Neuf mois après le Mali, la France s’apprête à intervenir en République centrafricaine. La France de François Hollande apparaît plus que jamais comme le gendarme de l’Afrique en 2013 ?
François Loncle : Non, on ne peut pas dire ça. D’abord, l’intervention éventuelle programmée ne ressemble en aucune façon à celle du Mali. Et moi je suis très attaché au droit international, et pour la Centrafrique, il s’agit de répondre à une résolution qui est en cours d’élaboration et de vote aux Nations unies et il faudra que l’intervention française soit conforme à cette résolution. A partir de là, il n’y a pas d’expression de type gendarme de l’Afrique. Il y a des situations d’urgence, celle de la Centrafrique en est une, et donc je ne vois pas pourquoi à partir du moment où nous aurions le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU, nous n’agirions pas parce que nous en avons, c’est vrai, les capacités militaires.
Au niveau du fond cette opération vous semble nécessaire ?
Je pense que la France et beaucoup d’autres ont considéré que l’état actuel de la Centrafrique était extrêmement préoccupant. Il y a toute une série d’exactions qui se sont déroulées depuis des semaines, depuis le départ du président Bozizé et l’installation d’un pouvoir de transition, qui manifestement ne parvient pas à juguler le désordre qui s’est installé dans ce pays, qui est d’ailleurs fort ancien, mais qui s’est aggravé au point que certains ont pu qualifier la situation de menace pré-génocidaire. Je n’aurais pas employé ce terme personnellement, mais je comprends qu’il s’agisse d’alerter la communauté internationale, qui me paraît bien passive sur ces domaines.
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Plusieurs chancelleries ont fait part de leur préoccupation, dressant le même constat, mais personne à part la France ne souhaite y aller.
C’est une forme de lâcheté avouée de la part de ces chancelleries. Quand on entend les Britanniques dire : « nous on est en Somalie et on ne peut rien faire d’autre », ce n’est pas encourageant sur le plan du droit international et du devoir des grandes puissances. La France n’a pas à en supporter les conséquences financières. Si la France agit militairement et fait son devoir, elle doit être accompagnée d’une aide internationale venant de l’Union européenne ou d’autres pays. C’est là-dessus qu’on doit mobiliser les uns et les autres sans égoïsme.
Quels sont les objectifs stratégiques de cette intervention ?
C’est assez simple. Il s’agit de sécuriser un pays qui est en proie à des désordres inouïs. Un pays où l’Etat s’est effondré, qui certes a une structure provisoire de gouvernance, avec un président, un Premier ministre et un gouvernement, mais qui visiblement n’ont pas les moyens de faire face à ce désordre et à cette menace qui plane.
Mais sécuriser l’ensemble d’un pays en proie à de nombreux groupes rebelles depuis plusieurs années c’est tout de même très ambitieux ?
Il faut faire les choses les unes après les autres. Commencer par remettre de l’ordre dans la capitale, à Bangui, faire en sorte ensuite que d’autres pays se sentent concernés : on sait que le Gabon, le Cameroun, le Tchad et le Congo-Brazzaville sont mobilisés, y compris sous forme militaire pour accompagner les objectifs de sécurisation. Là encore, il ne s’agira pas de la France seule. Il s’agit d’une initiative française qui est basée sur la nécessité de répondre à une situation catastrophique, il s’agit de mobiliser les partenaires et de faire en sorte que les Africains eux-mêmes prennent conscience de la situation. Ce qui a été fait au niveau des quatre pays que j’ai cités.
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On l’a vu au Mali, le déploiement, la constitution de forces africaines mettent du temps à se mettre en place. La Misca, la force africaine, est en cours de construction. Donc finalement, les forces françaises seront au premier plan ?
Probablement au début. Mais c’est une façon aussi, de prendre conscience à la nécessité d’un relais rapide. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé au Mali, bien que la comparaison ne soit pas évidemment très pertinente. Mais on a vu que sans l’intervention française, la mobilisation de la Minusma ne serait pas intervenue.
Donc pour vous l’intervention française est un accélérateur de la constitution de forces africaines coordonnées ?
Je le crois. En tout cas il faut absolument que ça se passe comme ça. Encore une fois, la France n’a pas vocation à intervenir seule dans ce type de situation. Elle joue un rôle d’alerte et de mobilisation qui me semble très utile, qui me semble correspondre aux valeurs de notre pays. Mais encore une fois, à condition qu’il y ait le label des Nations unies sous forme d’une résolution.
Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, prévoit une intervention assez courte. Elle portera selon lui, sur six mois. Est-ce que cela vous semble réaliste ?
Je souhaite vivement que ce ne soit pas plus long. Cela voudra dire qu’il faut que nous soyons accompagnés, que les pays africains concernés prennent leur responsabilité le plus vite possible.
Source : Rfi.fr
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