Gabon: "Les tricheurs vont se neutraliser"

Chef de file de l'Union du peuple gabonais (UPG), Pierre Mamboundou brigue ce dimanche la présidence sous les couleurs de l'Alliance pour le changement et la restauration. Interview d'un "opposant radical", seul des candidats majeurs à n'avoir jamais siégé au sein du gouvernement sous le règne du défunt Omar Bongo Ondimba.



Le candidat à la présidentielle gabonaise Pierre Mamboundou
Les ralliements annoncés vendredi au profit de l'ancien ministre de l'Intérieur André Mba Obame modifient-ils l'équation du scrutin ?

Quels ralliements ? De cinglants démentis ont été opposée par les principaux intéressés. Si désistements il y avait, ils ne concerneraient que d'ex-pédégistes -cadres du PDG, le Parti démocratique gabonais au pouvoir-, anciens collaborateurs du président disparu dépourvus de toute assise politique. En clair, ce regroupement mort-né ne change rien. Ses acteurs ne sont que des singletons, et cinq ou dix singletons n'ont jamais fait un rassemblement. Quant à Mba Obame, il a sa télévision privée et recourt aux vieilles recettes pour garnir ses meetings. Le seul candidat qui n'affrète pas autocars et minibus pour acheminer les gens et ne distribue pas de T-shirts s'appelle Pierre Mamboundou.

Dans un entretien accordé à LEXPRESS.fr, le même André Mba Obame soutient que, sans avoir occupé de fonctions ministérielles, vous avez « travaillé en collusion » avec Omar Bongo.

Moi, je n'ai jamais pactisé avec personne. Quand, en 2006, les Forces de défense et de sécurité ont attaqué mon quartier général, je me suis réfugié durant un mois à l'ambassade d'Afrique du Sud à Libreville. J'ai ensuite engagés des contacts au plus haut niveau (avec Omar Bongo Ondimba, NDLR), parrainés par plusieurs chefs d'Etat étrangers. Il fallait qu'on se parle ; on s'est parlé. Notamment pour régler des questions relatives aux listes électorales. Une relation relativement suivie s'est alors établie. Ce qui m'a permis de m'opposer à des projets non conformes à l'intérêt national. A commencer par la cession à une société chinoise de la mine de fer de Belinga au prix d'un contrat léonin, lequel avait pour effet d'écarter les Français, découvreurs du gisement relégués au rang de clients des Chinois. J'ai, faute de mieux, obtenu que la part de la mine détenue par l'Etat gabonais passe de 5% à 25%. Par ailleurs, du fait du conflit qui m'opposait à Omar Bongo, jamais ma ville de Ndende n'avait reçu du pouvoir quoi que ce soit. A l'été 2006, j'ai estimé que le président devait solder ce passif. Je lui ai soumis 23 projets d'aménagement et d'équipement, qu'il a approuvés.

Le fichier électoral officiel recense 813000 électeurs. Que vous inspire un tel chiffre ?

Si l'on tient compte de la population de nationalité gabonaise -soit 1,2 million de personne- et de l'accroissement démographique du pays, on aboutit à un collège électoral de 640 000 citoyens en âge de voter. Duquel il faut retrancher 20% d'abstention primaire (celles et ceux qui, quelles que soient les circonstances, ne prennent pas part aux scrutins). Reste environ 550 000 électeurs. Autant dire que le total avancé par le ministère de l'Intérieur est loufoque.

Ali Bongo peut-il être battu ?

Oui, je l'affirme haut et fort. Et ce malgré les entraves que nous venons d'évoquer. Le 1er décembre 2007, le défunt président a dressé un bilan éminemment négatif de ses mandats successifs. Après cela, dites-moi par quelle magie le candidat du PDG pourrait-il même prétendre arriver en deuxième ou troisième position. D'autant que la crise mondiale a exacerbé nos handicaps. Partout dans le pays, je perçois au sein de la population gabonaise une quête absolue de changement. Ali Bongo ne peut donc l'emporter qu'en recourrant au dispositif habituel de la fraude. Issus du sérail, mes rivaux savent fort bien comment on triche. Mais les tricheurs vont se neutraliser.

Qu'adviendra-t-il en cas d'annonce, au lendemain du scrutin, d'une nette victoire d'Ali ?

Eh bien la Françafrique et la mafia corse porteront alors la responsabilité de l'embrasement du Gabon. Le clan du pouvoir a fait venir des mercenaires étrangers par la filière corse et préparé un passage en force. Mais la répression ne suffira pas à faire taire les gens. Il faudra marcher sur leurs cadavres pour accéder au palais présidentiel. Pour ma part, j'aviserai le moment venu, mais il est clair que nous ne resterons pas les bras croisés.

Jugez-vous crédible la neutralité affichée par la France ?

Une rumeur persistante suggère que Paris soutient en sous-main le candidat du PDG. Tellement persistante qu'on est bien obligé de tendre l'oreille. Mais je n'en ai aucune preuve.

L'avocat Robert Bourgi, émissaire autoproclamé de Nicolas Sarkozy, roule ouvertement pour Ali Bongo.

Si tel est le cas, il appartient au président Sarkozy, pour qui j'ai le plus grand respect, de démontrer qu'il n'y a pas partage des tâches entre la France officielle, celle de la neutralité, et une France officieuse, celle de l'implication. Dès lors, comment un Robert Bourgi aurait-il l'outrecuidance de contredire la plus haute autorité de l'Etat?
Source: L'Express

L'Express

Samedi 29 Aout 2009 11:53


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