Lamine est venu boire le thé chez son vieil ami Félix. À Diolo leur quartier, il n’y a ni eau, ni électricité. La pauvreté est partout. C'est chaque jour plus difficile. « J’étais marié, je travaillais dans les bateaux. Quand il y a eu le coup d’Etat (en avril 2012, ndlr), le patron, un Espagnol, a arrêté ses activités. Maintenant, nous sommes au chômage. Donc je me retrouve là à mendier, je fais du porte-à-porte pour toute la famille. Ce n’est pas facile. »
Aujourd’hui, près des deux tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Depuis le coup d’Etat d’avril 2012, les bailleurs internationaux ont suspendu l’essentiel de leur coopération. Même le commerce de la noix de cajou, premier revenu du pays, est en crise.
Dimanche, Lamine ira voter, mais uniquement par devoir, car il le reconnaît volontiers : il n’attend plus grand-chose des politiciens. « Ces dirigeants, ces politiciens-là, ils se fichent de nous. Ils s’intéressent seulement à ce qu’ils auront eux et leurs familles. À ce qu’ils auront dans leurs poches. Ils ne savent même pas si nous vivons. Alors moi je me dis : peu importe qui va gagner. Tout ce qui m’intéresse, c’est qu’ils arrêtent leurs coups d’Etat, et qu’on puisse enfin développer ce pays. »
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« C’est peut-être la grande muette, mais c’est elle qui fait tout dans ce pays », ironise un chauffeur de taxi à Bissau. « Ici, le militaire est d’abord un militant. Il a son candidat qu’il défend, pour être à son tour, mieux défendu par la suite », précise un observateur de la vie politique.
L’une des grandes questions qui agitent Bissau en ce moment, c’est donc de savoir pour qui roule la haute hiérarchie militaire dont on connaît la méfiance pour le puissant PAIGC, l’un des favoris. Est-elle divisée ? Acceptera-t-elle les résultats ? Saura-t-elle rester neutre pour préserver le fragile équilibre du pays ? La Commission nationale des élections se dit confiante. Les Nations unies et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont déjà mis en garde contre tout acte de nature à perturber le bon déroulement du processus électoral.Pour le chercheur Vincent Foucher, le risque d’un nouveau coup d’Etat n’est pas à exclure. « Il faudra certes être attentif au moment de la proclamation des résultats, mais le virage difficile sera sans doute ultérieur, si le nouveau pouvoir civil veut s’affirmer et toucher aux intérêts des chefs militaires. » Mais, répond une source militaire, « contrairement à ce que l’on peut penser, l’armée n’est pas à l’origine de tous les soubresauts. » Et de renvoyer ainsi la balle dans le camp des politiciens, qui ont pris « l’habitude de faire alliance avec les différentes factions pour parvenir à leurs fins ».
Source : Rfi.fr