Qu’est ce qui justifie une telle décision ?
Selon le rapport de présentation du décret, les raisons de la mutation des centres de santé ciblés en EPS de niveau 1 sont à chercher dans le désir des autorités ministérielles de « renforcer le parc hospitalier national », dans le manque d’efficacité du système de référence et dans la thésaurisation des ressources financières par les comités de santé de ces centres. On pourrait ajouter à ces raisons, le fait que cette revendication figurait en bonne place dans les plateformes de la plupart des syndicats des travailleurs de la Santé.
Les agents du Secteur de la Santé ont toujours déploré le déficit de transparence et leur faible implication dans la gestion des comités de santé, qu’ils qualifiaient volontiers d’archaïque et d’informelle. Il y a également le manque de pertinence des critères d’allocation des ressources budgétaires, donnant l’impression que les centres de santé sont laissés à eux-mêmes (pendant qu’on fait la part trop belle aux hôpitaux et aux services centraux du Ministère chargé de la Santé) et ce d’autant que l’exécution des fonds de dotation décentralisés connaissent beaucoup de retard.
Parallèlement, certains centres de santé ont connu un développement fulgurant, sous l’effet conjugué d’une localisation géographique propice et d’une meilleure accessibilité financière par rapport aux hôpitaux. On a même pu constater, ces dernières années, une amélioration notable de la qualité de la prise en charge au niveau de certains centres de santé, qui pouvaient valablement rivaliser avec des EPS de niveau II, surtout ceux situés dans les régions, grâce à l’implantation de blocs opératoires, au renforcement de certaines maternités par des techniciens qualifiés redéployés suite à la fermeture de la Maternité de l’hôpital Le Dantec, à l’acquisition d’équipements (appareils d’échographie, matériel de laboratoire), à l’instauration de vacations de jeunes thésards et de spécialistes…etc.
Ces centres de santé, malgré leur développement, sont en général caractérisés par une équipe administrative réduite face à l’ampleur de la tâche, l’inexistence de services techniques de maintenance, le manque de fiabilité des règles comptables, l’absence de comptabilité analytique et de procédures de budgétisation prévisionnelle, autant d’obstacles à une gestion saine. A contrario, certains acquis des nouveaux établissements publics de santé tels que la souplesse du mode de prise de décision, l’apport de techniciens financiers comme des ACP, la mise en place d’une DRH, l’accroissement prévisible des subventions étatiques et l’autonomie financière peuvent être considérés comme gages d’une plus grande flexibilité et d’une efficacité accrue de la gestion des ressources financières et humaines.
Toutes ces raisons, de même que le futur statut du personnel hospitalier censé permettre le recrutement des agents de santé communautaire et la revalorisation des rémunérations à tous les niveaux ont fini par fasciner l’écrasante majorité des agents de santé.
Quelles sont les conséquences de l’érection des EPS de niveau 1 sur l’architecture du district sanitaire ?
Le centre de santé de référence, parfois appelé aussi « hôpital de district », est considéré comme un établissement faisant partie d’un système complet de soins, le district sanitaire. Son rôle résulte de la répartition des tâches au sein du district et il sert de structure de référence aux postes de santé, aux centres de santé secondaires, aux structures privées confessionnelles…etc. Il peut, dans le cadre du renforcement des soins de santé primaires et de la promotion de la santé communautaire, servir de locomotive au district sanitaire animé par une équipe-cadre et un réseau d’infirmiers chefs de postes, assistés de comités de santé et de réseaux d’organisations communautaires de base.
Les soins de santé primaires englobent huit éléments : éducation sanitaire, approvisionnement en denrées alimentaires, approvisionnement en eau potable et assainissement, soins de santé maternelle et infantile, y compris la planification familiale, vaccinations, maladies endémiques, autres maladies et lésions diverses et approvisionnement en médicaments essentiels. Initiés depuis 1978, à la conférence d’Alma-Ata, les soins de santé primaires (SSP) restent un élément central de la politique de santé de la plupart des pays africains. Malgré les difficultés de mise en pratique des stratégies SSP, liées au contexte socio-économique, on n’a pas encore pu leur trouver une alternative crédible pour fournir des soins de santé de base à la population rurale, mais aussi aux couches défavorisées en zone urbaine. Dans notre pays, ces soins de santé primaires sont mis en œuvre au niveau opérationnel par une soixantaine de districts sanitaires. Selon l’arrêté n°005796 /MS/DS du 13 JUILLET 2004, en son article premier, le territoire national est découpé en districts sanitaires. Le district sanitaire comprend un centre de santé de référence appelé “hôpital de district”, des postes de santé et d’autres types de structures sanitaires situées dans le ressort territorial des villes, communes et communautés rurales qui lui sont rattachées.
Ces centres de santé de référence constituent la clé de voûte du système sanitaire du district dans le même temps où ils ont une fonction curative non négligeable.
Transformer les centres de santé de référence en établissements publics de santé, sans mesures d’accompagnement, peut contribuer à désarticuler le système de santé de district, qui offre les meilleures chances de mettre en œuvre les SSP conformément aux résolutions arrêtées à Alma-Ata.
Malgré ses limites, la participation communautaire à la Santé, qu’on ne saurait réduire à la simple participation financière des populations à l’effort de santé à travers les comités de santé, a engrangé des acquis qui restent à consolider. Il n’est nullement besoin d’être expert en santé publique pour comprendre que les soins de santé primaires mis en œuvre par Direction des SSP, à travers les districts sanitaires sont mieux adaptés dans la lutte contre les maladies transmissibles et la promotion de la Santé maternelle et infantile pendant que les hôpitaux, de par leur plateau technique plus élevé, sont plus aptes à faire face aux pathologies non transmissibles et autres maladies à soins coûteux.
Même si nos pays vivent une transition épidémiologique, dans laquelle les maladies non transmissibles prennent de plus en plus d’importance, il est évident que la précarité des conditions socio-économiques et le faible taux de scolarisation de la majorité de nos concitoyens font que la lutte contre les pathologies infectieuses et carentielles de même que la sous-utilisation des services préventifs et promotionnels constituent les défis les plus sérieux qui interpellent le système national de santé.
Il est donc économiquement plus pertinent d’investir dans la santé préventive et promotionnelle qui est du ressort des districts sanitaires que dans la médecine curative hospitalière, d’autant plus onéreuse que viennent s’y greffer une mal-gouvernance hospitalière, une mauvaise gestion des ressources humaines et financières, dont témoignent aussi bien la multiplicité des conflits sociaux au sein de l’hôpital que la faramineuse dette hospitalière.
L’EPS de niveau 1 : un nouvel hôpital à inventer !
L’hôpital de niveau 1 devra donc être différent des EPS de niveau 2 et 3 caractérisés par le fait qu’ils restent encore trop souvent confinés dans leur vocation curative traditionnelle, ne prenant pas en compte les autres déterminants de la santé que sont l’approvisionnement en eau, l’alimentation, la vaccination, les soins prénatals et le comportement de l’individu…etc. Les responsables de ces grandes structures hospitalières, dans lesquelles officient d’éminents spécialistes, ne sont pas suffisamment imprégnés du fait que la recherche de la santé ne met pas en jeu les seules familles prises individuellement, mais aussi les communautés ainsi qu’une multitude d’agents de santé et non pas seulement le médecin et les membres du personnel hospitalier
Ce nouvel établissement public de santé à inventer doit demeurer dans le dispositif de la zone opérationnelle que constitue le district, dont il doit rester la structure de référence.
C’est tout le sens de la réflexion à mener pour éviter la mort programmée des districts sanitaires.
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