L’inauguration de l’autoroute à Péage Dakar-Diamniadio par le Président de la république a donné un goût amer aux usagers et à la population de la région dakaroise. L’autoroute à Péage, en s’appropriant une partie considérable de l’espace public aménageable au détriment de la route nationale, en modifiant les habitudes des usagers, en appliquant des tarifs prohibitifs à la grande majorité de la population, en engorgeant ainsi la route nationale 1, soulève la question de la légitimité des contrats relatifs à sa gestion.
Il inadmissible que les tarifs appliqués génèrent des embouteillages de plus de 2km sur la Nationale 1, pendant que quelques nantis profitent d’une circulation fluide sur des voies aérées rappelant les grandes routes californiennes. C’est une injustice !
La logique commerciale des partenaires privés ne doit pas amener l’Etat à accepter qu’on supplicie les intérêts de son peuple. Ces bailleurs veulent à la fois la rentabilité et la célérité dans le recouvrement de leurs créances et bénéfices. Le seul moyen pour y parvenir est de pomper le peuple sénégalais, déjà exsangue. D’après les chiffres communiqués, les investisseurs privés auraient participé à hauteur de 130 milliards au coût de l’ouvrage (Qui s’élèverait à un total de 380,2 milliards). Le directeur de l’entreprise SENAC, concessionnaire pour 30 ans, disait il y a quelques semaines qu’ils espéraient une recette journalière moyenne d’environ 12 millions CFA. Il avouait ainsi, sans peut-être s’en rendre compte, qu’ils comptaient rembourser la mise des bailleurs privés avant de léguer la gestion de l’autoroute à l’Etat sénégalais. En effet, 12 millions par jour X 365 jours X 30 ans donnent la participation des bailleurs privés : 131 milliards.
Des tarifs excessifs qui suscitent beaucoup d’interrogations
L’objectif de l’autoroute à péage n’est pas de permettre aux usagers, ayant les moyens, d’éviter les embouteillages et la perte d’essence générée, mais de mettre un terme à ces encombrements routiers qui polluent notre quotidien et étouffent notre économie. Les publicités naïves sur les bienfaits de l’autoroute à péage avouent, à contrario, que celle-ci, en augmentant les bouchons sur les routes nationales, créent une perte de temps et d’argent pour les usagers.
Comment accepter que dans un pays sous-développé comme le notre, l’usager doive, pour parcourir 32 km de Dakar à Diamniadio, débourser 800 francs CFA s’il est en motocycle, et 1400 francs en véhicule particulier? Comment comprendre que des outils de notre croissance économique, que sont les moyens de transport des personnes, des marchandises et des matériaux soient si lourdement facturés ? (2000 francs pour les minibus et 2700 francs pour les camions). Comment comprendre que les tarifs du péage au Sénégal soient jusqu’à trois fois plus chers que ceux appliqués dans les pays de la sous région, et même dans des pays développés, sur des tronçons similaires ? L’autoroute à péage serait-elle un objet de néocolonialisme économique, en ce qu’elle ressuscite les méthodes de la détérioration des termes de l’échange?
La vision affairiste, soutenue par la Banque Mondiale, se focalise sur l’apport potentiel de l’autoroute à péage aux entreprises, qui gagneraient à la fréquenter pour réduire leurs coûts et booster leurs activités. Mais c’est méconnaître la réalité sociale de notre pays, où les théories libérales des institutions de Bretton-woods ne pourront jamais prospérer sans intégrer la condition de nos pauvres ménages.
Congestion des prix assurée, décongestion urbaine annihilée
La population doit refuser que l’autoroute à péage devienne un facteur permanent d’inflation. Les prix archi élevés du péage seront redistribués par les transporteurs, les fournisseurs de services et les commerçants détaillants au consommateur final. L’autoroute devient, de ce seul fait, une arme de destruction massive pour le budget déjà très serré de nos ménages ; un matador de pouvoir d’achat. Le gouvernement ne peut pas tolérer une telle désinvolture.
Avec ces tarifs, il devient suicidaire pour un travailleur moyen d’aller vivre loin du centre économique de Dakar. Sinon il devra affecter une partie significative de son salaire au transport entre son domicile et son lieu de travail. Un habitant de Diamniadio qui travaille à Dakar, et qui gagne 60 000 francs CFA par mois, devra dépenser dans les transports en commun près de la moitié de son salaire pour se rendre au travail. Quel est l’intérêt de l’autoroute à péage pour lui ? A terme, Dakar ne sera pas décongestionnée, mais verra naître des concentrations humaines sans précédent. Les dangers de cette surpopulation sur la santé publique, la tranquillité publique, la salubrité publique et la sécurité publique ne sont plus à démontrer.
Il faut auditer les coûts de réalisation de l’autoroute pour optimiser sa durée d’amortissement
Il y a lieu de se demander s’il fallait féliciter Abdoulaye WADE pour les travaux d’infrastructures qu’il avait entamés. A quel coût a-t-il réalisé ces grands travaux ? Avec les tarifs de l’autoroute de péages, on se demande s’il n’a pas bradé ces marchés aux seules fins de pouvoir se ragaillardir du nombre de réalisations qu’il a faites ; et de s’en servir pour une improbable réélection en 2012 (qu’il n’a pas eue).
Les auditeurs de l’Etat devraient se pencher sur les différents contrats passés par l’Etat avec les partenaires privés, pour apprécier si les intérêts de la nation n’ont pas été sacrifiés au profit des bailleurs et du constructeur-concessionnaire. En ce sens, une contre-expertise indépendante des coûts de construction de l’autoroute à péage s’avère nécessaire. Car des coûts exagérés auront un impact sur la durée d’amortissement de l’ouvrage, qui grèvera éternellement le budget de nos ménages. En effet, pour amortir les investissements de base, il faudra au moins 87 ans avec une recette journalière de 12 000 000 millions de francs CFA. Et si on tient compte des frais d’entretien et de modernisation que le constructeur-concessionnaire pourraient être tenté de faire payer par l’usager, des déficits prévisibles de fréquentation dus à la cherté des tarifs, il faudra compter au moins 100 ans pour que l’investissement de l’autoroute à péage soient entièrement amorti. Si des mesures courageuses ne sont pas prises par le gouvernement, les usagers et les ménages sénégalais peuvent s’attendre à des lendemains sombres durant un siècle. Espérons que le président sénégalais, qui a lui-même participé en tant que premier ministre au lancement des travaux de la première phase de l’autoroute péage, saura privilégier les intérêts du peuple face à ceux des hommes d’affaires.
Autoroute à péage ou autoroute à piège pour pigeon ?
Si les tarifs restaient en l’état, l’agglomération dakaroise, au lieu de bénéficier de l’autoroute à péage, risque d’en souffrir. Les tarifs ne favoriseront pas la mobilité urbaine. Par conséquent, la création de nouveaux pôles de développement socioéconomique ; la propulsion économique et la croissance espérées risquent de nous poser un grand lapin. L’Etat devra faire le pied de grue pendant très longtemps avant de voir les effets positifs de l’autoroute à péage sur le quotidien du peuple.
Malgré les effets d’annonce, la grande majorité des usagers se verra obligée d’emprunter la route nationale, et de subir quotidiennement la galère des embouteillages monstres aux croisements de la Patte d’Oie, de Cambérène ; de Pikine Lobatt FALL, de Bountou Pikine, de Poste Thiaroye et du croisement Keur Massar. Pour éviter cela, l’usager devra accepter d’être déplumé tous les jours en prenant un moyen de transport qui emprunte le péage. Plus révoltant encore, c’est le bas peuple qui payera sur 100 ans ce joyau dont il est exclu par des tarifs exorbitants. D’ici là les pauvres pigeons n’auront plus de plumes, si eux ou leurs progénitures seront toujours en vie. Les tarifs du péage dépassent la vitesse maximale soutenable par les usagers. Il faut rétrograder !
Aliou TALL
Président du RADUCC (Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen)
Paris – Dakar.
Email : raducc@hotmail.fr
Il inadmissible que les tarifs appliqués génèrent des embouteillages de plus de 2km sur la Nationale 1, pendant que quelques nantis profitent d’une circulation fluide sur des voies aérées rappelant les grandes routes californiennes. C’est une injustice !
La logique commerciale des partenaires privés ne doit pas amener l’Etat à accepter qu’on supplicie les intérêts de son peuple. Ces bailleurs veulent à la fois la rentabilité et la célérité dans le recouvrement de leurs créances et bénéfices. Le seul moyen pour y parvenir est de pomper le peuple sénégalais, déjà exsangue. D’après les chiffres communiqués, les investisseurs privés auraient participé à hauteur de 130 milliards au coût de l’ouvrage (Qui s’élèverait à un total de 380,2 milliards). Le directeur de l’entreprise SENAC, concessionnaire pour 30 ans, disait il y a quelques semaines qu’ils espéraient une recette journalière moyenne d’environ 12 millions CFA. Il avouait ainsi, sans peut-être s’en rendre compte, qu’ils comptaient rembourser la mise des bailleurs privés avant de léguer la gestion de l’autoroute à l’Etat sénégalais. En effet, 12 millions par jour X 365 jours X 30 ans donnent la participation des bailleurs privés : 131 milliards.
Des tarifs excessifs qui suscitent beaucoup d’interrogations
L’objectif de l’autoroute à péage n’est pas de permettre aux usagers, ayant les moyens, d’éviter les embouteillages et la perte d’essence générée, mais de mettre un terme à ces encombrements routiers qui polluent notre quotidien et étouffent notre économie. Les publicités naïves sur les bienfaits de l’autoroute à péage avouent, à contrario, que celle-ci, en augmentant les bouchons sur les routes nationales, créent une perte de temps et d’argent pour les usagers.
Comment accepter que dans un pays sous-développé comme le notre, l’usager doive, pour parcourir 32 km de Dakar à Diamniadio, débourser 800 francs CFA s’il est en motocycle, et 1400 francs en véhicule particulier? Comment comprendre que des outils de notre croissance économique, que sont les moyens de transport des personnes, des marchandises et des matériaux soient si lourdement facturés ? (2000 francs pour les minibus et 2700 francs pour les camions). Comment comprendre que les tarifs du péage au Sénégal soient jusqu’à trois fois plus chers que ceux appliqués dans les pays de la sous région, et même dans des pays développés, sur des tronçons similaires ? L’autoroute à péage serait-elle un objet de néocolonialisme économique, en ce qu’elle ressuscite les méthodes de la détérioration des termes de l’échange?
La vision affairiste, soutenue par la Banque Mondiale, se focalise sur l’apport potentiel de l’autoroute à péage aux entreprises, qui gagneraient à la fréquenter pour réduire leurs coûts et booster leurs activités. Mais c’est méconnaître la réalité sociale de notre pays, où les théories libérales des institutions de Bretton-woods ne pourront jamais prospérer sans intégrer la condition de nos pauvres ménages.
Congestion des prix assurée, décongestion urbaine annihilée
La population doit refuser que l’autoroute à péage devienne un facteur permanent d’inflation. Les prix archi élevés du péage seront redistribués par les transporteurs, les fournisseurs de services et les commerçants détaillants au consommateur final. L’autoroute devient, de ce seul fait, une arme de destruction massive pour le budget déjà très serré de nos ménages ; un matador de pouvoir d’achat. Le gouvernement ne peut pas tolérer une telle désinvolture.
Avec ces tarifs, il devient suicidaire pour un travailleur moyen d’aller vivre loin du centre économique de Dakar. Sinon il devra affecter une partie significative de son salaire au transport entre son domicile et son lieu de travail. Un habitant de Diamniadio qui travaille à Dakar, et qui gagne 60 000 francs CFA par mois, devra dépenser dans les transports en commun près de la moitié de son salaire pour se rendre au travail. Quel est l’intérêt de l’autoroute à péage pour lui ? A terme, Dakar ne sera pas décongestionnée, mais verra naître des concentrations humaines sans précédent. Les dangers de cette surpopulation sur la santé publique, la tranquillité publique, la salubrité publique et la sécurité publique ne sont plus à démontrer.
Il faut auditer les coûts de réalisation de l’autoroute pour optimiser sa durée d’amortissement
Il y a lieu de se demander s’il fallait féliciter Abdoulaye WADE pour les travaux d’infrastructures qu’il avait entamés. A quel coût a-t-il réalisé ces grands travaux ? Avec les tarifs de l’autoroute de péages, on se demande s’il n’a pas bradé ces marchés aux seules fins de pouvoir se ragaillardir du nombre de réalisations qu’il a faites ; et de s’en servir pour une improbable réélection en 2012 (qu’il n’a pas eue).
Les auditeurs de l’Etat devraient se pencher sur les différents contrats passés par l’Etat avec les partenaires privés, pour apprécier si les intérêts de la nation n’ont pas été sacrifiés au profit des bailleurs et du constructeur-concessionnaire. En ce sens, une contre-expertise indépendante des coûts de construction de l’autoroute à péage s’avère nécessaire. Car des coûts exagérés auront un impact sur la durée d’amortissement de l’ouvrage, qui grèvera éternellement le budget de nos ménages. En effet, pour amortir les investissements de base, il faudra au moins 87 ans avec une recette journalière de 12 000 000 millions de francs CFA. Et si on tient compte des frais d’entretien et de modernisation que le constructeur-concessionnaire pourraient être tenté de faire payer par l’usager, des déficits prévisibles de fréquentation dus à la cherté des tarifs, il faudra compter au moins 100 ans pour que l’investissement de l’autoroute à péage soient entièrement amorti. Si des mesures courageuses ne sont pas prises par le gouvernement, les usagers et les ménages sénégalais peuvent s’attendre à des lendemains sombres durant un siècle. Espérons que le président sénégalais, qui a lui-même participé en tant que premier ministre au lancement des travaux de la première phase de l’autoroute péage, saura privilégier les intérêts du peuple face à ceux des hommes d’affaires.
Autoroute à péage ou autoroute à piège pour pigeon ?
Si les tarifs restaient en l’état, l’agglomération dakaroise, au lieu de bénéficier de l’autoroute à péage, risque d’en souffrir. Les tarifs ne favoriseront pas la mobilité urbaine. Par conséquent, la création de nouveaux pôles de développement socioéconomique ; la propulsion économique et la croissance espérées risquent de nous poser un grand lapin. L’Etat devra faire le pied de grue pendant très longtemps avant de voir les effets positifs de l’autoroute à péage sur le quotidien du peuple.
Malgré les effets d’annonce, la grande majorité des usagers se verra obligée d’emprunter la route nationale, et de subir quotidiennement la galère des embouteillages monstres aux croisements de la Patte d’Oie, de Cambérène ; de Pikine Lobatt FALL, de Bountou Pikine, de Poste Thiaroye et du croisement Keur Massar. Pour éviter cela, l’usager devra accepter d’être déplumé tous les jours en prenant un moyen de transport qui emprunte le péage. Plus révoltant encore, c’est le bas peuple qui payera sur 100 ans ce joyau dont il est exclu par des tarifs exorbitants. D’ici là les pauvres pigeons n’auront plus de plumes, si eux ou leurs progénitures seront toujours en vie. Les tarifs du péage dépassent la vitesse maximale soutenable par les usagers. Il faut rétrograder !
Aliou TALL
Président du RADUCC (Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen)
Paris – Dakar.
Email : raducc@hotmail.fr