Général Diendéré, expliquez-nous pourquoi vous avez pris le pouvoir à trois semaines des élections au Burkina Faso ?
Général Gilbert Diendéré : Nous pensons que les élections qui devaient se tenir dans trois semaines, un mois, n’auraient pas été bien organisées compte tenu des problèmes que l’on a constatés comme l’adoption de la loi sur le code électoral qui exclut un certain nombre de personnalités. Cela pouvait amener des troubles soit avant les élections, pendant la campagne, ou bien après lors des résultats. Ensuite, vous avez constaté également qu'il y a eu beaucoup de tentatives de fraude. Nous avons mis la main sur beaucoup de fausses cartes d'électeurs au niveau des services de sécurité, et cela augurait d'une fraude massive qui était en train de se préparer.
Est-ce que ces éléments à eux seuls justifient de mettre par terre l’échafaudage de transition et de remettre en cause un processus qui était attendu par toute la sous-région ?
Ce ne sont pas seulement ces éléments. Il y a d’autres éléments qui sont entrés en ligne de compte. Notamment au sein des forces armées nationales, où il y avait, par rapport au régiment, un acharnement, une instrumentalisation de la question, pour créer une crise permanente au sein des forces de défense et de sécurité. L'adoption d'une loi qui était contestée par les militaires eux-mêmes.
Mais dans une république et une démocratie, vous auriez pu attendre le prochain pouvoir élu pour poser ces questions sur la table et obtenir des rectifications. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
Parce qu'il fallait le faire avant que ce gouvernement parte. C'est ce gouvernement qui a fait adopter ces lois. Nous avons pensé qu'il aurait un certain nombre de conséquences suite à l'adoption de cette loi, des conséquences qui n'auraient pas été acceptées.
Le président français affirme qu'« il ne peut y avoir de légalité avec des putschistes ». Il vous condamne, il condamne votre action. Comment réagissez-vous ?
Je suis tout à fait conscient du fait qu’une action de ce genre n’a jamais été appréciée par les démocraties. Mais je pense qu'il devrait comprendre notre situation et en tout cas aider le Burkina Faso à pouvoir trouver les voies et les moyens pour organiser des élections qui soient acceptées de tous, qui soient inclusives, qui soient démocratiques, parce que c’est cela qui va renforcer la démocratie au Burkina Faso.
Vous êtes en train de dire que vous allez organiser les élections du 11 octobre ?
Nous allons discuter avec les acteurs et nous verrons dans quelles conditions nous pourrons fixer une date pour les élections.
Pour l'instant, Chérif Sy, le président du Parlement de transition, s'est déclaré responsable de l'Etat. Il affirme qu'il est la seule autorité de transition qui reste aujourd'hui libre de ses mouvements et il estime qu'il incarne aujourd'hui l'Etat et la transition. Quelle est votre légalité par rapport à la sienne et quelle est celle qui prévaut aujourd'hui au Burkina ?
Aujourd'hui, Chérif Sy est invisible dans le pays. On ne sait pas où il est, il est certainement caché quelque part, tandis que nous sommes là, nous sommes bien présents, nous sommes dans la présidence. Nous exerçons donc l'autorité de l'Etat.
Il y a des résistances. Chérif Sy, on l'a vu, résiste à votre pouvoir. Mais il y a aussi la rue, les mouvements de la société civile qui dénoncent d'ores et déjà des intimidations et des violences commises contre leurs militants. On a vu par exemple des roquettes tirées sur le studio du rappeur Smockey, les gens du Balai citoyen sont pourchassés par vos soldats, général.Va-t-il y avoir un bain de sang ?
Non pas du tout, nous évitons tout bain de sang. Nous ne sommes pas là pour créer ce genre de situation, pas du tout...
Il y a déjà des morts, pourtant...
Pour l'instant, nous n'avons pas encore dénombré de morts. Nous allons tout faire pour éviter cela.
Si les violences et les manifestations continuent, est-ce que vous ne risquez pas d'être débordé par la foule et de devoir faire des choses que vous regretteriez ensuite ?
Nous demandons à la population de rester calme, sereine, parce que nous pensons que nous allons trouver une issue, une solution à cette crise.
Votre domicile à Yako, votre village natal, a été incendié par des manifestants qui vous sont hostiles. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Je pense que cela est en droite ligne avec leur colère. Je n'y suis pas, je n'ai pas de protection particulière là-bas, donc je ne suis pas surpris qu'il y ait des mécontentements.
Mais vous n'êtes pas très populaire pour l'instant...
Cela dépend du côté où vous vous mettez. Il y a des manifestations pour nous, pour notre action.
Allez-vous autoriser les gens à manifester, la population à s'exprimer ?
Nous allons essayer de maintenir l'ordre, de faire en sorte que cela se déroule dans le calme, que l'on puisse éviter tout débordement, tout désordre qui pourrait subvenir au niveau des localités.
Vous avez annoncé que vous allez libérer prochainement le président Kafando et le Premier ministre Zida. Est-ce qu'on peut savoir quand ?
Nous verrons cela avec la communauté internationale que nous devons rencontrer. Cela vous sera dit dès que nous aurons décidé de quelque chose.
Les responsables du CDP, le parti de Blaise Compaoré, ont applaudi votre action. Est-ce que derrière votre action il faut voir la main de l’ancien président Compaoré ?
Non, pas du tout. Blaise Compaoré n’est pas au courant de ce que nous avons fait. Je ne l’ai pas appelé, ni contacté non plus, ni avant ni après cette action. Il ne m’a pas appelé, après cette action. Je peux dire qu’il n’est mêlé ni de près ni de loin à ce qu’il se passe.
Combien de temps comptez-vous rester au pouvoir ?
Nous n’avons pas pour l’instant un calendrier adopté nous allons discuter avec les acteurs, comme je vous le disais tout à l’heure, et la durée dépendra bien sûr des discussions que nous allons avoir avec ces acteurs-là.
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