La France s'est empressée le 14 février dernier d'emboîter le pas à Obama en demandant aux autorités algériennes d'y aller « mollo » face aux revendications des populations qui avaient décidé de marcher pour demander plus de libertés. La tentative hebdomadaire entamée le 12 est passée par là pour aider Paris à essayer de se rattraper face au retard politique apparent par rapport à Washington plus prompt à inviter à la tolérance pour des populations soudain revigorées pour demander plus de justice devant des régimes ne répondant plus aux normes occidentales de la démocratie et de défense des libertés individuelles et collectives de sociétés en devenir.
L’Élysée qui gère en outre et surtout la proximité physique et morale au double plan colonial et culturel autour de la Méditerranée n'avait cependant pas besoin, par la voix de François Fillon, d'évoquer l'histoire d'un long compagnonnage et d'une longue complicité faite d'échanges de bons procédés dont ont pu jouir certaines autorités françaises au Proche et Moyen-Orient : bien avant François Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Michèle-Alliot Marie et Fillon lui-même, des rivières de diamant et des fleuves de pétrole généreux ont déjà coulé d’Acquitaine et de la Corrèze au Zambèze pour pomper le sang des Africains et nourrir des hommes et des partis politiques français.
La récente politique arabe de Hussein Obama basée sur l'Évangile consiste à inviter à tendre l'autre cou pour mieux se faire égorger quand les peuples outrés se soulèvent. Opportuniste, le président américain qui n'entretient ni colonies apparemment indépendantes ni la proximité géographique et morale du pourtour méditerranéen appelle à une trouble absence de réaction quand les populations veulent manifester. Nobel surprise inspiré, il aura étonné dans l'affaire des crises tunisienne et égyptienne principalement et ceci jusqu'au bout : solidaire des populations en marche vers la liberté, il l'est tout autant, pour des raisons inverses, de la Jordanie, comme pris d'un soudain rappel à l'ordre et ramené à la dure loi Monroë.
Il ne faut cependant pas oublier que l'idéologie pure n'est pas absente de la rhétorique et du symbolisme de Barak Obama, ce qui avait déjà attiré l'attention des exégèses pendant la campagne électorale américaine de 2008. Ramené à la réalité par des élections catastrophiques de mi-mandat comme déjà avec Clinton avec Nancy Pelosi où le pouvoir perd toujours la majorité à la Chambre des représentants, Obama le rhétoricien se devait de souquer ferme pour revenir dans le cœur de ses compatriotes : le rêve américain fait de libertés fondamentales comprend bien la position du président d’aller imposer la démocratie à travers le monde, dans une obscure survivance de l’éthique blanche d’imposer la civilisation au reste du monde et d’aider au triomphe du bien sur le mal.
« La victoire de Barak Obama passera à l'Histoire à plus d'un titre. Comme explication, la puissance de la parole devrait être retenue en premier lieu : une rétrospective de ses discours qui ont séduit une telle majorité d'électeurs aux États-Unis et provoqué tant d'intérêt dans le reste du monde devrait montrer qu'en définitive, ce triomphe s'explique par la place exceptionnelle qu'il a accordée aux valeurs morales durant cette campagne.
Ce fantastique orateur les a martelées avec constance jusqu'à la fin, comme en témoigne son discours de Jacksonville la veille de sa victoire. Le recours à la foi d'abord, racine du rêve américain. L'espérance ensuite, qui rassure le citoyen en lui insufflant le courage nécessaire pour se réaliser. Et enfin, l'esprit de compassion et de solidarité humaine qui renvoie au domaine des valeurs les plus universelles : celles de la famille et de la solidarité. Bref, contre les forces du mal trop souvent entretenues par le cynisme, le nouveau président s'est plutôt appliqué à faire triompher celles du bien ».
Ces explications des Québécois Poulin et Warren (1) en 2008 sont revenues à l'honneur à l'occasion du réveil arabe (Tunisie, Egypte, Bahrein, Jordanie et même Libye, en attendant la Mauritanie et les autres reposant sur l'autoritarisme).
Le retour à la fidélité de la révolution culturelle entamée le 4 novembre 2008 et mise entre parenthèses avec la réalité du pouvoir semble donc plus expliquer la position de Barak Obama face au monde arabo-musulman ; l'Amérique qui a toujours servi de modèle culturel avait trouvé un moment un nouvel apport pour une humanité plus à gauche, c'est-à-dire plus juste, plus humaine. D'où l'apparente avance de Obama sur les autres du pourtour méditerranéen avec un changement social qu'aucune diplomatie, aucun service de renseignement, aucun pouvoir ne saurait maîtriser, prévoir, planifier et organiser ; d’où l’impossibilité de prévoir ou d’imposer des effets domino au reste des dictatures, noires, arabes ou métissées.
Il faut quand même relever un bémol pour démontrer l'opportunisme américain dans le dossier arabe du pourtour ; l'administration Obama qui faisait la pluie et le beau temps au Maghreb avec la Tunisie et l'Égypte commencerait ainsi à regretter sa soudaine intransigeance ; perçus comme les seuls ayant fait preuve de praxéologie dans le secteur des régimes arabes autoritaires invités à plus de démocratie, les Américains ont soutenu dimanche le roi Abdallah II qui a rencontré le 13 février dernier le plus haut gradé américain, dans la zone pour rassurer les alliés jordanien et israélien à la suite de la chute du président égyptien Hosni Moubarak. Car la sécurité d'Israël ne se monnaie pas. Que faire en effet de cette Jordanie en proie à un mouvement de contestation sociale et politique, et seul pays arabe avec l'Égypte à avoir signé un traité de paix avec Israël ? Comment comprendre qu’un moment où l’on invite à la mesure, d’un côté, pour laisser exploser une colère longtemps contenue, on adopte une attitude conciliante préventive d’autre part ?
________________
NOTES
1-Claude Poulin Québec, 4 novembre 2008, « Les forces du Bien », « Le Devoir, édition du jeudi 06 novembre 2008
Paul Warren, Québec, le 6 novembre 2008, Édition du lundi 10 novembre 2008
L’Élysée qui gère en outre et surtout la proximité physique et morale au double plan colonial et culturel autour de la Méditerranée n'avait cependant pas besoin, par la voix de François Fillon, d'évoquer l'histoire d'un long compagnonnage et d'une longue complicité faite d'échanges de bons procédés dont ont pu jouir certaines autorités françaises au Proche et Moyen-Orient : bien avant François Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Michèle-Alliot Marie et Fillon lui-même, des rivières de diamant et des fleuves de pétrole généreux ont déjà coulé d’Acquitaine et de la Corrèze au Zambèze pour pomper le sang des Africains et nourrir des hommes et des partis politiques français.
La récente politique arabe de Hussein Obama basée sur l'Évangile consiste à inviter à tendre l'autre cou pour mieux se faire égorger quand les peuples outrés se soulèvent. Opportuniste, le président américain qui n'entretient ni colonies apparemment indépendantes ni la proximité géographique et morale du pourtour méditerranéen appelle à une trouble absence de réaction quand les populations veulent manifester. Nobel surprise inspiré, il aura étonné dans l'affaire des crises tunisienne et égyptienne principalement et ceci jusqu'au bout : solidaire des populations en marche vers la liberté, il l'est tout autant, pour des raisons inverses, de la Jordanie, comme pris d'un soudain rappel à l'ordre et ramené à la dure loi Monroë.
Il ne faut cependant pas oublier que l'idéologie pure n'est pas absente de la rhétorique et du symbolisme de Barak Obama, ce qui avait déjà attiré l'attention des exégèses pendant la campagne électorale américaine de 2008. Ramené à la réalité par des élections catastrophiques de mi-mandat comme déjà avec Clinton avec Nancy Pelosi où le pouvoir perd toujours la majorité à la Chambre des représentants, Obama le rhétoricien se devait de souquer ferme pour revenir dans le cœur de ses compatriotes : le rêve américain fait de libertés fondamentales comprend bien la position du président d’aller imposer la démocratie à travers le monde, dans une obscure survivance de l’éthique blanche d’imposer la civilisation au reste du monde et d’aider au triomphe du bien sur le mal.
« La victoire de Barak Obama passera à l'Histoire à plus d'un titre. Comme explication, la puissance de la parole devrait être retenue en premier lieu : une rétrospective de ses discours qui ont séduit une telle majorité d'électeurs aux États-Unis et provoqué tant d'intérêt dans le reste du monde devrait montrer qu'en définitive, ce triomphe s'explique par la place exceptionnelle qu'il a accordée aux valeurs morales durant cette campagne.
Ce fantastique orateur les a martelées avec constance jusqu'à la fin, comme en témoigne son discours de Jacksonville la veille de sa victoire. Le recours à la foi d'abord, racine du rêve américain. L'espérance ensuite, qui rassure le citoyen en lui insufflant le courage nécessaire pour se réaliser. Et enfin, l'esprit de compassion et de solidarité humaine qui renvoie au domaine des valeurs les plus universelles : celles de la famille et de la solidarité. Bref, contre les forces du mal trop souvent entretenues par le cynisme, le nouveau président s'est plutôt appliqué à faire triompher celles du bien ».
Ces explications des Québécois Poulin et Warren (1) en 2008 sont revenues à l'honneur à l'occasion du réveil arabe (Tunisie, Egypte, Bahrein, Jordanie et même Libye, en attendant la Mauritanie et les autres reposant sur l'autoritarisme).
Le retour à la fidélité de la révolution culturelle entamée le 4 novembre 2008 et mise entre parenthèses avec la réalité du pouvoir semble donc plus expliquer la position de Barak Obama face au monde arabo-musulman ; l'Amérique qui a toujours servi de modèle culturel avait trouvé un moment un nouvel apport pour une humanité plus à gauche, c'est-à-dire plus juste, plus humaine. D'où l'apparente avance de Obama sur les autres du pourtour méditerranéen avec un changement social qu'aucune diplomatie, aucun service de renseignement, aucun pouvoir ne saurait maîtriser, prévoir, planifier et organiser ; d’où l’impossibilité de prévoir ou d’imposer des effets domino au reste des dictatures, noires, arabes ou métissées.
Il faut quand même relever un bémol pour démontrer l'opportunisme américain dans le dossier arabe du pourtour ; l'administration Obama qui faisait la pluie et le beau temps au Maghreb avec la Tunisie et l'Égypte commencerait ainsi à regretter sa soudaine intransigeance ; perçus comme les seuls ayant fait preuve de praxéologie dans le secteur des régimes arabes autoritaires invités à plus de démocratie, les Américains ont soutenu dimanche le roi Abdallah II qui a rencontré le 13 février dernier le plus haut gradé américain, dans la zone pour rassurer les alliés jordanien et israélien à la suite de la chute du président égyptien Hosni Moubarak. Car la sécurité d'Israël ne se monnaie pas. Que faire en effet de cette Jordanie en proie à un mouvement de contestation sociale et politique, et seul pays arabe avec l'Égypte à avoir signé un traité de paix avec Israël ? Comment comprendre qu’un moment où l’on invite à la mesure, d’un côté, pour laisser exploser une colère longtemps contenue, on adopte une attitude conciliante préventive d’autre part ?
________________
NOTES
1-Claude Poulin Québec, 4 novembre 2008, « Les forces du Bien », « Le Devoir, édition du jeudi 06 novembre 2008
Paul Warren, Québec, le 6 novembre 2008, Édition du lundi 10 novembre 2008