Le sergent Bowe Bergdahl avait vingt-trois ans au moment de sa capture. Il s’est engagé dans l’armée américaine en rêvant d’un idéal qu’il n’y a manifestement pas trouvé : on sait par son père et ses camarades qu’il était désabusé et déprimé. On sait également que le soir du 30 juin 2009, soir de sa capture, il est sorti de sa base en Afghanistan seul et sans ses armes. Est-il sorti dans un moment d’inconscience, de déprime ? A-t-il déserté ? Ces questions restent aujourd’hui sans réponse.
L'hypothèse de la désertion du jeune sergent alimente la polémique. Certains de ses camarades ainsi que des élus américains demandent que Bow Bergdahl soit traduit en cour martiale dès qu’il sera soigné.
Si toutes sortes d’accusations ont été formulées, la version des faits de Bowe Bergdahl lui-même n'est, elle, pas encore connue. Certains militaires de son détachement affirment que lors des recherches pour sa libération, six militaires ont été tués, ou encore qu’il a déserté pour livrer des informations. Mais ces affirmations ne sont pas prouvées.
La Maison Blanche argue – et à sa suite, certains élus – que l'on ne laisse pas un militaire américain aux mains d’ennemis, quelles que soient les conditions de sa capture. Elle souligne également qu’il répondra de ses actes en temps voulu s'il le faut.
Le tabou du « pas de négociation avec des terroristes » brisé
Autre sujet qui fait l'objet de vifs débats : l’échange du sergent Bergdahl contre cinq prisonniers de Guantanamo, des responsables talibans. Sur ce sujet, la Maison Blanche souligne que dans le cadre d’une guerre, l’échange de prisonniers est prévu par les conventions de Genève. Les Etats-Unis ont déjà échangé des prisonniers avec le Vietnam ou encore le Japon.
Mais certains républicains estiment que la libération des talibans est inadmissible et qu'elle va mettre la vie de tous les Américains à l’étranger en danger. Ils soulignent, surtout, que le tabou sur « pas de négociations avec des terroristes » a été brisé. Le contraire aurait été étonnant, en particulier lors d'une année électorale, tant les points de vue sur ce sujet sont irréconciliables.
Autre élément qui met en colère certains élus : le fait que la Maison Blanche ne les ait prévenus qu’après la libération du soldat Bergdahl, une fois que les prisonniers de Guantanamo étaient déjà dans l’avion vers le Qatar. La loi oblige en principe Barack Obama à prévenir les élus trente jours avant toute libération de Guantanamo.
Mais le président américain avait ajouté un codicille à cette loi prévoyant qu’en cas d’urgence, il se réservait le droit de ne pas respecter le délai. Ce qu’il a donc fait. Ces libérations servent l'objectif d'Obama, qui est de fermer Guantanamo. Mais cela n'a rien enlevé à la fureur des républicains mis devant le fait accompli.
Une famille qui dérange
Il y a enfin le facteur « famille Bergdahl » qui dérange. Le père du soldat, longue barbe de cinq ans, qui s’adresse à son fils en pachtou sur le perron de la Maison Blanche : l'image a choqué plus d’une personne.
Sur ce point aussi, les avis sont très partagés. Robert Bergdahl a cessé de se raser lorsque son fils a été capturé, il a mis sa montre à l’heure de Kaboul pour être « en harmonie » avec lui, a étudié le Coran pour comprendre les ravisseurs de son fils – auxquels il s’est d’ailleurs directement adressé à plusieurs reprises.
Le père du sergent est un iconoclaste qui choque l’establishment. Certains estiment qu’il n’aurait jamais dû être reçu à la Maison Blanche. D’autres le comprennent, et estiment que personne ne peut se mettre à la place d’un père dont le fils est prisonnier.
Il ne s'agit pas là d'un clivage entre démocrates et républicains : le débat sur la libération de Bowe Bergdahl est un sujet sur lequel tout le monde a un avis. La polémique est donc loin d’être terminée.
L'affaire s'éclairera peut-être lorsque Bowe Bergdahl aura parlé. Le jeune homme est, pour l’instant, toujours soigné sur une base américaine en Allemagne.
Source : Rfi.fr