criminalité vers une politique volontariste d’accompagnement vers la ruralité. Une perspective qui pourrait intéresser les ministères de l’agriculture, de la jeunesse, des collectivités locales et éventuellement des forces armées.
Tout est dans le volontariat et la transversalité. En résumé, savoir partir de la proximité des activités de quartier pour mettre en place des dispositifs de soutien à l’entreprenariat et aux métiers du terroir. Appuyer l’artisanat local Notre génie local, l’artisanat, est laissé à lui-même, parfois méprisé. Or, c’est un moteur fécond de créativité, générateur d’emploi et porteur d’images, un passage obligé pour notre émergence. Organiser, former et faire confiance est le triptyque autour duquel il est impérieux d’engager l’appui à ce secteur. La plupart de nos artisans et ouvriers se sont formés dans l’informel. Dès lors, il est d’intérêt public de les organiser en valorisant leurs acquis non-formel, les former à un certain niveau de standard afin de les rendre plus compétitifs et surtout de leur faire confiance dans la commande publique. Prenons l’exemple de la filière de la menuiserie et du bois. Il est inconcevable de constater les énormes fonds publics engagés dans l’importation de mobiliers destinés à l’administration alors que l’orientation de la commande publique aurait permis de créer des emplois, de relever le niveau de qualité et de qualification des artisans, et surtout de renforcer un secteur d’activité avec possibilité d’ouvrir de sérieuses perspectives vers l’exportation. En lieu et place de nous engager dans cette voie de valorisation de nos talents, nous gaspillons nos fonds publics à recevoir du matériel de moins bonne qualité, en l’occurrence ‘’la poubelle’’ de Chine ou d’Europe faisant le bonheur de quelques ‘’malheureux’’ cadres de la fonction publique et surtout de l’industrie des pays d’importation.
L’appui à l’artisanat local peut se fonder autour de spécificités territoriales. Car chaque territoire a une âme et regorge de talents et de compétences qui fondent sa spécificité. Le projet d’industrialisation, un impératif pour notre émergence, passe par notre savoir-faire qui ne peut pas être déconnecté de notre artisanat. Le secteur de l’artisanat a besoin d’une rupture sérieuse dans les politiques publiques afin de mieux contribuer à la création d’emploi, de richesses et à l’émergence de notre industrie. Donner un sens et une puissance à la coopération locale La coopération au niveau local n’est pas suffisamment utilisée dans la recherche des solutions à l’emploi et à la création d’activités. Nos territoires ne sont pas suffisamment dotés de ressources financières, donc ce n’est pas avec les budgets actuels et les dotations financières qu’il faut espérer les transformer. Tout est donc dans le génie du management territorial. Avoir la capacité d’impliquer et de faire concourir l’ensemble des acteurs économiques, culturels et scientifiques locaux à la vie du territoire. C’est là une nouvelle vision de la gouvernance territoriale permettant de renforcer les liens entre entités locales (collectivités, services déconcentrés, entreprises, universités, associations, etc.) pour co-produire des solutions répondant aux problèmes du territoire.
Cette vision permettrait aussi de rompre avec l’attitude attentiste notée chez la plupart des acteurs locaux : attendre énormément du pouvoir central ou désespérément de la coopération décentralisée entre collectivités du nord et du sud. Les énergies et ressources pour développer le territoire sont au sein du territoire et pas ailleurs. Ce mode de coopération a le mérite de partir des ressources et compétences endogènes pour envisager le développement. Etat, collectivités locales, entreprises privés, fondations, ENSEMBLE, pour co-investir dans des projets structurants, y’a-t-il une meilleure perspective pour l’emploi et l’émergence ? Les écoles et les universités sont dans le confort de l’élitisme, souvent déconnectées de la recherche de solutions opérationnelles pour le développement. Pourtant, les collectivités locales gagneraient, à les tirer de ce confort en initiant avec elles des relations de partenariat stimulant la recherche-action. C’est le parfait cadre pour promouvoir l’initiative et l’innovation à travers la mise en place d’incubateurs ou de pépinières d’entreprises, ou encore d’orienter certains projets de recherches et de stage au service des besoins du territoire. Les entreprises sont dans un isolement non-citoyen ou improductif pour le territoire.
Les collectivités et les services déconcentrés ont une relation à la fois vicieuse et exécrable avec les entreprises, en ce sens qu’ils mettent en avant la dimension ‘’vache à lait’’ en les suçant fiscalement. Les services municipaux ou des impôts ont le beau rôle, attendre les entreprises visibles ou les têtes qui émergent et dérouler un chapelet de mesures de ponction financière au lieu de penser d’abord à leur offrir des services de localisation physique et de les accompagner vers la consolidation de leurs activités. Pour conclure, nous estimons qu’une bonne prise en compte de la question de l’emploi et de la création à partir de nos territoires peut constituer un important facteur de dynamisme et d’émergence. Les réformes en vue d’un environnement saint des affaires au Sénégal ne doivent pas constituer une affaire d’élites et de technocrates ayant une bonne maîtrise de leur dossier. Elles n’auront de sens que dans la mesure où elles seront perceptibles auprès des acteurs et des cibles, impacteront dans leur quotidien et favoriseront très sensiblement l’initiative par l’activité économique. L’enjeu est donc dans l’effort de communication, de partage, de démocratisation de l’information, de participation, de transversalité et d’institutionnalisation des actions collectives afin de produire des résultats rendant plus attractifs nos territoires et donc notre pays. Engager la bataille de l’émergence sur le front de l’emploi, une condition majeure pour le succès du projet.