Guerre civile au Soudan du Sud: chronologie d’une crise sans fin

Indépendant depuis 2011, le Soudan du Sud est un des dossiers prioritaires du sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine, qui s’est ouvert dimanche 17 juillet 2016 à Kigali. Ce qui se passe dans ce pays depuis deux ans est « inacceptable », a déclaré la présidente de la Commission de l’UA, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma. Retour sur ce qui se passe dans le plus jeune Etat de l’Afrique, immensément riche en ressources pétrolières et engagé dans une guerre civile meurtrière.



En 2005, un accord de paix signé entre Khartoum et la rébellion sudiste avait mis fin à 22 ans de guerre (plus de 2 millions de morts). L’accord prévoyait un statut d’autonomie pour le Sud-Soudan suivi d’un référendum en 2011. L’indépendance est proclamée le 9 juillet 2011, suite à un vote massif en faveur de la sécession lors du référendum. Le nouveau pays est baptisé « Soudan du Sud », avec à sa tête Salva Kiir, le successeur de John Garang qui fut le chef historique de l’Armée de libération du peuple du Soudan (SPLA), mort dans un accident d’avion. Après l'indépendance, des questions clés restent à régler entre les deux Etats : partage des revenus pétroliers, démarcation de leur frontière commune, statut de régions contestées par les deux capitales.
 
→ 2011-2013 : Après plusieurs mois de tension entre le Soudan et le Soudan du Sud, qui a hérité des trois quarts des ressources pétrolières du Soudan uni, les deux gouvernements réussissent à trouver un modus vivendi sur le montant de la redevance que Juba doit payer à Khartoum pour l’utilisation de ses oléoducs. C’est en avril 2013, après plus d’un an d’interruption, que le pétrole sud-soudanais peut de nouveau transiter par le Soudan. Les deux capitales mettent également en œuvre les accords de sécurité et de coopération, notamment sur la mise en place d’une zone tampon démilitarisée.
 
■ Lutte de pouvoir et guerre civile
 
→ Juillet 2013 : Le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLA), qui gouverne le pays depuis son indépendance, est secoué par une lutte acharnée pour le pouvoir en son sein. Elle oppose le président du Soudan du Sud Salva Kiir et son vice-président Riek Machar, issus des deux principaux groupes ethniques du pays, les Dinka pour Salva Kiir et les Nuer pour Riek Machar. Salva Kiir limoge l’ensemble de son gouvernement, ainsi que son vice-président.
 
→ Décembre 2013 : La lutte politique se transforme en guerre civile lorsque le président annonce avoir déjoué un coup d’Etat fomenté contre lui par son ancien vice-président. Ce dernier nie pour sa part toute tentative de putsch, avant d’appeler l’armée à renverser Salva Kiir que Riek Machar accuse à sont tour de vouloir « allumer une guerre ethnique ». Dès le 15 décembre, d’intenses combats opposent des factions rivales au sein de l’armée. Ils s’étendent à plusieurs régions du pays, sur fond d’atrocités ethniques, pillages et viols. Riek Machar réussit à quitter Juba pour regagner son fief dans le nord, d’où il mène ses représailles contre l’armée gouvernementale et ses alliés.
 
→ 2014-2015 : La guerre civile sud-soudanaise dure vingt mois. Elle touche plus particulièrement les villes du nord et du nord-est, épargnant le sud du pays et l’ouest. Les villes de Bentiu (nord), Bor (est) et Malakal (nord-est) sont les principaux foyers du conflit. S’agit-il d’une guerre ethnique ? Pour nombre de chercheurs (Roland Marchal, Marc Lavergne) qui se sont exprimés dans la presse, il ne s'agit pas d'une guerre ethnique entre les Dinka et les Nuer, mais d'une lutte pour le pouvoir, avec des allégeances changeantes entre les combattants qui se livrent bataille parfois entre eux, à l’intérieur même de leurs clans respectifs. Toujours est-il que la guerre civile sud-soudanaise est particulièrement meurtrière et fait plus de 50 000 morts, avec plus de 2,3 millions de déplacés. Selon les rapports des agences des Nations unies et des ONG, en 2015, quelque cinq millions de personnes, soit plus d'un tiers de la population, a besoin d’aide humanitaire pour survivre.
 
■ Accord de paix
 
→ Juillet-août 2015 : Au cours des vingt mois de guerre, sept accords de cessez-le-feu sont signés entre le gouvernement et l’armée rebelle, mais ils sont chaque fois aussi vite rompus. En juillet 2015, sous la pression des Etats-Unis qui ont été le parrain de l’indépendance du Soudan du Sud, les dirigeants de l’Afrique de l’Est se réunissent à Addis-Abeba et obligent les deux frères ennemis de Juba à négocier et à signer un nouvel accord de paix. Kiir et Machar signent l’accord le 26 août 2015, prévoyant le retour du leader rebelle dans la capitale. L’accord prévoit également le retrait des forces étrangères, notamment l’armée ougandaise qui combat depuis deux ans au côté des troupes gouvernementales sud-soudanaises.
 
→ Avril 2016 : Malgré l’accord signé par les deux leaders, les combats sporadiques se poursuivent sur le terrain, jusqu’au retour de Riek Machar à Juba en avril 2016. L’accord d’Addis-Abeba prévoyait que l’essentiel des combattants des deux camps stationnerait désormais au-delà d’un rayon de 25 kilomètres autour de Juba, excepté 1 400 soldats de la rébellion et 3 500 hommes de l’armée gouvernementale autorisés à rester dans la capitale. A son retour à Juba, Riek Machar est intégré dans un gouvernement d’union nationale en tant que vice-président, un poste qu’il avait occupé entre juillet 2011 et juillet 2013. Selon les dispositions de l’accord, ce gouvernement de transition prend ses fonctions le 7 janvier 2016, et restera en place pendant 30 mois, avec Salva Kiir comme président.
 
■ Recrudescence de violences
 
→ 8-11 juillet 2015 : Triste cinquième anniversaire de l'indépendance à Juba samedi 9 juillet 2015, sur fond de recrudescence de violences dans la capitale. Les autorités sud-soudanaises avaient prévenu dès juin qu’il n’y aurait pas de célébration à cause des tensions ethniques qui continuent à régner dans le pays. Selon toute vraisemblance, c'est une rumeur véhiculée par les médias sociaux, proclamant que Riek Machar aurait été pris en otage par les hommes du chef de l’Etat Salva Kiir, alors qu’il s’était rendu au palais présidentiel pour rencontrer le président, qui met le feu aux poudres le 8 juillet, la veille de l’anniversaire de l’indépendance. La capitale redevient le théâtre d’affrontements entre forces fidèles au président et d'ex-rebelles aux ordres de son rival Riek Machar. Cette flambée de violences, qui dure quatre jours, fait 300 morts et 42 000 déplacés. Sous la pression de l’ONU, qui redoute une possible reprise des combats et leur extension à d’autres parties du pays, les frères ennemis sud-soudanais imposent un cessez-le-feu à leurs partisans.
 
→ 13 juillet 2016 : Le cessez-le-feu décrété est respecté, même si les pays étrangers continuent d'évacuer leurs ressortissants. Les vols commerciaux restent suspendus.
 
→ 17-18 juillet 2016 : Suite à la récente flambée de violences à Juba, qui met gravement en péril l’accord de paix signé en août 2015 par les acteurs de la guerre civile, la crise sud-soudanaise est au cœur des discussions du 27e sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine (UA), qui s’ouvre à Kigali le dimanche 17 juillet. La présidente sortante de la Commission de l’UA, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, déclare que « le continent ne peut pas rester les bras croisés face aux souffrances infligées aux enfants, femmes, hommes et jeunes gens du Soudan du Sud ». Les chefs d’Etat africains réunis à Kigali ont également l'occasion de décider de la fourniture de casques bleus supplémentaires pour renforcer la Mission de l’ONU au Soudan du Sud (opération Minuss). Va-t-on vers un nouveau plan de paix pour le Soudan du Sud ?


Source: Rfi.fr


Lundi 18 Juillet 2016 08:21


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