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FIPA 2015: Didier Decoin rêve d’«une télévision à toucher»

Il est tout excité à l’idée du transmédia du futur ou d’une télévision en 3D tactile qui permettrait de toucher ses stars préférées. Pour l’instant, Didier Decoin limite ses ambitions à la sélection des meilleurs programmes télé du monde pour le Festival international de programmes audiovisuels (Fipa) qui vient d’ouvrir ses portes à Biarritz et qu’il préside. Il nous explique les enjeux de cette 28e édition qui se présente jusqu’au 25 janvier comme la vitrine de la création audiovisuelle en France, mais aussi comme le Fipa le plus international jamais organisé, avec des films venant de tous les quatre coins du monde, de la Chine et du Japon en passant par l’Australie, l’Israël et l’Europe.



Didier Decoin, président du 28e Festival international de programmes audiovisuels (FIPA) à Biarritz, du 20 au 25 janvier 2015.
Didier Decoin, président du 28e Festival international de programmes audiovisuels (FIPA) à Biarritz, du 20 au 25 janvier 2015.

Après avoir visionné 1 300 films du monde entier, pourquoi avez-vous choisi comme fil rouge du 28e Fipa : « L’Homme dans le monde ou pourquoi l’homme est devenu un problème pour lui-même » ?

Didier Decoin : Jusqu’à maintenant, c’était le monde qui était un problème pour l’homme. Il a essayé de le comprendre, de le découvrir. Il y avait encore des blancs sur la carte de géographie. Aujourd’hui, c’est l’homme qui est un questionnement pour l’homme. Qui es-tu mon frère ? Pourquoi tu me fais mal ou pourquoi est-ce que j’ai envie de te faire mal ? Il y a beaucoup de films qui tentent de répondre à cette question autour de la violence, de l’intolérance, du refus de l’autre. L’homme est un problème pour l’homme.

Un exemple parmi les films projetés ?

Par exemple, Finding Life after 55, un film sur un personnage, un laissé-pour-compte, un oublié de la vie auquel personne ne fait attention et qui délivre une formidable leçon d’espoir. Il y a aussi Monsoon Baby, l’histoire d’un couple d’Allemands qui ne peuvent pas avoir d’enfant et qui vont se battre pour en avoir en allant en Inde, pour trouver une mère porteuse, parce que là-bas c’est presque une institution. Ils découvrent ce qu’est une autre civilisation que la leur.

La grande découverte du Fipa 2014, c’était Chante ton bac d’abord , un documentaire musical de David André sur une bande de jeunes à Boulogne-sur-Mer. Cette année vous récidivez en présentant le documentaire Prison Songs, une comédie musicale de Kelrick Martin sur des prisonniers aborigènes en Australie. Quelle sera l’innovation formelle de l’édition 2015 ?

Prison Songs est tout à fait quelque chose d’innovateur et en plus, c’est presque un film de combat. Cela raconte l’histoire d’Aborigènes qui ont commis des délits et qui n’ont pas accès aux médias. Donc, ils ne peuvent pas dire leurs souffrances, leurs espérances, leurs remords, etc. Alors ils commencent à les chanter. Dans le programme, il y a beaucoup de films qui sont formellement très différents de ce qu’on a l’habitude de voir. Il y a notammentPekka, Inside the Mind of a School Shooter, un film hollandais d’Alexander Oey, l’histoire d’un jeune garçon qui a tué huit camarades dans une école, avec une arme un peu comme dansElephant de Gus Van Sant. Le film essaie de comprendre ce garçon. C’est un film extrêmement austère, presque un film entomologiste, comme si on regardait au microscope à travers une lame de verre. Moi, cela m’a terriblement frappé, parce que, en tant que père, on se pose toujours la question : et si mon gamin dérapait ? Et ce film montre le dérapage d’un enfant.

Pour cerner et saisir l’avenir de la télévision, pourquoi allez-vous interroger le rôle de l’algorithme ?

Jusqu’à peu, on n’a pas parlé de l’algorithme pour la télévision, on disait que c’est un autre domaine. Aujourd’hui, cela peut devenir quelque chose de la vie quotidienne de la télévision et qui peut aider et modifier la création. Comme il y a aujourd’hui la possibilité de faire de la 3D tactile, c'est-à-dire, non seulement vous voyez une image en relief, mais vous pouvez la touchez ! Imaginez que vous pouvez toucher les seins de Marilyn Monroe ! [rires] C’est quand même le rêve de pas mal d’individus mâles sur cette planète. C’est passionnant d’observer toute cette technologie que la télévision arrive à intégrer petit à petit et qu’on ne voit pas sur l’écran, mais qui fait partie de la créativité. De toute façon, plus le monde ira mal, plus la télévision sera importante pour rendre compte de ce mal dans la vie des hommes. La télévision est un miroir, une poseuse de questions. Ce n’est pas parce que le monde va de pire en pire que la télévision va aussi de pire en pire. C’est plutôt le contraire.

Le Fipa propose une conférence sur « Le glossaire transmédia ». Est-ce de plus en plus important de parler le « transmédia » à la télévision ?

Oui, même si ce n’est peut-être pas pour l’année prochaine ou dans deux ans. J’ai fait des expériences transmédia aux Etats-Unis. Cela permet de faire vivre beaucoup plus longtemps des personnages, des fictions, des séries, de dériver sur d’autres territoires… L’utilisation du transmédia, c’est comme la différence entre une personne qui vit dans une seule pièce et quelqu’un qui vit dans une maison avec dix pièces. Elle peut aller d’une pièce à l’autre, prendre l’ascenseur, l’escalier, il y a des portes qui s’ouvrent et qui se ferment… C’est ça le transmédia. Et tout le monde a envie de quitter sa pièce unique pour passer dans une maison à plusieurs pièces.

Cette édition est plus internationale que jamais. Pour la première fois, il y a aussi une très forte présence de sujets africains à défaut d’être réalisés par des Africains.

Ce sont des films qui sont faits en Belgique, en Suède, en Royaume-Uni, en Portugal, aux Etats-Unis… et qui parlent de l’Afrique. L’Afrique a toujours cette double face : un côté extrêmement souriant qu’on voit ici avec Hello Dakar, un film presque drôle sur des Sénégalais que des Suédois veulent engager pour une plateforme téléphonique, mais, d’abord, il faut qu’ils parlent suédois. C’est extraordinaire de voir comment, en trois mois, ils arrivent à apprendre cette langue. Et puis il y a Rwanda, la vie après – Paroles de mères, un documentaire extrêmement bouleversant sur les femmes rwandaises qui ont été violées lors du génocide et qui ont mis au monde des enfants. Ce sont les paroles de ces femmes qui sont déchirées entre l’amour maternel qu’on porte toujours à un enfant et en même temps elles se disent que cet enfant est l’enfant d’un tourmenteur, d’un bourreau. Ce sont des films très forts. Mon rêve, c’est d’avoir ici au Fipa un film sur l’Afrique réalisé par un Africain, entièrement sous pavillon africain. J’espère que cela sera le cas l’année prochaine. 


Rfi.fr

Jeudi 22 Janvier 2015 - 11:26


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