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Inondations au Nigeria: «Si l'eau compromet les récoltes, on craint une saison encore plus difficile que prévue»

Près de 40 morts, 400 000 personnes déplacées. Dans le nord du Nigeria, à Maiduguri, la crise humanitaire reste majeure. Il y a 7 jours, le barrage d’Alau situé à 20 kilomètres de la capitale de l’État de Borno cédait suite à des pluies diluviennes. Une catastrophe qui s’ajoute à la crise alimentaire et sécuritaire qui frappe tout le nord du Nigeria. Situation de crise donc que tente de juguler les autorités locales avec l’appui des Nations unies. Notre grand invité Afrique ce mardi est Mohammed Malick Fall, il est sous-secrétaire général de l’ONU, coordonnateur résident au Nigéria, en charge notamment de la réponse humanitaire.



Inondations au Nigeria: «Si l'eau compromet les récoltes, on craint une saison encore plus difficile que prévue»
RFI : Mohammed Malick Fall, une semaine après la rupture du barrage d’Alau, est ce que la situation humanitaire est aujourd'hui stabilisée ?
 
Mohammed Malick Fall : On ne peut pas encore parler de stabilisation. J'étais à Maiduguri avant hier et j'ai pu voir que non seulement le nombre de personnes affectées est en train d'augmenter on parle de 400000, mais le nombre de personnes déplacées aussi en train d'augmenter. On a dépassé les 100000 déplacées. Les conditions sont horribles, une forte congestion, quelquefois des conditions d'assainissement et d'hygiène qui sont extrêmement limitées. Le manque de nourriture, des enfants qui sont malades.  N'oublions pas que tout ça se passe sur un terrain qui était déjà très fragile, l'État de Borno est l'épicentre de la crise de Boko Haram depuis 2009. Et c'est dans ce contexte-là, que cette inondation vient à la limite nous faire reculer par rapport au travail qui était en train d'être entrepris pour résoudre la question des déplacés sur la durée.
 
Vous venez de le dire, vous étiez à Maiduguri samedi. Concrètement, à quoi ressemble la capitale de l’État de Borno ?
 
J'ai vu à une ville effectivement coupée en deux, une partie de la ville occupée par l'eau. Il y a des parties de la ville, qui ne sont toujours pas accessibles, il y a même des populations auxquelles on ne peut pas avoir accès, pour les faire sortir de leurs résidences où elles se trouvent en ce moment. Les efforts continuent de ce point de vue-là, mais on n'a pas une certitude que toutes les personnes ont pu être évacuées des lieux qui sont affectés par l'inondation.
 
Six jours après, il y a encore de l'eau dans la ville ?
 
Il y a encore beaucoup d'eau dans la ville. Et je crois que cette eau-là, va rester encore longtemps.
 
Cette catastrophe survient aussi en pleine crise alimentaire, notamment en pleine période de soudure ?
 
Non seulement c'est une période de soudure, mais c'est aussi dans un contexte où, à cause des réformes économiques entreprises par la nouvelle administration, on a observé et on observe depuis plusieurs mois une inflation galopante, surtout une inflation sur les denrées alimentaires. On parle même de 40% d'inflation sur une année, en plus du fait maintenant qu'on est dans la période de soudure. La grosse crainte que j'ai et que j'observe, c'est aussi quel impact cette inondation va avoir sur les récoltes. Parce que si les gens sont empêchés de se livrer à des travaux champêtres, si l'eau compromet la récolte, on risque de se retrouver donc avec une saison encore plus difficile que prévu.  Alors que tous nos espoirs, c'était qu'il y ait une bonne saison et une bonne récolte pour avoir plus de disponibilité de produits alimentaires sur le marché.
 
Vous lancez déjà un appel à la vigilance et justement à anticiper les mois à venir ?
 
Je dois avouer que, en ce moment, les inondations affectent énormément d'États dans le Nord-est et Nord-ouest du Nigeria, dont la principale activité est l'agriculture. Donc c'est une alerte aussi, non seulement pour se mobiliser et sauver la vie des populations qui sont directement affectées. Faire une course contre la montre pour éviter les épidémies, je pense surtout au cholera, parce que l’on sait très bien aussi que, l'accès à l'eau potable, les limites d'accès à l'eau potable peuvent conduire à ces épidémies-là. Mais au-delà des besoins immédiats et au-delà des interventions immédiates pour sauver des vies ou réduire la vulnérabilité des personnes affectées, la question qu'il faut garder en perspective, c'est dans les semaines, dans les mois à venir. Si les récoltes sont compromises, qu'est-ce que cela va avoir comme conséquence sur la détérioration de l'accès à l'alimentation, de l'accès à des produits dont les gens ont besoin pour leur survie quotidienne ?
 
On entend une réelle inquiétude ?
 
Je suis très inquiet effectivement, parce que c'est une crise qui vient se superposer à d'autres crises et donc dans ces conditions-là, avoir une détérioration comme on est en train de le voir peuvent avoir des conséquences beaucoup plus graves qu'on ne le perçoit aujourd'hui.
 
Derna en Libye il y a un an, Arbat au Soudan fin août, le barrage de Maiduguri la semaine passée, les catastrophes sur les barrages se multiplient. Comment prévenir ces accidents majeurs ?
 
Tout ne se résume pas au changement climatique. Je crois aussi que la préparation des États à ce genre de catastrophe est quelque chose qu'il faut renforcer. Notamment, la surveillance et la maintenance de ces infrastructures comme les barrages, les ponts. Nous, les Nations –Unies, en tout cas, les leçons qu'on tire, c'est que, il va falloir renforcer, accélérer sur ce plan-là, éduquer les populations, s'assurer que les populations ne s'installent pas dans les zones qui sont très propices à ce genre de catastrophe. Et aussi mettre en place des systèmes d'alerte précoces qui permettent d'évacuer les populations et de les alerter avant que les catastrophes n’atteignent un certain niveau.

RFI

Mardi 17 Septembre 2024 - 10:54


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