Les deux principaux candidats à l’élection présidentielle ont tenu leur meeting de fin de campagne à Nairobi, la capitale kenyane, et réaffirmé la nécessité de voter sans violences.
Depuis plusieurs semaines, les messages de paix, à la télévision, à la radio et dans les journaux se multiplient. « Le monde nous regarde, montrez que le Kenya est une démocratie mûre », a déclaré le président sortant Mwai Kibaki vendredi. La police a annoncé le déploiement dans tout le pays de 99 000 agents issus de différents corps des forces de sécurité pour prévenir tout débordement.
Traumatisme des violences de 2007-2008
Mais le traumatisme des violences de 2007-2008 est encore présent dans les esprits. Certains ont préféré anticiper, notamment dans les bidonvilles car les promesses des politiciens sont prises avec scepticisme. « J’ai déménagé il y a quelques semaines dans un quartier où ma communauté est majoritaire », explique une ancienne institutrice, dont l’école avait été brûlée il y a cinq ans.
Un employé d’une organisation de la société civile confirme : « Après avoir voté dans leur quartier, des habitants ont pris leur disposition pour rentrer dans leur village jusqu’à ce que les résultats soient annoncés pour éviter d’être la cible de représailles. »
Comptage des voix, moment critique
Fin décembre 2007, les Kenyans avaient voté dans le calme et la discipline, et le scrutin de ce lundi 4 mars ne sera pas différent. Mais la tension risque de monter pendant le dépouillement. La commission électorale indépendante s’est dotée d’un système électronique très coûteux et performant, censé empêcher les fraudes.
Dimanche, le matériel était en train d’être réparti dans les bureaux de vote. « Pour chaque bureau, nous avons sept agents », explique Pamela Wandeo, en charge du quartier Westlands à la commission électorale. « En fait, plutôt neuf, car il y a deux officiers de sécurité, qui les accompagnent avec la matériel d’ici au bureau et ils y passeront la nuit. Nous leur fournissons du pain de mie, du lait, des sodas. »
Plus de 20 000 observateurs, locaux et internationaux seront déployés dans tout le pays. Les médias diffuseront en temps réel leur propre décompte depuis les 30 000 bureaux de vote. Si ces garde-fous sont incontestablement un pas en avant, quelques incidents ont démontré ces derniers jours que le climat n’est pas aussi apaisé qu’il n’y paraît.
La coalition CORD de Raila Odinga a dénoncé les achats de documents d’identité de ses partisans de la part du camp adverse, la coalition du Jubilée. Selon le Premier ministre, l’appareil gouvernemental travaillerait en faveur d’Uhuru Kenyatta, ce que ce dernier dément.
Des tracts de menace ont également été distribués dans certaines villes, Nairobi, Kisumu ou encore Mombasa. Une association de journalistes kenyans affirme dimanche dans un communiqué que certains représentants des médias ont été victimes d’intimidations, de menaces et de mauvais traitements de la part de la police.
La rivalité historique entre Kikuyu et Luo
Ce scrutin est emblématique par bien des aspects. Les deux aspirants à la magistrature suprême rejouent, cinquante ans plus tard, la rivalité historique entre Kikuyu et Luo qu’avaient cristallisé leurs pères.
Jomo Kenyatta premier président après l’indépendance avait rapidement vu en son vice président Jaramogi Oginga Odinga un concurrent dangereux et avait tout fait pour l’écarter du pouvoir. Durant la campagne, Raila Odinga n’a d’ailleurs pas perdu une occasion de répéter qu’une fois élu, il fera la lumière sur l’assassinat d’opposants, Tom Mboya en 1969 ou encore Josiah Mwangi Kariuki en 1975.
Avant l'ouverture des bureaux de vote, dans la nuit de lundi à dimanche, à Mombasa (deuxième ville du pays), douze personnes dont six policiers ont été tuées par balle. Selon le porte-parole de la police, les agents répondaient à un appel de détresse et sont tombés dans une embuscade. La police soupçonne des militants d'un mouvement sécessionniste régional, le MRC, d'être à l'origine de ces violences.